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Petit guide de l’occupant illégal

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Squat est un livre utile. On y apprend comment ouvrir un squat à coups de pied de biche ou en « sous-marin »(1), mais aussi comment en gérer ensuite le quotidien fastidieux, inhérent à la vie en collectivité – ménage, fuites d’eau, isolation, ou les copains sortant de prison qui veulent s’incruster ! Son auteur, Yannick Bouquard – dont c’est le premier roman –, a débarqué à Paris au début des années 2000 sans travail ni logement. Ayant lui-même vécu en squat pendant huit ans, il s’est inspiré de son expérience et de ses rencontres pour dresser le portrait des personnages hauts en couleurs qui vivent dans le squat de Vienspasissy-sur-Seine. Ce qui fait de son livre un roman-docu rare sur la question des squats, du droit au logement et de ses sociabilités parallèles. C’est un soir de mars que la nouvelle « baraque » a été repérée : un lycée du style des années 1960, énorme, avec « des arbres, une cour, de nombreuses pièces, peu de vis-à-vis et bien équipé question waters ». La mairie n’avait fait murer que partiellement le bâtiment. Y vivront, entre autres, le Grand David, Beyrouth – « On l’appelle comme ça pas parce qu’il est libanais mais parce qu’il ­ressemble à une ville en ruines » –, Ron, Cheval – « S’il arrêtait de boire, c’est l’alcool qui se sentirait seul » –, le punk Papa Ours, l’énervé Crassnall et Millie, son shit et son chien Stupide. Ces habitants ne sont « pas des fainéants, pas des assistés, pas des branleurs », précise Yann, le narrateur, dans le langage cru mais travaillé qui émaille le roman. « On taffe, dans un squat. Certains sont intermittents, beaucoup intérimaires, d’autres artistes cotés ou non, il y a quelques étudiants boursiers, un ou deux types au RSA, quelques-uns au chômage… » S’ils squattent, c’est qu’ils sont « dans l’impossibilité totale de satisfaire aux critères furieux de location ». Si l’ouvrage fait souvent preuve d’ironie, il est clair que l’auteur passe par ce biais pour lutter contre les préjugés. Selon son héros, les squatteurs sont toujours dans le respect : « Nous utilisons l’abandonné, que nul ne revendique, le rebut que tous pensent inutile, nous sommes les récupérateurs du déchu, les restau­rateurs de l’oublié, la mémoire à la jonction de la société normale et de celle de la rue. » Et ce mode de vie dérange. « Ça rend jaloux et vaniteux que nous soyons des corsaires, que notre capacité de survie et d’adaptation soit largement au-dessus de celle du commun des enfoirés. » Yann raconte sa vie, ses luttes, ses amours, les flics, la misère, le chaos perpétuel, les bons moments aussi… Jusqu’au démantèlement du squat, inévitable – « une période difficile, ça ressemble à une rupture amoureuse ». La procédure est plus confuse que pour l’entrée, chacun repart à la rue avant que « la machine de guerre se remette en marche, silencieuse et nocturne », à la recherche d’autres bâtiments vides. « Filez-moi une décharge, j’en ferai mon palace purulent de bassesses humaines ! », clame le héros.

Squat

Yannick Bouquard – Ed. du Rouergue, coll. « La Brune » – 12 €

Notes

(1) Ce qui consiste à demeurer dans les lieux deux jours au minimum sans être repéré afin d’éviter un flagrant délit.

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