« L’interdiction de porter une tenue destinée à dissimuler son visage dans l’espace public en France n’est pas contraire à la Convention » européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, a décidé la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans un arrêt rendu le 1er juillet, en rejetant ainsi la requête d’une Française de confession musulmane qui se plaignait de ne pas pouvoir porter publiquement un voile intégral à la suite de l’entrée en vigueur, le 11 avril 2011, de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public (1).
La CEDH a en effet considéré que « la préservation des conditions du “vivre ensemble” était un objectif légitime à la restriction contestée et que, notamment au regard de l’ample marge d’appréciation dont l’Etat disposait sur cette question de politique générale suscitant de profondes divergences, l’interdiction posée » ne constituait pas une violation des articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention, selon le communiqué du greffe.
Dans son rappel des faits, la Cour rapporte que la requérante, ressortissante française née en 1990 et résidant en France, déclarait « porter la burqa et le niqab afin d’être en accord avec sa foi, sa culture et ses convictions personnelles », en précisant que la burqa couvre entièrement le corps avec un tissu à mailles au niveau du visage, tandis que le niqab est un voile couvrant le visage à l’exception des yeux. Et se plaignait du fait que cette interdiction générait, au regard de l’article 14 de la Convention, « une discrimination fondée sur le sexe, la religion et l’origine ethnique au détriment des femmes qui, comme elle, portent le voile intégral ».
Après avoir jugé recevable sa demande, introduite dès avril 2011, la juridiction européenne constate qu’il y a certes une « ingérence permanente » dans l’exercice des droits de la requérante au titre des articles 8 et 9, mais admet que cette ingérence poursuit deux des buts légitimes énumérés dans ces articles, à savoir la sécurité ou la sûreté publiques et la protection des droits et libertés d’autrui, tout en soulignant qu’il peut « paraître démesuré, au regard du faible nombre de femmes concernées, d’avoir fait le choix d’une loi d’interdiction générale ».
Cependant, si elle se dit « consciente que l’interdiction contestée pèse essentiellement sur une partie des femmes musulmanes », la CEDH relève aussi « qu’elle n’affecte pas la liberté de porter dans l’espace public des habits ou éléments vestimentaires qui n’ont pas pour effet de dissimuler le visage et qu’elle n’est pas explicitement fondée sur la connotation religieuse des vêtements mais sur le seul fait qu’ils dissimulent le visage ».
Enfin, quant aux sanctions en jeu – 150 € d’amende au maximum et l’éventuelle obligation d’accomplir un stage de citoyenneté en sus ou à la place –, la Cour estime qu’elles sont parmi les plus légères que le législateur pouvait envisager.
(1) Voir ASH n° 2674 du 17-09-10, p. 16.