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« Les idées humanistes visant à réformer la prison sont absorbées dans des logiques gestionnaires et sécuritaires »

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La sociologue Yasmine Bouagga (1) souhaite apporter, dans ce courrier, des précisions à l’interview qu’elle a accordée récemment aux ASH (1) à propos de sa thèse : « Humaniser la peine ? Ethnographie du traitement pénal en maison d’arrêt ».

« Je remercie les ASH de l’intérêt qu’elles portent à mes travaux de recherche. Je tiens cependant à apporter des précisions au regard de l’interprétation erronée qui transparaît dans le titre, l’exergue et la présentation de l’entretien. En effet, à la lecture de ces éléments, on pourrait croire que ma recherche conclut à un succès des entreprises de réforme de la prison par le droit, une sorte de satisfecit que contredisent périodiquement les rapports du contrôleur général des lieux de privation de liberté, pour ne citer qu’eux. Or mon travail, partant d’un étonnement face à l’omniprésence du discours du droit en prison, s’intéressait à ce qu’il produisait dans le quotidien de la détention : des protections parfois, mais aussi un formalisme qui exclut, qui accroît la distance dans les relations entre personnels pénitentiaires et détenus et qui, enfin, s’intègre très bien aux logiques sécuritaires qu’il tend à renforcer. Ainsi, loin d’affirmer que la prison ne serait plus un espace sécuritaire, je montre comment, en s’intéressant aux dimensions non directement sécuritaires de la prison (la réinsertion, l’accès au droit, etc.), on voit que les idées humanistes visant à réformer l’espace carcéral se trouvent absorbées dans des logiques gestionnaires et sécuritaires. Un élément parlant : alors que les mesures législatives visant à développer la réinsertion et les peines alternatives à l’incarcération se sont multipliées ces dernières années, l’essentiel des budgets alloués à l’administration pénitentiaire sert à construire de nouveaux établissements, embaucher de nouveaux surveillants, acheter des appareils de contrôle et d’enfermement. Pour autant, on ne peut pas qualifier les mesures réformatrices de simple façade : elles sont prises au sérieux par les agents dans le quotidien de leur travail. Il en résulte un profond malaise, qui s’est notamment traduit dans les mouvements sociaux des conseillers d’insertion et de probation en 2008 et 2011, mais aussi dans la réception mitigée de la loi de réforme pénale votée cet été (voir ce numéro, page 48). Avec la pénétration du droit et d’une “éthique libérale” qui l’accompagne, l’institution coercitive est au cœur de contradictions révélant les incohérences des politiques publiques en matière de traitement de la délinquance. C’est la prise en considération de cette complexité qui permet de comprendre ce qui fait la prison contemporaine. »

Notes

(1) Yasmine Bouagga est attachée d’enseignement et de recherche en sociologie à l’université Paris-Dauphine.

(2) Voir ASH n° 2867 du 4-07-14, p. 36.

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