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Evacuation des campements illicites : le HCLPD tire la sonnette d’alarme

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Très inquiet devant la situation des populations des campements illicites en France métropolitaine – des Roms, pour leur très grande majorité –, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) a, dans un avis rendu public le 7 juillet, demandé au gouvernement la fin des évacuations systématiques et la mise en place d’un plan de lutte contre les préjugés à l’intention, notamment, des élus locaux et des responsables politiques.

La circulaire d’août 2012 toujours insuffisamment appliquée

Le démantèlement des bidonvilles est un problème récurrent. Pour mieux encadrer les opérations, une circulaire du 26 août 2012 a, on s’en souvient, défini un cadre de référence pour guider l’action des préfets et des services de l’Etat (1). Ce texte, rappelle le HCLPD, « tranche avec les précédentes instructions portant sur le même thème en prévoyant une action à la fois de sécurité publique et de politique sociale ». En effet, il demande notamment aux préfets d’établir chaque fois que possible et aussi rapidement que possible un diagnostic de la situation des personnes présentes dans les campements, puis de rechercher des solutions d’accompagnement dans les différents domaines concourant à leur insertion (scolarisation, santé, emploi, logement/mise à l’abri…) en mobilisant les moyens de droit commun.

Le souci, c’est que cette circulaire « est très insuffisamment appliquée et, quand elle l’est, de manière hétérogène », déplore le Haut Comité, confirmant ainsi le constat fait par quatre corps d’inspection de l’Etat plusieurs mois après la publication du texte (2). D’un côté, le volet répressif de la circulaire – consistant à faire exécuter avec le concours de la force publique le commandement de quitter les lieux – « semble être appliqué à la lettre ». De l’autre, le volet insertion est, pour sa part, « rarement respecté ou de manière insuffisante ». « Manque d’anticipation manifeste des opérations d’évacuation et de propositions de solutions en amont des démantèlements », « mauvaises pratiques », diagnostics « d’une qualité et d’une pertinence variables » prenant très rarement en compte l’avis des occupants : le tableau dressé par le HCLPD est très sombre. « Des associations ont [même] pu parler dans certains cas de véritables “diagnostics alibis” lorsque ceux-ci sont réalisés la veille de l’expulsion », note l’instance, pour qui « ces constats témoignent du dévoiement des mesures préconisées par la circulaire » (3). Et « à cela s’ajoute la mauvaise volonté voire le refus pur et simple de certains élus et préfets d’appliquer le volet social » du texte.

Des évacuations de plus en plus nombreuses

Pour le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, la situation est d’autant plus préoccupante que les évacuations sont de plus en plus nombreuses depuis la circulaire, avec un rythme qui est resté soutenu en période de trêve hivernale. « Depuis le 1er janvier 2014, 5 800 personnes ont été déplacées, dont 1 700 en mai », indique l’avis. Par ailleurs, « le nombre de personnes évacuées de force a doublé entre 2012 et 2013, passant de 10 469 à 21 537 ». Ainsi, « considérant que 15 000 à 20 000 personnes vivent dans les campements et les squats, ce serait statistiquement l’ensemble de cette population qui aurait fait l’objet d’une évacuation par la force au moins une fois pendant l’année 2013 », estime le Haut Comité. Des évacuations que l’instance juge « illégales » (la France étant en effet régulièrement rappelée à l’ordre sur cette pratique), « inefficaces » (car ruinant le travail d’insertion mené en amont par les acteurs locaux) et « coûteuses » (mobilisation des forces de police, démolition, remise en état, etc.).

De manière plus générale, le HCLPD dénonce les atteintes récurrentes au droit et à la dignité humaine dont sont victimes les populations évacuées, évoquant « de véritables entraves à l’accès au droit commun », une situation préoccupante s’agissant de la scolarisation des enfants, des conditions sanitaires « alarmantes » et un difficile accès à l’emploi, ou bien encore déplorant « une stigmatisation grandissante » et « une instrumentalisation politique » de la situation des Roms.

Arrêter les évacuations systématiques

« Face à ce problème complexe », le HCLPD demande trois choses au gouvernement. D’abord, l’arrêt des évacuations systématiques des personnes sans accompagnement social et solution d’hébergement. Et la bonne mise en œuvre des dispositifs existants, en particulier la circulaire du 26 août 2012, qui suppose « l’investissement et la coordination de tous les acteurs de l’action publique et des associations ». L’instance souligne, à ce titre, l’importance des comités de suivi et de pilotage des campements, qui doivent être mis en place et animés par les préfets. Elle estime par ailleurs que les acteurs publics devraient s’assurer que les campements qui le permettent soient « viabilisés » le temps de réaliser un travail d’accompagnement et d’insertion « serein et efficace ». Si ce maintien n’est pas possible, le Haut Comité juge « impératif de privilégier la réalisation de ce travail d’insertion sur de petites unités de transition ».

Ensuite, le HCLPD souhaite que le gouvernement assure l’accès au marché de l’emploi des populations roms – en étant par exemple vigilant sur le respect des conséquences, par l’ensemble des agences de Pôle emploi, de la levée des mesures transitoires qui pesaient auparavant sur les Roumains et les Bulgares (4) – et valorise l’ensemble de leurs compétences et savoir-faire (jardinier-paysager, artisanat, construction, ferraillage, mécanique, recyclage…).

Enfin, le Haut Comité demande un plan de sensibilisation et de lutte contre les préjugés et les idées reçues à l’intention de l’ensemble des citoyens, des agents de l’Etat et des collectivités territoriales, des élus locaux et des responsables politiques.

Notes

(1) Voir ASH n° 2772 du 31-08-12, p. 20.

(2) Voir ASH n° 2817 du 5-07-13, p. 15.

(3) Sur les critiques faites par les associations sur l’application de la circulaire d’août 2012, voir notre « Décryptage » dans les ASH n° 2838 du 20-12-13, p. 34.

(4) Du fait de la levée des mesures transitoires, les Roumains et les Bulgares peuvent en effet s’inscrire à Pôle emploi depuis le 1er janvier 2014.

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