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La CNCDH réaffirme les droits des mineurs isolés étrangers

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Un an après la mise en place du nouveau dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers (MIE) instauré par la circulaire et le protocole du 31 mai 2013 (1), « de nombreux dysfonctionnements perdurent » dans la prise en charge de ces jeunes, constate la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), dans un avis rendu public le 27 juin, et dans lequel l’instance plaide pour « que les MIE bénéficient de l’ensemble des droits reconnus à tout enfant présent sur le territoire français » (2). « Alors que la France est confrontée depuis quelques années à l’arrivée sur son territoire de mineurs isolés étrangers, la prolifération de discours sécuritaires, voire xénophobes, “affolant” l’opinion publique, provoque un climat de suspicion généralisée à l’encontre de ces jeunes dont le droit fondamental est celui d’obtenir une protection de la part des autorités », souligne en effet la CNCDH.

Un climat de suspicion

« Le climat de suspicion entretenu à l’encontre des MIE est au demeurant fondé sur des considérations totalement fantasmatiques », martèle encore l’instance, en estimant que la terminologie utilisée pour les désigner n’est pas neutre. Ce qui amène d’ailleurs la commission à rappeler la définition du mineur isolé étranger, c’est-à-dire « une personne âgée de moins de 18 ans qui se trouve en dehors de son pays d’origine sans être accompagnée d’un titulaire ou d’une personne exerçant l’autorité », et donc capable de « la protéger et de prendre les décisions importantes la concernant ». Et la CNCDH de ramener le phénomène à ses « justes proportions », malgré des données chiffrées qui demeurent lacunaires. Les estimations varient en effet de 4 000 à 9 000 MIE (provenant principalement de Guinée, du Nigeria, de Côte d’Ivoire, de République démocratique du Congo, du Mali, du Bangladesh, d’Albanie, du Pakistan, d’Angola et d’Afghanistan), auxquels il faut rajouter les quelque 3 000 mineurs isolés pour le seul département de Mayotte (et dont une large majorité le serait du fait de la reconduite à la frontière de leurs parents).

« Quoi qu’il en soit, les statistiques permettent de relativiser le poids des MIE au regard de la totalité des mineurs pris en charge au titre de la protection de l’enfance » (113 772 enfants placés en 2012 au titre de l’enfance en danger et 110 060 mineurs suivis dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert). Selon la CNCDH, environ 5 % des mineurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance sont ainsi des mineurs isolés étrangers.

Pour une politique d’envergure

Le nouveau dispositif mis en place au printemps 2013 visait cependant à répondre au mouvement de protestation de plusieurs conseils généraux, « qui sont les premiers concernés par la prise en charge croissante de ces mineurs », et qui appelaient alors l’Etat à prendre ses responsabilités. Mais, comme les départements l’avaient prévu, la circulaire et le protocole n’ont pas suffi à régler le problème, « malgré des avancées notables », souligne l’instance consultative. De fait, « une simple circulaire ne peut résoudre à elle seule les problèmes importants auxquels sont confrontés à la fois les MIE et les structures qui les accueillent », poursuit-elle, en estimant qu’il est « urgent que les pouvoirs publics s’engagent dans une politique d’envergure par une approche non segmentée des problématiques », y compris outre-mer, pour garantir à ces jeunes l’exercice de leurs droits, à commencer par « un établissement loyal de leur minorité ».

Une exigence qui passe, pour la CNCDH, en « l’absence d’examen physique scientifiquement fiable de détermination de l’âge », par l’interdiction des tests osseux et, plus généralement, des pratiques actuelles d’évaluation de l’âge telles que l’examen des parties génitales, du système pileux ou de la dentition. L’instance s’interroge d’ailleurs « sur les pouvoirs du ministère public d’ordonner une expertise médico-légale », qui devrait être réservée au juge des enfants. Elle critique de même « l’absence de recueil du consentement du jeune ou de son représentant légal avant tout acte médical destiné à l’évaluation de l’âge ».

Tout acte d’état civil en possession de l’enfant doit faire foi, défend aussi la CNCDH, qui réclame enfin, au besoin, de « définir une nouvelle méthode rigoureuse d’évaluation de l’âge », réalisée « par des professionnels expérimentés, spécialement formés, indépendants, impartiaux et sans préjugés », et qui tienne compte des « facteurs psychologiques, environnementaux, culturels et de développement de l’enfant ».

Garantir l’accès aux droits des MIE

Par ailleurs, l’accès des mineurs isolés étrangers à leurs droits est fréquemment entravé quand il n’est pas inexistant, dénonce encore l’instance consultative, qui recommande donc que « tout jeune isolé étranger soit informé de l’intégralité de ses droits, dans une langue qu’il comprend, dès son premier contact avec les services chargés de l’accueil d’urgence, qu’il soit mis en mesure d’exercer son droit à être assisté par un avocat et de bénéficier immédiatement des services d’un administrateur ad hoc ».

La CNCDH insiste en outre sur la nécessité de leur garantir « l’accès direct et effectif au juge des enfants à l’issue du recueil provisoire d’urgence », en émettant « des réserves sur les dispositions de la circulaire de 2013 qui tendent à faire du parquet la “cheville ouvrière” du dispositif national de répartition ». En cas de besoin, une intervention complémentaire du juge aux affaires familiales peut aussi être prévue pour prendre le relais de l’assistance éducative décidée par le juge des enfants, en imposant la mise en place d’une tutelle constituant « une mesure de protection complète et durable », estime la CNCDH.

Les mineurs isolés étrangers doivent, enfin, bénéficier de « conditions matérielles d’existence adaptées », à commencer par un hébergement digne et un accompagnement socio-éducatif dispensé par du personnel formé à leurs spécificités, mais aussi une couverture sociale et une éducation. Un accueil et un suivi correspondant à leurs besoins contribueraient d’ailleurs à les protéger contre les réseaux de traite et de prostitution ainsi qu’à les mettre en mesure de préparer les démarches nécessaires pour obtenir un titre de séjour une fois la majorité atteinte.

Notes

(1) Voir ASH n° 2813 du 7-06-13, p. 42.

(2) Avis sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national – Disp. sur www.cncdh.fr.

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