Mesure phare de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale en décembre dernier (1), la pénalisation des clients de prostitués a été supprimée par la commission spéciale du Sénat. Le texte voté par les députés prévoyait de punir l’achat d’actes sexuels d’une contravention de 1 500 €. Le rapport de la commission relance un débat ouvert par Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, qui avait déclaré, en juin 2012, vouloir « abolir la prostitution ». Depuis, partisans et détracteurs de la pénalisation se déchirent sur la question. Pour les uns, la sanction des clients témoigne de la reconnaissance de la prostitution comme une violence à combattre, pour les autres, cette mesure ne ferait que repousser l’exercice de la prostitution dans la clandestinité. C’est donc cet argument qu’ont retenu une majorité des sénateurs de la commission spéciale (16 ont voté pour la suppression de cette disposition, 12 contre, deux se sont abstenus) au terme de vifs débats. La pénalisation des clients est le seul point qui a « réellement divisé » la commission, a ainsi expliqué la rapporteure Michelle Meunier (PS) mais « la majorité des membres a considéré qu’elle risquait de dégrader la situation sanitaire et sociale » des prostituées. La commission a, en toute logique, confirmé l’abrogation du délit de racolage, et validé les mesures d’accompagnement social et professionnel pour les personnes qui veulent quitter la prostitution.
Le rapport suscite, sans surprise, des avis opposés. Onze associations (2) saluent le rejet de la pénalisation des clients, « jugée inefficace pour lutter contre les réseaux et dangereuse pour les personnes se prostituant ». Pour elles, l’urgence est d’entériner l’abrogation et « de mettre en place des mesures concrètes pour garantir une meilleure protection des personnes qui le demandent ». S’appuyant sur l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, qui s’est prononcée contre la pénalisation du client (3), elles appellent les parlementaires à adopter ce texte en l’état. A contrario, Osez le féminisme considère que la commission, « en enterrant la pénalisation du client affirme que l’achat d’un acte sexuel […] n’est pas répressible et entérine le fait que les clients prostitueurs ne sont pas responsables des violences faites aux personnes prostituées ». A l’instar du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes qui s’était déclaré favorable à cette mesure (4), l’association invite le gouvernement et le Sénat à inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour « pour redonner au texte sa cohérence et son ambition ». Or l’examen de ce texte ne figure pas encore au calendrier de la Haute Assemblée. Même déception pour le Mouvement du Nid, pour qui cette nouvelle version « va à rebours d’un mouvement historique de reconnaissance de la prostitution comme violence faite aux femmes et obstacle majeur à l’égalité femmes-hommes ».
(1) Voir ASH n° 2837 du 13-12-13, p. 5.
(2) Dont Act Up-Paris, AIDES, Médecins du monde ou le Strass.
(3) Voir ASH n° 2862 du 30-05-14, p. 5.
(4) Voir ASH n° 2832 du 8-11-13, p. 8.