« Le ministère des Affaires sociales prépare-t-il le démantèlement des diplômes d’Etat en travail social ? » C’est la question que l’ANAS (Association nationale des assistants de service social) souhaite, sans détour, poser à la ministre Marisol Touraine, à qui elle demande audience. A l’origine de sa mobilisation : le projet de refonte de l’architecture des diplômes en travail social, objet d’une réflexion confiée en décembre dernier à un groupe de travail de la CPC (commission professionnelle consultative) du travail social et de l’intervention sociale. Avant que celui-ci ne soit mandaté, la commission avait, en septembre 2013, produit un premier document de travail qui provoque l’ire de l’association.
Après avoir rappelé les objectifs de la réforme – le maintien du caractère générique des diplômes, l’alternance intégrative comme fondement pédagogique, la lisibilité de l’offre de certification, la fluidité des parcours et le renforcement de la culture commune aux professionnels –, la note de la CPC, présentée comme un support au débat, propose de retenir une dénomination générique par niveau de diplôme (« dirigeant ou expert en travail social », « travailleur social », « technicien en travail social »…), d’instaurer un socle commun (50 % du cursus) par niveau, une spécialisation et des approfondissements par type de parcours (dépendance, handicap…). Dans cette perspective, les formations nécessitant trois années d’études seraient reconnues au grade licence. L’un des deux scénarios présentés, s’inspirant particulièrement des réflexions de l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale), privilégie l’enseignement d’une spécialité qui reprendrait l’intitulé des diplômes actuels (1), tandis qu’un autre préconise des spécialités par fonction (« ingénierie et expertise », « accompagnement social », « accompagnement éducatif »…)
Pour l’ANAS, ces deux pistes aboutiraient à « une homogénéisation dangereuse des professions et ceci sans concertation avec les professionnels ». La reconnaissance au niveau II ne peut être conditionnée à une telle réforme, conteste-t-elle. « La position qui consiste à considérer comme une évidence que la complémentarité passe par l’unicité de la formation est même contreproductive car elle aboutit à la disparition des métiers, commente Antoine Guillet, membre du conseil d’administration de l’ANAS. Nous voulons défendre les spécificités professionnelles, qui n’empêchent pas la pluridisciplinarité. Pour faire des enseignements communs, comme il en existe déjà dans beaucoup d’instituts régionaux de travail social, il n’est pas nécessaire de créer des diplômes communs ! » Pour l’association, l’option proposant la disparition des intitulés de diplôme entraînerait de surcroît la suppression du titre d’assistant de service social, protégé par le code de l’action sociale et de la famille, donc la fin de la réglementation de la profession. Laquelle garantit aujourd’hui à l’usager le respect d’un certain nombre d’obligations, comme le secret professionnel.
L’ANAS prévoit de formuler « des propositions pour l’avenir de la formation initiale des assistants de service social ». De son côté, le groupe de travail sur la refonte de l’architecture des diplômes, également groupe de travail national sur les « métiers et complémentarités » dans le cadre de la préparation « états généraux du travail social », devrait, au mois de septembre, présenter un premier rapport à la CPC. « Il va faire état de la réflexion, de premières hypothèses, et le débat sera ouvert jusqu’en décembre dans le cadre d’auditions », explique Claude Noël, membre de la commission professionnelle consultative au titre de l’Unaforis, précisant que « toutes les pistes sont à l’étude ». Le groupe de travail a été mandaté pour proposer, à cette échéance, un ou plusieurs scénarios d’évolution des quatorze diplômes qui relèvent du code de l’action sociale et des familles.
En février dernier, la publication, par le ministère des Affaires sociales, des rapports d’évaluation de la réingénierie des diplômes de travail social (2), dont la synthèse préconise également l’instauration de troncs communs et d’enseignements spécialisés, avait déjà suscité une vive réaction de l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES). Elle avait entraîné la création du collectif Avenir éducs, à l’origine d’une pétition lancée avec l’Association pour la formation au métier d’éducateur de jeunes enfants (Aformeje) (3) et désormais également soutenu par l’ANAS.
(1) Dans un document d’étape validé en conseil d’administration le 26 septembre 2013, l’Unaforis précise que sa proposition d’architecture des diplômes « ne met pas en question l’existence des diplômes d’Etat et n’envisage pas leur suppression », mais qu’elle vise plutôt « un réaménagement des modalités d’acquisition des compétences et savoirs définis par les référentiels, par la création d’un socle fondamental par mention et par niveau avec des spécialités associées ».
(2) Voir ASH n° 2852 du 21-03-14, p. 13.
(3) Voir ASH n° 2856 du 18-04-14, p. 18.