Trois ans après la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité qui a modifié de manière importante le régime juridique du placement en rétention administrative (allongement de sa durée maximale à 45 jours, instauration d’un nouveau recours devant le juge administratif, report à cinq jours au lieu de 48 heures de l’intervention du juge des libertés et de la détention pour autoriser la prolongation de la rétention…) (1) et d’autres évolutions réglementaires, comme la limitation de la durée de rétention des mineurs (2), la commission des lois du Sénat « a considéré qu’il était opportun de faire un bilan et des propositions d’amélioration » en matière de rétention administrative.
Après avoir détaillé les dernières évolutions juridiques et dressé un tableau de la situation actuelle des centres de rétention administrative (CRA), son rapport, rédigé par Eliane Assassi, sénatrice (CRC) de la Seine-Saint-Denis, et François-Noël Buffet, sénateur (UMP) du Rhône (3), examine d’abord les modifications qui pourraient être apportées au cadre juridique de la rétention et de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Il préconise ainsi des mesures pour « rendre à la rétention sa vocation première de préalable à un éloignement certain ». En effet, face à « la persistance de placements en rétention illégaux ou inutiles », les rapporteurs suggèrent aux autorités administratives d’approfondir l’étude des cas en amont de la rétention afin d’éviter les placements illégaux de personnes « bénéficiant d’un droit au séjour ou susceptibles d’en bénéficier [et] de mettre effectivement en mesure l’étranger retenu pour vérification de son droit au séjour de fournir les pièces justifiant de ce droit ». Objectif : éviter de priver de liberté des personnes pour lesquelles il n’existe pas de perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement.
Pour les sénateurs, il faudrait également « mettre le droit français en conformité avec le droit européen en supprimant l’automaticité de l’examen en procédure prioritaire des demandes d’asile en rétention et en limitant le maintien en rétention des demandeurs d’asile aux cas où la demande d’asile est manifestement dilatoire » et améliorer la coopération avec les autorités judiciaires et pénitentiaires, ainsi qu’avec les autorités consulaires afin d’éviter le placement en rétention de sortants de prison.
Par ailleurs, afin de mieux transposer l’esprit de la directive “retour” de 2008, les rapporteurs proposent de « repenser complètement les mesures d’éloignement afin d’y introduire une véritable gradation ». Ils recommandent ainsi d’encourager les départs volontaires en généralisant les obligations de quitter le territoire assorties de délai de départ volontaire et de développer des alternatives à la rétention en favorisant l’assignation à résidence, en mettant en place un dispositif d’assistance juridique pour les personnes assignées à résidence ou encore en installant des centres ouverts sur le modèle des “maisons de retour” belges. Les élus préconisent enfin de ne « permettre la rétention qu’en cas d’échec d’une mesure coercitive préalable » (assignation à résidence ou placement en centre ouvert).
La deuxième série de propositions vise à améliorer les conditions de vie dans les CRA. Cela passe d’abord par une amélioration de la conception des locaux ainsi que par une meilleure garantie de l’accès aux droits et aux soins. « Si le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que les personnes retenues peuvent bénéficier de certains droits, la mise en œuvre effective de ceux-ci dans les CRA présente encore des lacunes », relèvent les rapporteurs, qui recommandent, entre autres, de renforcer la présence des avocats et des interprètes et de « prévoir une transmission des demandes d’asile des personnes retenues à l’OFPRA par un mandataire » (association par exemple).
En ce qui concerne l’accès aux soins, alors que « la prise en charge des troubles psychologiques n’est pas assurée de manière satisfaisante », les sénateurs conseillent d’envisager un dispositif spécifique de prise en charge dans ce domaine, de garantir par une disposition législative la continuité des soins en rétention et d’envisager « une procédure spécifique de délivrance du titre de séjour “étrangers gravement malades” aux étrangers libérés pour ce motif ». Ils suggèrent également de prévoir la possibilité d’activités, notamment culturelles, « à l’instar de ce qui est organisé en Belgique, afin de lutter contre les tensions qui naissent nécessairement d’une complète inactivité », ainsi qu’un accès à une messagerie par Internet pour les personnes retenues.
Enfin, le rapport préconise de mieux articuler l’intervention des différents acteurs en essayant par exemple d’affecter des personnels de police plus expérimentés dans les CRA « afin notamment d’améliorer les relations avec les personnes retenues », en renforçant les moyens humains de l’Office français de l’immigration et de l’intégration et en ouvrant l’accès des centres aux ministres des cultes.
A noter que la sénatrice Eliane Assassi a souhaité faire deux propositions supplémentaires : supprimer à terme la rétention administrative et les audiences délocalisées des tribunaux de grande instance, contre lesquelles de nombreux acteurs de la justice et des associations de défense des étrangers se sont élevées.
(1) Voir ASH n° 2760 du 18-05-12, p. 35.
(2) Voir ASH n° 2768 du 13-07-12, p. 18.
(3) Rapport d’information n° 773 – Disponible sur