La France doit faire preuve de « souplesse, de célérité et d’effectivité » dans le traitement des demandes de regroupement familial, selon la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Dans trois arrêts rendus le 10 juillet, les juges européens ont en effet conclu à la violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et du citoyen sur le respect de la vie privée et familiale, considérant que l’Etat français n’a « pas ménagé de juste équilibre entre l’intérêt des requérants d’une part, et son intérêt à contrôler l’immigration d’autre part ».
La première affaire (Mugenzi c/France) porte sur un réfugié rwandais à qui les autorités consulaires ont refusé un regroupement familial au motif qu’un examen médical de ses fils à Nairobi jetait le doute sur le fait qu’ils avaient moins de 19 ans (condition pour bénéficier de la procédure de regroupement familial). Dans sa décision, la CEDH déplore qu’un « examen médical sommaire » (consistant apparemment en un examen de la cavité buccale) se soit « révélé déterminant ».
La deuxième affaire (Tanda-Muzinga c/France) concerne un réfugié congolais ayant essuyé deux refus de regroupement familial avant finalement d’obtenir une réponse positive à l’annonce de la saisine de la justice. La Cour a estimé que, dans ce cas particulier, le requérant n’avait pas été en capacité de comprendre ce qui s’opposait précisément à sa demande, faute d’explication et de motivations de la part du Conseil d’Etat et de la commission des recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France. Dans les deux affaires, les juges de Strasbourg rappellent que si les autorités nationales sont les mieux placées pour évaluer l’authenticité des actes d’état civil, elles ont aussi l’obligation de mettre en œuvre une procédure prenant en compte les événements ayant perturbé et désorganisé la vie familiale des requérants et conduit à leur reconnaître le statut de réfugié. L’Etat français est également incité par la Cour à prendre en considération « d’autres preuves » de l’existence des liens familiaux si le réfugié n’est pas en mesure de fournir des pièces justificatives officielles. Or, dans les deux affaires, la juridiction européenne observe que les requérants ont été confrontés à une accumulation de difficultés dans le temps les empêchant de participer utilement à la procédure. Ils ont notamment rencontré des obstacles pour faire valoir les « autres éléments » de preuve des liens de filiation et/ou de l’âge des enfants, qui avaient pourtant été validés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides lors de leur demande d’asile.
Le troisième arrêt (Senigo Longue et autres c/France) concerne quant à lui une ressortissante camerounaise qui, après s’être vu opposer un refus de regroupement familial au motif que les actes de naissance de ses deux enfants n’étaient pas authentiques, est retournée au Cameroun pour procéder à des tests ADN. Elle a finalement obtenu gain de cause après la saisine de la Cour. Dans cette affaire, les juges européens ont, là encore, souligné les difficultés pour la requérante de participer utilement à la procédure, de comprendre exactement ce qui s’opposait à sa demande de regroupement familial et d’obtenir une réponse rapide.
La Cour européenne des droits de l’Homme conclut que ces trois procédures n’ont pas présenté les garanties de souplesse, de célérité et d’effectivité requises au vu de la situation spécifique des requérants et condamne l’Etat français à leur verser la somme de 5 000 € pour dommage moral.