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Patrick Gohet : « Les acteurs de la gérontologie et du handicap doivent organiser leur coopération »

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Pour Patrick Gohet, inspecteur général des affaires sociales, qui a piloté le rapport sur l’avancée en âge des personnes handicapées(1), il faut une impulsion au plan national pour amener l’ensemble des acteurs concernés à se concerter et apporter des réponses adaptées.
Votre rapport est assez réservé sur l’accueil des personnes handicapées vieillissantes en EHPAD…

Il faut rappeler que le groupe de travail que j’ai coordonné est parti d’une réflexion globale sur l’avancée en âge des personnes handicapées. Puis nous sommes allés sur le terrain étudier toute la panoplie des réponses existantes, depuis les solutions qui favorisent le maintien à domicile jusqu’aux dispositifs institutionnels. Pour le groupe, il n’y a aucun débat idéologique à avoir entre telle ou telle solution. Ce qui compte, c’est que chaque personne puisse bénéficier d’une réponse adaptée, capable d’évoluer et durable.

Dans cette logique, l’EHPAD [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] n’est pas la réponse préférée. Il apparaît aux yeux de beaucoup de personnes handicapées, de parents et de professionnels comme une solution souvent imparfaite. L’âge moyen y est de 85 ans et l’espérance de vie de deux ans. Les personnes handicapées vieillissent, quant à elles, de manière plus précoce, si bien que leur moyenne d’âge en EHPAD est plutôt de 65 ans. Cette vingtaine d’années de différence n’est pas sans conséquences sur les réactions des uns et des autres. D’autant que ces établissements accueillent un nombre grandissant de personnes souffrant de maladies neuro-dégénératives.

Les services spécialisés déployés par certains EHPAD vont-ils dans le bon sens ?

Les choses vont en effet déjà mieux quand l’institution a décidé de spécialiser une partie de sa capacité dans l’accueil du handicap. Cela suppose des mesures d’accessibilité, si les personnes sont sourdes, aveugles, handicapées motrices, ou d’adaptation à leur comportement quand il s’agit de handicap mental ou psychique. On voit aussi des expériences de cohabitation entre un EHPAD classique et une maison d’accueil pour personnes handicapées âgées. Les deux structures sont bien distinctes, mais elles coopèrent et mutualisent des moyens.

Cela dit, le sujet n’est pas épuisé pour autant. Qu’il y ait une volonté ou un besoin de mutualiser certains moyens, ce n’est pas à proscrire a priori car les besoins peuvent être proches entre les personnes âgées et les personnes handicapées vieillissantes. Mais il faut tenir compte de tous les paramètres du problème. Accueillir une personne âgée handicapée suppose d’intégrer dans la formation des personnels, dans le projet d’établissement et dans le projet individuel les réponses spécifiques qu’exige la compensation de son handicap.

Comment interprétez-vous l’ouverture des EHPAD au handicap ?

Au-delà des établissements qui veulent rentabiliser leurs places disponibles, on remarque aussi une volonté de diversification des accueils. Lorsque des besoins à proximité restent sans réponses, puisque le secteur du handicap n’a pas la totalité du parc nécessaire, l’EHPAD peut s’efforcer de pallier cette carence. Ce mouvement n’est pas étranger à la tendance générale qui consiste à s’éloigner des logiques catégorielles opposant personnes âgées et personnes handicapées. Le sens de l’action va aujourd’hui vers des réponses globales à l’intérieur desquelles chacun trouve une solution adaptée à ce qu’il est.

Quelles seraient les conditions à réunir pour répondre aux attentes des personnes ?

La première de toutes passe par une réforme de la formation des professionnels du secteur du handicap pour y intégrer la question de l’avancée en âge. Celle-ci est insuffisante dans la formation initiale. Ensuite, la diversité des initiatives prises de manière spontanée sur le terrain pose la question de leur coordination. Il est indispensable que les acteurs de la gérontologie et du handicap se rapprochent pour partager leurs savoir-faire et organiser de manière méthodique leur coopération. Enfin, il faut tenir compte de toutes les spécificités du handicap vieil­lissant, en particulier de la prévalence des maladies lourdes dans certains types de handicap, comme l’Alzheimer chez les personnes porteuses de trisomie.

Nous sommes devant des réalités hu­maines qui appellent des réponses qui peuvent être communes au grand âge et au handicap, mais déclinées de manière spécifique.

Vous appelez, après bien d’autres, à une remise à plat des politiques publiques…

Nous ne proposons pas un plan de plus, mais une stratégie. L’ensemble des acteurs – Etat, collectivités territoriales, représentants des familles et des structure médico-sociales – doivent se concerter et décider du rôle et de la place de chacun afin de répondre aux besoins de nos concitoyens handicapés qui vieillissent. Il faut qu’il y ait une impulsion donnée en ce sens à l’échelon national.

Justement, n’êtes-vous pas déçu que le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement(2) n’aborde pas l’avancée en âge des personnes handicapées ?

Nous avons livré un outil aux pouvoirs publics pour qu’ils intègrent cette question dans la politique générale de l’avancée en âge, tout en tenant compte des spécificités liées au handicap. Il y a encore des opportunités pour ajouter des mesures en ce sens lors de l’examen du projet de loi au Parlement à la rentrée et dans le cadre du deuxième volet sur les établissements prévu dans la seconde partie du quinquennat.

Notes

(1) « L’avancée en âge des personnes handicapées. Contribution à la réflexion » – Octobre 2013 – Disponible sur www.social-sante.gouv.fr – Voir ASH n° 2836 du 6-12-13, p. 5.

(2) Voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 53.

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