Dans un rapport commandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale et rendu public le 8 juillet (1), la Cour des comptes critique la manière dont Pôle emploi fait appel à des sous-traitants privés pour l’accompagnement et le placement des chômeurs… mais considère, malgré tout, qu’ils constituent une « marge de manœuvre » à conserver. A charge pour Pôle emploi d’ajuster et de mieux contrôler le recours au secteur privé.
Rappelons que, depuis 2009, Pôle emploi a intégré explicitement, dans sa gamme de services destinés aux demandeurs d’emploi, le recours à ces sous-traitants privés. « Ces marchés ont, dans un premier temps, donné lieu à un volume de prestations important, mais qui a rapidement décru, note la Cour, en passant de 522 000 prestations d’une durée au moins égale à trois mois en 2010 à 436 000 en 2011, puis à 274 000 en 2012 et à 239 875 en 2013. » Soit une diminution de 54 %. En cause ? Les restrictions budgétaires engagées durant cette période, mais aussi et surtout des causes plus structurelles, indique le rapport, évoquant des « faiblesses » et des « dysfonctionnements importants ».
En premier lieu, la sélection des attributaires des marchés s’est faite en grande partie sur des prix fortement orientés à la baisse, dans des conditions qui n’ont pas permis de s’assurer de garanties suffisantes quant à la capacité opérationnelle et technique des opérateurs à délivrer des prestations de qualité, indique la Haute Juridiction financière. Autrement dit, Pôle emploi recourt souvent aux opérateurs les moins chers et pas forcément aux mieux adaptés.
En outre, la « gestion principalement administrative » des marchés « n’a pas permis d’engager des expérimentations novatrices en matière de suivi et d’accompagnement des demandeurs d’emploi ». « Reposant principalement sur un respect formel des obligations inscrites dans le cahier des charges, le contrôle qualité n’a pas non plus pleinement joué son rôle, alors que la fragilité de certains opérateurs nécessitait pourtant de porter une attention particulière à la valeur des prestations délivrées aux demandeurs d’emploi », indique le rapport.
Par ailleurs, la « faiblesse et l’irrégularité des flux de demandeurs d’emploi » orientés par les conseillers de Pôle emploi vers les prestataires privés « ont contribué à mettre en péril l’équilibre économique des marchés relatifs à certaines prestations, et parfois l’existence même des opérateurs », observe encore la Cour des comptes.
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les études menées sur la période 2009-2011 aient conclu que « l’opérateur public obtenait en général des performances meilleures que celles des opérateurs privés ». Pour autant, la Cour des comptes estime que le recours au secteur privé « constitue une marge de manœuvre à conserver ». D’abord, parce « Pôle emploi ne dispose pas en interne de toutes les compétences nécessaires à l’accompagnement de certaines catégories de demandeurs d’emploi » (par exemple pour la reprise ou la création d’entreprise). Ensuite, parce qu’elle juge souhaitable que l’opérateur public – qui manque de souplesse dans l’allocation de ses ressources internes – « puisse disposer d’un levier externe pour faire face à l’évolution conjoncturelle du chômage ».
Les conditions du maintien d’un suivi externalisé des chômeurs doivent toutefois être revues en profondeur, selon la Cour, qui prône notamment « une indication claire des cas de recours à la sous-traitance ».
Elle remarque, à cet égard, que le sujet a fait l’objet, de la part de Pôle emploi, d’une réflexion en interne. Et que, en février dernier, son conseil d’administration a d’ores et déjà adopté le principe d’un changement d’orientation stratégique majeur pour 2015 : les demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du travail – qui, selon le rapport, constituent les plus nombreux confiés aux opérateurs privés – ne se verraient plus proposer d’accompagnement externalisé, mais bénéficieraient d’un accompagnement renforcé dans le cadre interne de Pôle emploi. En sens inverse, une nouvelle prestation serait créée dans le but de sous-traiter au secteur privé l’accompagnement des chômeurs les plus autonomes, disposant d’un projet professionnel validé et ne nécessitant qu’un appui méthodologique pour leur recherche d’emploi. Parmi les conditions de réussite de cette nouvelle orientation, la Cour des comptes estime essentiel que celle-ci soit « pleinement intégrée à la stratégie d’ensemble de Pôle emploi ». De plus, elle va « de pair avec une amélioration significative du pilotage et du contrôle qualité ».
Pour « corriger les dysfonctionnements importants qui sont constatés dans la mise en œuvre des marchés », elle recommande aussi à Pôle emploi de réviser ses modalités de sélection des opérateurs en prenant « davantage en compte l’offre technique dans les critères » et en rejetant, « sur des critères objectifs, les offres tarifaires anormalement basses ». Enfin, la cour préconise également une « évaluation systématique » pour toute prestation d’accompagnement sous-traitée.
(1) Le recours par Pôle emploi aux opérateurs privés pour l’accompagnement et le placement des demandeurs d’emploi – Mai 2014 – Disp. sur