Les objectifs sont bien plus larges que cela. L’insertion professionnelle à la sortie de détention est importante, certes – et là nous rejoignons les objectifs poursuivis par le projet de loi relatif à la prévention de la récidive. Mais, au sein même de la prison, la formation professionnelle a d’autres intérêts : elle permet aux détenus qui ont de longues peines de construire un projet ou d’avoir tout simplement une activité motivante ; elle sert à leur donner des compétences pour occuper des emplois à l’intérieur de la prison ; elle participe aussi à l’apaisement des tensions. Sans oublier que les formations contribuent à lutter contre l’illettrisme qui touche près de 11 % de la population carcérale.
En trois ans, en Aquitaine, près de 2 400 bénéficiaires de sept établissements pénitentiaires ont été concernés, avec des formations dans des domaines aussi variés que l’horticulture, la restauration ou la peinture en bâtiment. En Pays-de-la-Loire, au total 1 132 personnes issues de cinq établissements pénitentiaires ont acquis des connaissances dans les secteurs de l’industrie ou du bâtiment. L’administration pénitentiaire n’a pas encore assez de recul pour établir des statistiques de retour à l’emploi, mais les deux régions ont dressé un bilan très positif de l’expérimentation, avec un très fort investissement personnel de tous les acteurs. Une mission des inspections générales de l’action sociale et des services judiciaires a également conclu à la grande valeur ajoutée du dispositif. Elle a montré que ce transfert de compétences des ministères vers les régions a permis d’améliorer et d’élargir l’offre de formation proposée aux détenus. En effet, les deux régions, au lieu de proposer des formations adaptées aux personnes sous main de justice, sont parties du principe d’intégrer ce public dans le droit commun de la formation mis en place localement.
L’expérimentation a surtout ouvert des possibilités concernant l’articulation « dedans-dehors ». L’implication des régions garantit que le parcours de formation d’un détenu commencé pendant son temps de détention continue à être pris en charge à sa sortie, ce que ne pouvaient pas faire les ministères de la Justice et de l’Emploi. Cela a un impact sur l’offre de formation, qui est adaptée avec des modules suivis en détention et d’autres à l’extérieur.
Les organismes de formation choisis intervenaient depuis longtemps dans les prisons. Ils ont néanmoins témoigné de l’important travail d’acculturation nécessaire à la généralisation du dispositif. Les formateurs doivent tenir compte du contexte de la prison, des conditions de sécurité… La région Aquitaine a proposé à la chargée de mission du projet une immersion de deux jours en centre de détention et d’une journée au sein de l’administration pénitentiaire régionale.
La loi oblige les régions à gérer cette compétence d’ici au 1er janvier 2015. L’ARF restera vigilante sur les conditions financières et les moyens humains de ce transfert. Des questions se posent encore, comme l’articulation entre la formation des personnes sous main de justice et le nouveau service public régional de l’orientation que les régions vont mettre en place en 2015. On se demande aussi quelles interfaces il faudra envisager avec les délégataires en charge des prisons privées. Pour celles-ci, le transfert de compétences ne se fera qu’à l’horizon 2016. Plus globalement, le succès de cette expérimentation a mis en valeur l’intérêt de bien étudier les pratiques, de laisser mûrir les expériences avant de les généraliser. On espère que l’Etat aura une même attitude envers d’autres compétences qui seront à l’avenir transférées aux régions.
(1) Voir ASH n° 2862 du 30-05-14, p. 47.