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Un décret assouplit les conditions d’accès des associations humanitaires aux lieux de rétention

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Le droit d’accès des associations humanitaires aux lieux de rétention, consacré par la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (1), aura connu des premiers pas difficiles en raison d’un cadre réglementaire jugé trop restrictif. Un décret en assouplit aujourd’hui les conditions.

Une réglementation antérieure très critiquée

Avant 2011, la réglementation française prévoyait simplement la présence, dans chaque centre de rétention, d’une seule association, sur la base d’une convention passée avec l’Etat, et ce, pour permettre l’exercice par les étrangers des droits qui leur sont reconnus : accueil, information, soutien, aide à l’exercice de leurs droits. Mais cette organisation ne satisfaisait pas complètement les exigences de la directive européenne du 16 décembre 2008 – dite directive « retour » –, qui prévoit que les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de « visiter » les centres de rétention. Indépendamment donc de toute mission d’information ou d’assistance aux étrangers. C’est pourquoi la loi du 16 juin 2011 a consacré l’existence de ce droit d’accès. Un décret du 8 juillet 2011 en a fixé les conditions d’exercice (2). Jugeant toutefois ces conditions trop restrictives, les acteurs de terrain ont longtemps refusé de solliciter l’habilitation pour exercer ce droit de visite en rétention. Et ce, malgré les sollicitations des pouvoirs publics.

Ils estimaient en effet que les conditions posées par la réglementation ne leur permettaient pas d’effectuer des visites en rétention de manière suffisamment indépendante. Ils reprochaient notamment au texte de donner les pleins pouvoirs au ministère de l’Intérieur pour habiliter les associations, de ne permettre l’habilitation que de cinq personnes par association sur l’ensemble du territoire, de limiter ce droit d’accès dans un lieu de rétention à une seule association à la fois ou bien encore de ne pas préciser l’étendue des locaux accessibles et d’obliger les associations à prévenir de leur visite 24 heures à l’avance. Cette opposition a mené jusqu’à un recours en annulation, déposé devant le Conseil d’Etat. Mais, au final, une seule restriction posée par le décret de 2011 a été censurée : celle qui interdit aux associations chargées de l’assistance juridique aux étrangers placés en rétention de solliciter l’habilitation exigée pour exercer le nouveau droit d’accès (3). Par la suite, seulement trois associations se sont portées candidates et ont été habilitées : Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile et Médecins sans frontières (4).

Une durée d’habilitation plus longue

C’est dans ce contexte qu’un nouveau décret modifie aujourd’hui les modalités d’accès des associations humanitaires aux lieux de rétention.

Premier élément notable : si le décret indique, comme auparavant, que cet accès ne doit pas entraver le fonctionnement du lieu de rétention et les activités qu’y exercent les services de l’Etat et les associations chargées de l’assistance juridique aux étrangers, il n’est en revanche plus exigé que cet accès s’exerce « dans le respect des opinions politiques, philosophiques ou religieuses des étrangers retenus ».

C’est toujours le ministre chargé de l’immigration – et donc actuellement le ministre de l’Intérieur – qui, seul, fixe la liste des associations habilitées à proposer des représentants en vue d’accéder aux lieux de rétention. Le droit d’accès reste par ailleurs ouvert uniquement aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq années. Et pas n’importe lesquelles: elles doivent avoir pour « objet » (il n’est ici plus fait référence aux statuts) la défense des étrangers, la défense des droits de l’Homme, l’assistance médicale et sociale ou – c’est une nouveauté – l’assistance aux personnes privées de liberté. Bien entendu, le texte ne reprend pas l’interdiction pesant sur les associations qui ont conclu une convention destinée à assister les étrangers placés en rétention en matière juridique.

Tout refus d’habilitation doit par ailleurs toujours être motivé mais, précise le nouveau décret, il ne peut être fondé que sur la méconnaissance des critères énoncés ci-dessus ou sur des motifs d’ordre public. Auparavant, tout refus d’habilitation devait être motivé « au regard notamment du nombre d’associations déjà habilitées ». Cette mention a désormais disparu.

Autre nouveauté, de taille: cette habilitation est dorénavant accordée pour une durée de cinq ans – au lieu de trois – et est renouvelable pour la même durée.

Enfin, le ministre chargé de l’immigration peut toujours, par décision motivée, retirer l’habilitation d’une association… mais plus pour n’importe quel motif : il ne peut le faire que si l’association ne remplit plus les critères énoncés ci-dessus ou pour des motifs d’ordre public.

Plus d’agrément individuel pour les représentants des associations

L’accès des représentants des associations habilitées n’est plus subordonné à un agrément individuel. Le nouveau décret indique simplement que chaque association habilitée peut transmettre au ministre chargé de l’immigration une liste de cinq personnes au plus ayant vocation à accéder à l’ensemble des lieux de rétention. Chaque association habilitée peut également transmettre au préfet territorialement compétent (ou, à Paris, au préfet de police), pour chaque lieu de rétention, une liste de cinq personnes au plus ayant vocation à y accéder.

L’autorité compétente peut, par décision motivée, s’opposer à l’accès d’une ou plusieurs personnes figurant sur une liste pour des motifs d’ordre public. En l’absence d’opposition dans un délai de un mois après réception de la liste, ces personnes sont autorisées à accéder aux lieux de rétention concernés. L’autorité compétente en informe les responsables de ces lieux de rétention.

Il peut être mis fin au droit d’accès d’un représentant d’une association à la demande de la personne ou de l’association concernée ou lorsque l’habilitation de cette association est retirée. L’autorité compétente peut également, par décision motivée, mettre fin au droit d’accès pour des motifs d’ordre public.

A noter : les agréments individuels accordés sur le fondement de la réglementation en vigueur avant le 27 juin 2014 (date d’entrée en vigueur du nouveau décret) permettent à leurs titulaires, pendant une durée de trois mois à compter de cette date, d’accéder aux lieux de rétention… dans les conditions fixées par le nouveau décret.

Cinq représentants par jour, au plus, sur un même lieu de rétention

Le nouveau décret précise les conditions d’accès aux lieux de rétention. Les représentants des associations « ont accès, dans le respect des règles sanitaires et de sécurité, aux locaux susceptibles d’accueillir les retenus », indique-t-il. Ajoutant qu’ils n’ont toutefois accès aux locaux mis à la disposition des intervenants et au local réservé aux avocats qu’avec l’accord des intéressés.

Sans changement, les représentants des associations peuvent s’entretenir avec le chef de centre ou le responsable du local de rétention et, lorsqu’ils sont présents, avec les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ainsi qu’avec les représentants agréés des associations chargées de l’assistance juridique aux étrangers retenus. Nouveauté : ils peuvent désormais se rapprocher de l’équipe médicale du lieu de rétention, dans le respect du secret médical.

Les représentants des associations peuvent toujours s’entretenir confidentiellement avec les personnes retenues dans ces lieux. Cette possibilité ne peut leur être refusée que si cet entretien est de nature à entraver le fonctionnement du lieu de rétention ou les activités qu’y exercent les services de l’Etat et les associations chargées de l’assistance juridique aux étrangers.

Combien de personnes un même lieu de rétention peut-il recevoir en même temps ? Auparavant, les représentants de plusieurs associations habilitées ne pouvaient accéder le même jour au même lieu. Le nouveau décret change la règle. Désormais, un même lieu de rétention peut recevoir, au plus, la visite de cinq représentants d’associations habilitées par période de 24 heures. Lorsque les intéressés entendent exercer leur droit d’accès dans un centre de rétention, ils doivent, comme auparavant, en informer au moins 24 heures à l’avance le chef de centre… mais n’ont plus à convenir avec lui des modalités pratiques de leur visite. S’il s’agit d’exercer ce droit de visite dans un local de rétention, les représentants des associations doivent en informer le responsable du local au moins 12 heures à l’avance.

On notera également que le responsable du lieu de rétention peut dorénavant, par une décision motivée, ajourner les visites de représentants d’association pour une durée limitée mentionnée dans la décision.

Autre nouveauté : le préfet territorialement compétent (ou, à Paris, le préfet de police) doit dorénavant organiser à intervalles réguliers des réunions sur le fonctionnement des lieux de rétention avec les associations ayant des représentants habilités à accéder aux lieux de rétention du département et les services concernés.

[Décret n° 2014-676 du 24 juin 2014, J.O. du 26-06-14]
Notes

(1) Voir ASH n° 2760 du 18-05-12, p. 41.

(2) Voir ASH n° 2718 du 15-07-11, p. 22.

(3) Voir ASH n° 2763 du 8-06-12, p. 14.

(4) Voir ASH n° 2803 du 29-03-13, p. 46.

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