Examinée selon la procédure accélérée(1), la loi sur la prévention de la récidive et l’individualisation des peines devait être définitivement adoptée par le Parlement le 17 juillet. Ce texte, qui a soulevé de nombreuses polémiques, a finalement fait l’objet d’un compromis trouvé le 8 juillet en commission mixte paritaire, qui réunit sept sénateurs et sept députés. Sous réserve de la saisine du Conseil constitutionnel, il prévoit notamment la création d’une nouvelle peine – la contrainte pénale –, l’instauration d’une libération sous contrainte et la suppression des peines planchers. Autant de mesures qui visent à éviter les sorties sèches et dont la mise en œuvre sera confiée aux services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) qui, rappelons-le, doivent être renforcés par la création, d’ici à 2017, de 1 000 postes supplémentaires, dont 660 conseillers d’insertion et de probation.
Signalons que les parlementaires ont décidé de ne pas modifier les seuils d’emprisonnement en dessous desquels il est impossible d’octroyer un aménagement de peine, qui demeurent donc de deux ans pour les non-récidivistes et de un an pour les récidivistes.
La loi crée une nouvelle peine alternative à l’emprisonnement, la contrainte pénale, censée participer à la fois à l’individualisation de la peine, à la prévention des risques de récidive et à la lutte contre la surpopulation carcérale. Elle pourra s’appliquer aux délits punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans commis à compter du 1er janvier 2015 et à l’ensemble des délits punis d’une peine de prison à compter du 1er janvier 2017. Seules les personnes majeures sont concernées.
Dans tous les cas, lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de son auteur justifieront un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction pourra prononcer une peine de contrainte pénale. La personne condamnée sera alors astreinte, pour une durée comprise entre six mois et cinq ans, aux mesures d’assistance et de contrôle prévues à l’article 132-44 du code pénal (répondre aux convocations du juge de l’application des peines [JAP] ou du travailleur social désigné, prévenir ce dernier de ses changements d’emploi…), qui s’appliqueront dès le prononcé de la décision de condamnation(2) et pour toute la durée de la peine. Le condamné sera aussi astreint, sous le contrôle du JAP, à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société, à savoir :
→ aux obligations et interdictions prévues à l’article 132-45 du code pénal (établir sa résidence en un lieu déterminé, s’abstenir d’entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime…) ;
→ à l’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général ;
→ à l’injonction de soins s’il a été condamné pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et qu’une expertise médicale a conclu qu’il était susceptible de faire l’objet d’un traitement.
Le condamné pourra aussi bénéficier de mesures d’aide prévues à l’article 132-46 du code pénal – dont le contenu reste flou pour le secteur (voir ce numéro, page 18) –, en vue de favoriser son reclassement social. Elles seront mises en œuvre par le SPIP avec la participation, le cas échéant, de tous organismes publics et privés.
Si elle dispose d’« éléments suffisants » sur la personnalité du condamné et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la juridiction pourra elle-même définir les obligations et interdictions qui lui seront imposées. Le juge de l’application des peines pourra, par la suite, les modifier, les supprimer ou les compléter sur la base de l’évaluation, par le SPIP, de la personnalité et de la situation du condamné. En revanche, si la juridiction n’a pas déterminé les obligations et interdictions du condamné, il appartiendra au JAP de le faire et de préciser les mesures d’aide éventuelles, sur la base de l’évaluation du service pénitentiaire d’insertion et de probation.
Une évaluation aura lieu à chaque fois que nécessaire au cours de l’exécution de la peine et au moins une fois par an. En fonction, le JAP pourra soit modifier ou compléter les obligations et interdictions auxquelles le condamné est astreint, soit supprimer certaines d’entre elles.
Signalons que, si l’intéressé a satisfait aux obligations et interdictions pendant au moins un an, si son reclassement paraît acquis et qu’aucun suivi ne paraît plus nécessaire, le JAP pourra, en accord avec le procureur de la République(3), mettre fin de façon anticipée à la contrainte pénale.
En cas d’inobservation des mesures de contrôle et d’assistance ou des obligations et interdictions, le JAP pourra modifier ou compléter ces dernières ou alors simplement procéder à un rappel des mesures, obligations et interdictions. Si cette solution est insuffisante, le JAP saisira, d’office ou sur réquisition du procureur de la République, le tribunal de grande instance ou un juge par lui désigné afin que soit mis à exécution tout ou partie de l’emprisonnement fixé par la juridiction de jugement, qui ne pourra excéder deux ans, ni le maximum de la peine d’emprisonnement encourue. Dans tous les cas, la durée de l’emprisonnement sera déterminée en fonction de la personnalité, de la situation matérielle, familiale et sociale de l’intéressé, de la gravité de l’inobservation des mesures, obligations et interdictions ainsi que du délai pendant lequel la contrainte pénale a été exécutée et des obligations qui ont déjà été respectées ou accomplies. Cet emprisonnement pourra en outre être exécuté sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la surveillance électronique.
La loi instaure, à compter du 1er janvier 2015, une procédure d’examen obligatoire de la situation des personnes condamnées à une peine maximale de cinq ans lorsqu’elles auront exécuté les deux tiers de leur peine. L’objectif étant « d’apprécier s’il y a lieu qu’elles bénéficient ou non d’une mesure de sortie encadrée », explique l’exposé des motifs du projet de loi initial. Cet examen sera effectué par la commission de l’application des peines réunissant le JAP, le SPIP, le chef de l’établissement pénitentiaire et le procureur de la République. Sur la base de son avis, le JAP pourra décider ou non de prononcer une mesure de libération sous contrainte. Si celle-ci est prononcée, elle entraînera la fin de l’incarcération du condamné, qui sera alors placé sous le régime de la semi-liberté, de la surveillance électronique, du placement à l’extérieur ou de la libération conditionnelle, y compris en ce qui concerne les conséquences de l’inobservation de ces mesures, pour une durée égale à la durée de l’emprisonnement restant à subir. Signalons que, s’il n’est pas procédé à l’examen de la situation du condamné dans les délais prévus, le premier président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel pourra, d’office ou sur saisine du procureur de la République ou de la personne condamnée, ordonner la libération sous contrainte.
Pour les personnes condamnées à exécuter une ou plusieurs peines d’une totale de plus de cinq ans, le texte prévoit que, lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir, leur situation doit être examinée par le juge ou le tribunal de l’application des peines à l’occasion d’un débat contradictoire afin qu’il soit statué sur l’octroi d’une libération conditionnelle. Si l’intéressé a été condamné à une peine de réclusion à perpétuité, cet examen interviendra à l’issue de sa 18e année de détention. Le texte précise toutefois que le juge ou le tribunal de l’application des peines ne sera pas tenu d’examiner le dossier à l’occasion d’un débat contradictoire si le condamné a préalablement indiqué qu’il refusait toute mesure de libération conditionnelle. Signalons que, si le débat contradictoire n’intervient pas dans les délais, le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel pourra, d’office ou sur saisine du condamné ou du procureur de la République, tenir ce débat.
Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) – obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans celles qui comprennent une zone urbaine sensible – peut constituer en son sein un ou plusieurs groupes de travail et d’échange d’informations à vocation territoriale ou thématique. La loi prévoit que, à la demande de l’autorité judiciaire, ces groupes pourront aussi désormais traiter des questions relatives à l’exécution des peines et à la prévention de la récidive. Sans changement, ils pourront échanger des informations confidentielles, qui ne pourront en revanche être communiquées à des tiers.
En outre, les parlementaires ont décidé que, au sein du conseil départemental de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes, l’état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure seront chargés d’animer et de coordonner, sur leur territoire, les actions conduites par l’administration pénitentiaire, les autres services de l’Etat, les collectivités territoriales, les associations et les autres personnes publiques ou privées en vue de favoriser l’exécution des peines et la prévention de la récidive. Dans ce cadre notamment, l’état-major de sécurité et la cellule de coordination devront organiser les modalités de suivi et du contrôle en milieu ouvert des personnes condamnées sortant de prison, désignées par l’autorité judiciaire compte tenu de leur personnalité, de leur situation matérielle, familiale et sociale ainsi que des circonstances de la commission des faits. Ils devront en conséquence informer régulièrement le JAP et le SPIP des conditions de mise en œuvre, dans leur ressort, du suivi et du contrôle de ces personnes. A cet effet, ils pourront demander au JAP et au SPIP toute information utile au bon déroulement du suivi et du contrôle.
En toute matière et à tous les stades de la procédure, précise la loi, sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la mise en liberté d’une personne placée en détention provisoire peut être ordonnée, d’office ou à la demande de l’intéressé, lorsqu’une expertise médicale établit qu’elle est atteinte d’une pathologie engageant son pronostic vital ou que son état de santé, physique ou mental, est incompatible avec le maintien en détention, hors les cas des personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement. En cas d’urgence, sa mise en liberté peut être ordonnée au vu d’un certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle cette personne est prise en charge ou par le remplaçant de ce médecin. La décision de mise en liberté pourra être assortie d’un placement sous contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence avec surveillance électronique.
Par ailleurs, la loi précise que, lorsqu’une femme enceinte de plus de 12 semaines doit exécuter une peine d’emprisonnement, « le procureur de la République ou le JAP s’efforce par tout moyen soit de différer cette mise à exécution, soit de faire en sorte que la peine s’exécute en milieu ouvert ». Concrètement, explique le rapporteur (PS) de la loi au Sénat, Jean-Pierre Michel, à l’initiative de cette disposition, « dans la mesure du possible, une femme enceinte doit pouvoir porter son enfant et l’élever pour ses premières années en dehors de tout lieu d’incarcération même si cette règle ne doit pas être absolue afin d’éviter que les milieux de la criminalité organisée n’utilisent des femmes enceintes ». Afin de permettre l’application de ce principe, l’article 729-3 du code de procédure pénale, qui permet une libération conditionnelle sans condition de délai pour les peines de quatre ans au plus, ou pour les peines dont le reliquat à subir est inférieur à quatre ans, lorsque la personne élève un enfant de moins de 10 ans, est étendu aux femmes enceintes de plus de trois mois. Les intéressées pourront alors faire l’objet d’une semi-liberté, d’un placement extérieur ou d’une surveillance électronique probatoire pendant un an avant la libération conditionnelle.
Dans cette même logique, la loi prévoit aussi que le détenu exerçant l’autorité parentale sur un enfant de moins de 10 ans ayant chez lui sa résidence habituelle et les femmes enceintes de plus trois mois, en matière correctionnelle, puissent bénéficier d’une suspension de leur peine pour raison familiale dès lors qu’il leur reste à subir une peine inférieure ou égale à quatre ans.
(1) Cette procédure implique une seule lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat.
(2) Et sans attendre l’expiration des délais de recours contre le jugement.
(3) A défaut d’accord du ministère public, le JAP devra suivre une autre procédure.