La Fondation Abbé-Pierre a, le 3 juillet, réussi à faire coup double au Sénat : consacrer un travail de plusieurs mois engagé dans le cadre de ses actions pour la participation citoyenne des personnes en situation de précarité et sensibiliser les élus par la force du témoignage. Pendant trois heures dans un salon du palais du Luxembourg, une centaine de personnes venues de plusieurs régions, y compris d’outre-mer, résidant en pension de famille ou accueillies dans des boutiques de solidarité, ont participé à un échange sur leurs situations et leurs attentes devant un auditoire composé d’une vingtaine de sénateurs, principalement de gauche (1). Parcours du combattant pour accéder au logement, inadaptation du dispositif d’urgence, entraves dans l’accès aux soins, dédales administratifs… Cette prise de parole collective sur la réalité de l’exclusion est l’aboutissement d’un projet démarré au début de l’année, au sein de groupes de travail animés par des salariés de la fondation. Qu’ils soient sans papiers, demandeurs d’asile ou anciens salariés ayant perdu leur emploi et leur logement, « tous ont décrit avec humilité et franchise comment on peut connaître la désescalade », résume Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. Des témoignages qui, avec les mots du quotidien, ont rappelé les parlementaires à certaines réalités. Comme celles des mères ou pères contraints de se séparer de leurs enfants, parce que beaucoup de centres d’hébergement ne sont pas prévus pour les familles. « Deux sénateurs m’ont dit qu’ils allaient prendre une initiative pour que ces situations n’aient plus lieu », rapporte Patrick Doutreligne. La réquisition des logements vacants, et la création de chantiers de réinsertion pour les réhabiliter, le développement des pensions de famille, la fin de la logique qui aboutit à ce que des « personnes [soient] logées dans des petites chambres d’hôtel alors que pour le même prix, elles pourraient avoir un F3 » et le maintien des capacités d’hébergement durant l’été figurent aussi parmi les revendications issues des groupes de travail.
Sans discours convenu, les sénateurs présents ont surtout souligné avoir été touchés par ces échanges. « Ce matin, j’ai appris beaucoup de choses », a sobrement conclu Claude Dilain, sénateur (PS) de la Seine-Saint-Denis et ancien maire de Clichy-sous-Bois, soulignant par ailleurs avoir réinterpellé la ministre du Logement sur l’application de la loi ALUR (relative à l’accès au logement et à un urbanisme rénové). « Il y aura un avant et un après cette rencontre entre ceux chargés de porter la voix des sans-voix et ceux qui vivent les situations », a assuré Jean-Pierre Bel, président (PS) du Sénat, qui a accepté l’initiative après sa visite à la pension de famille d’Alfortville, le 17 octobre dernier à l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère. D’autres sénateurs se sont déjà rendus sur des lieux d’accueil ou se préparent à le faire. Une opération similaire est prévue auprès des députés.
(1) Parmi lesquels Jean-Pierre Bel, président du Sénat (Ariège, PS), Annie David (Isère, CRC), Claude Dilain (Seine-Saint-Denis, PS), Alain Gournac (Yvelines, UMP), Joël Labbé (Morbihan, groupe écologiste), Pierre Laurent (Paris, CRC) ou encore Marie-Nöelle Lienemann (Paris, PS).