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Prévention de la délinquance : la charte sur l’échange d’informations réactualisée

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Le comité interministériel de prévention de la délinquance s’apprête à diffuser aux maires une nouvelle version de la charte déontologique type pour l’échange d’informations dans le cadre des CLSPD, assortie d’un guide d’utilisation.

Le texte était attendu. Le comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) s’apprête à diffuser aux maires une version actualisée de la « charte déontologique type pour l’échange d’informations dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance » (CLSPD), assortie d’un « guide méthodologique sur l’échange d’informations dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de la prévention de la délinquance » (1). A l’heure où nous bouclions ce numéro, le CIPD n’attendait plus que l’avis du Conseil supérieur du travail social (CSTS), qui devait se réunir en plénière le 17 juillet.

La première charte a été élaborée en 2010 conformément aux recommandations du plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes 2010-2012. Le CIPD a souhaité l’actualiser pour l’inscrire dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2013-2017 (2) – laquelle se concentre plus particulièrement sur les jeunes exposés à la délinquance – mais aussi, selon le secrétaire général du CIPD (3), pour apporter des clarifications juridiques de nature à rassurer les professionnels et à lever leurs réticences. Un groupe de travail réunissant différents acteurs a ainsi été mis sur pied pour plancher sur la question et élaborer un texte.

Une des grandes nouveautés de la charte est de prévoir la constitution de traitements de données à caractère personnel « permettant le suivi des actions en direction des personnes ou des familles ». La Commission nationale de l’informatique et des libertés a émis à cet égard, le 26 juin dernier, une autorisation unique portant sur la finalité de ces traitements, la nature des données traitées, les destinataires, le recueil du consentement des personnes, ou encore la durée de conservation des données. Les maires désireux de mettre en œuvre de tels fichiers devront lui adresser une déclaration comportant un engagement de conformité avec les conditions posées (voir ce numéro, page 36).

La notion d’informations à caractère confidentiel

La charte tente de circonscrire ce que recouvre la notion d’informations à caractère confidentiel, qui, selon le CIPD, pouvait porter à confusion. Celle de 2010 avait déjà pris soin de faire la distinction entre deux dispositions de la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance. D’une part, l’article 8, qui ne concerne que les informations « à caractère secret » entre les professionnels de l’action sociale et l’autorisation donnée à ces derniers de révéler au maire et au président du conseil général les informations confidentielles strictement nécessaires à l’exercice de leurs compétences. D’autre part, l’article 1, qui vise l’échange des « informations à caractère confidentiel » entre les participants aux groupes de travail à vocation territoriale ou thématique constitués au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Une notion qui, comme le précise le guide joint à la charte, correspond à deux types d’échanges possibles en fonction de l’objet du groupe de travail et des membres le composant :

→ les faits et informations relatifs à l’ambiance locale, aux problématiques de terrain et à la mise en œuvre concrète d’actions partenariales correspondant à la thématique ou au territoire considéré, ainsi qu’aux orientations décidées dans le cadre de la formation plénière ou restreinte du CLSPD ;

→ les informations portant sur les situations individuelles, personnelles ou familiales afin notamment de s’assurer qu’elles font l’objet d’une prise en charge appropriée.

La charte s’applique seulement dans le cadre de l’article 1 de la loi.

L’étendue des échanges

Comme en 2010, la version actualisée du texte rappelle les obligations de secret professionnel, de devoir de réserve ou de discrétion inhérentes aux professions concernées. Il est précisé qu’« il appartient à chacun des membres des groupes de travail de déterminer en conscience, dans les conditions, les objectifs et les limites imposées par la loi, et au cas par cas, si l’information qu’il détient peut être communiquée aux autres membres du groupe ». Et qu’il est du devoir des membres de « veiller strictement à ne communiquer que des informations factuelles et sûres ».

Concernant les informations afférentes à des situations personnelles ou familiales, la charte indique que seules peuvent être échangées au sein des groupes les informations strictement nécessaires « à la réflexion collégiale sur la problé­matique, à l’évaluation de la situation et à la recherche de solutions ». « Toute information non nécessaire à la compréhension ou à la résolution du problème évoqué ne doit pas être exposée. » Le guide méthodologique donne un exemple: par l’évocation du nom d’une famille, d’un mineur ou d’une personne, il peut s’agir de « s’assurer qu’une prise en charge sociale ou éducative est en cours ou de proposer l’inscription du jeune concerné dans un parcours personnalisé de réinsertion sociale et professionnelle dans le cadre du programme d’actions destiné aux jeunes exposés à la délinquance ». En revanche, souligne la charte, un « partage d’informations plus précises sur une situation individuelle (éléments de l’histoire personnelle ou familiale, détail du travail social ou éducatif en cours, éléments sur les éventuelles procédures judiciaires en cours mettant en cause l’intéressé, etc.) est exclu à ce niveau et ne peut s’envisager que dans le cadre de l’article 8 (article L. 121-6-2 du code de l’action sociale et des familles) ou au sein d’autres dispositifs (notamment ceux du conseil général en matière de protection de l’enfance ou de l’autorité judiciaire en matière de suivi des mineurs multiréitérants) ».

La finalité des échanges

Quelle est la finalité de ces échanges ? Selon la charte, ils doivent permettre aux membres des groupes de signaler les situations difficiles, personnelles ou familiales, au regard du risque de délinquance dont ils ont connaissance et de s’assurer qu’elles sont bien prises en compte par une des institutions concernées. « Si tel n’est pas le cas, précise le texte, il convient de rechercher le ou les acteurs les mieux à même de traiter la situation identifiée. » En tout état de cause, les personnes intéressées doivent être informées de l’échange d’informations à caractère confidentiel les concernant.

La charte précise encore que les échanges d’informations confidentielles ne doivent en aucun cas avoir lieu au cours des réunions plénières du CLSPD ou du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance. Ils doivent rester cantonnés aux réunions des groupes de travail à vocation territoriale ou thématiques. Chacun des membres de ces groupes a l’obligation de préserver la confidentialité des informations recueillies collectivement. Tout manquement au respect de la charte entraîne de facto une exclusion des travaux du groupe.

Les acteurs concernés

Une partie du guide joint à la charte est consacrée à des conseils méthodologiques – inspirés des pratiques locales – pour l’organisation de l’échange d’informations confidentielles, « principalement » dans le cadre de la mise en œuvre du programme prioritaire à l’intention des jeunes exposés à la délinquance. Mais il est précisé que la mise en œuvre des autres programmes d’actions de la stratégie nationale peut également s’appuyer sur ces conseils.

Un coup de projecteur y est notamment donné sur les acteurs concernés par l’échange d’informations. A commencer par le coordonnateur du CLSPD, qui a vocation à être l’animateur des groupes opérationnels mis en place dans le cadre des CLSPD. « Il dispose le plus souvent d’une formation initiale en droit ou dans le travail social, la politique de la ville ou l’animation et a dans la plupart des cas une expérience préalable dans le domaine du droit, de la sécurité, de la prévention de la délinquance, de l’intervention sociale, de l’insertion, de l’animation, de l’éducation ou de la politique de la ville », indique le guide. « Il doit par ailleurs présenter des qualités relationnelles, d’adaptation notamment […], mais également en matière rédactionnelle et d’esprit de synthèse. »

Les services de l’Etat – « principalement » l’Education nationale et la Justice – sont également cités. Le guide évoque également « les forces de sécurité de l’Etat », non pas comme des membres à part entière des groupes mais comme pouvant « être associées aux travaux » en tant qu’acteurs « susceptibles d’identifier les jeunes exposés à la délinquance ».

Les services du conseil général et de l’action sociale ont aussi « tout à fait leur place » dans les groupes professionnels d’échange d’informations des CLSPD, souligne le guide, en insistant sur l’importance des travailleurs sociaux en matière de prévention de la délinquance. « Certains se trouvent les mieux placés pour agir auprès de personnes auprès de qui ils interviennent déjà ou de jeunes qu’ils accompagnent dans un objectif de protection, d’insertion ou d’autonomisation », indique le guide, ajoutant qu’« ils doivent alors faire preuve de discernement, avec les professionnels de référence dans l’organisation de l’action sociale et avec les autres acteurs de terrain, pour savoir quel est le rôle le plus efficace à tenir ».

« Compte tenu de leurs compétences en matière sociale, éducative et de protection de l’enfance », les équipes de prévention spécialisée ont également « pleinement vocation » à participer aux groupes dans le respect des principes juridiques et déontologiques fixés par le cadre réglementaire et légal, indique le guide. Toutefois, « si le partage d’informations risque d’entraîner une situation de danger ou de provoquer un risque de danger pour les équipes de prévention spécialisée et/ou les populations du territoire visé, les professionnels de terrain membres des groupes de travail peuvent décider de ne pas donner d’information directe ou indirecte ». Par ailleurs, le guide prend le soin de préciser que, en prévention spécialisée, en vertu de la loi du 2 janvier 2002 rénovation l’action sociale et médico-sociale, un consentement éclairé de la personne suivie est requis avant l’échange d’informations à caractère confidentiel. Enfin, les structures de médiation sociale ont elles aussi vocation à être représentées au sein des instances d’échange d’informations. « Le médiateur social, de par sa présence quotidienne dans les territoires, a une connaissance fine des publics et de leurs problématiques », explique le guide. « A ce titre, il a toute légitimité pour participer au repérage des jeunes exposés à la délinquance dont la situation est susceptible d’être examinée dans le cadre du groupe opérationnel. »

Le suivi des jeunes repérés

Toujours dans sa partie consacrée à des conseils méthodologiques, le guide revient sur la finalité des échanges d’informations confidentielles au sein des groupes opérationnels, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre du programme prioritaire à l’intention des jeunes exposés à la délinquance. Ce programme, insiste le guide, s’adresse notamment à des jeunes sortis du système scolaire sans qualification, sans solution d’insertion et très éloignés de l’emploi, dont les comportements troublent la tranquillité publique. Le groupe opérationnel est, concrètement, chargé :

→ de prendre connaissance des informations concernant les jeunes repérés ;

→ de procéder à un filtrage visant le cas échéant à orienter la prise en charge du jeune concerné vers un dispositif existant et de se prononcer sur la nécessité ou non d’assurer un suivi au titre de la prévention de la délinquance ;

→ de formuler, à l’issue des échanges sur la situation des jeunes repérés, des préconisations d’interventions spécifiques à la prévention de la délinquance ou concernant d’autres champs (santé, insertion…) ;

→ d’assurer le cas échéant le suivi du parcours du jeune concerné.

« La mise en place de référents de parcours peut être proposée » afin de définir « un accompagnement renforcé et individualisé », indique le guide. « Le choix du référent du parcours dépendra en particulier de la capacité potentielle de ce dernier à obtenir, dans une relation de proximité, l’adhésion du jeune à un parcours d’insertion. » Concrètement, détaille le document, le référent suit le jeune pendant la durée de son parcours, met en place un suivi régulier et plus ou moins intensif en fonction des différentes phases de son suivi – après avoir obtenu un accord exprès et formalisé des parents pour les mineurs – et informe régulièrement le groupe opérationnel de l’effectivité du suivi et des éventuelles difficultés rencontrées.

Notes

(1) Documents prochainement disponibles sur www.prevention-delinquance.interieur.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2819-2820 du 19-07-13, p. 20.

(3) Voir ASH n° 2865 du 20-06-14, p. 15.

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