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Affaire « Marina » : des préconisations pour améliorer le dispositif de protection de l’enfance

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La défenseure des enfants, Marie Derain, a rendu publiques le 30 juin, dans le cadre de l’ouverture des VIIes « assises de la protection de l’enfance » (1), les conclusions de la mission d’expertise sur l’affaire « Marina » (2). Rédigé pour le compte du défenseur des droits par Alain Grevot, conseiller sur les questions de protection de l’enfance à l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS), ce rapport reconstitue, étape par étape, la chaîne des dysfonctionnements qui a abouti en août 2009 au décès de la petite fille âgée de 8 ans (3). Partant de cette situation identifiée et caractéristique de possibles défaillances du dispositif de protection de l’enfance dans son ensemble, la défenseure des enfants formule des préconisations pour faire évoluer les pratiques et tenter de combler les failles du dispositif de lutte contre la maltraitance.

Clarification de l’intervention sociale et de l’action judiciaire

Dans l’affaire « Marina », rappelle Alain Grevot, le parquet, saisi par le directeur de l’établissement scolaire d’éventuels faits de maltraitance dont pouvait être victime l’enfant, a classé sans suite le dossier en raison d’une « infraction insuffisamment caractérisée ». Un renoncement qui a provoqué « l’impuissance du dispositif dans son ensemble » et « l’effacement de l’intervention sociale devant l’action judiciaire pénale ». En effet, par la suite, le personnel de l’aide sociale à l’enfance a considéré que, la suspicion de maltraitance ayant été classée sans suite, il n’y avait pas eu « de faits établis/avérés – de maltraitance ou négligence – nouveaux ». C’est pourquoi la défenseure des enfants préconise de clarifier par une circulaire l’interprétation opérationnelle de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance et son articulation avec le code de procédure pénale en cas d’infraction, dans les cas de suspicion de maltraitance et, d’une manière plus générale, de « particulière gravité de l’état de l’enfant ». La circulaire devra préciser comment les parquets doivent croiser la qualification d’une infraction pénale avec la caractérisation d’une nécessaire assistance éducative. « Une absence d’infraction ne garantissant ni un contexte familial protecteur pour l’enfant, ni une absence de danger », le but est « d’éviter qu’un classement sans suite ne puisse être interprété par les travailleurs sociaux comme une absence de danger ». Ce qui pourrait conduire ces professionnels à ne pas examiner la situation et à ne pas l’évaluer dans le champ civil.

Par ailleurs, dans les cas de suspicion de maltraitance, Marie Derain recommande de conduire, pendant une période limitée, des investigations conjointes associant enquête de police ou de gendarmerie et évaluation socio-éducative, pilotées par le parquet des mineurs. Elles pourraient être similaires dans leur contenu aux mesures judiciaires d’investigation éducative et auraient pour objectif :

→ d’établir en un temps limité une vision d’ensemble de la situation de l’enfant ;

→ de favoriser des réponses qui tiennent compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Un pilotage national et départemental plus optimal

La défenseure des enfants souhaite la mise en place d’une instance départementale pluri-institutionnelle et pluridisciplinaire où seraient analysées de façon régulière les situations d’enfants dont l’évaluation se révèle complexe. Cette instance, sous l’égide du département, regrouperait les services du conseil général, la pédiatrie hospitalière, la protection maternelle et infantile (PMI), la santé scolaire, le service social de l’académie et les médecins libéraux. Elle dresserait annuellement un bilan des situations examinées afin d’en tirer les enseignements, de l’expérience et de corriger les faiblesses du système.

De plus, Marie Derain préconise une organisation centralisée au niveau départemental des cellules de recueil et traitement des informations préoccupantes (CRIP). L’objectif est de permettre « des échanges permanents et efficaces » avec les acteurs de la protection de l’enfance du conseil général, mais aussi avec le parquet, les services de police et de gendarmerie, les hôpitaux ainsi que les services de l’Education nationale. Ainsi, la CRIP pourra jouer un rôle de ressource et de conseil pour toute personne s’interrogeant sur les modalités de communication d’une information qu’elle estime préoccupante.

Enfin, la défenseure des enfants recommande de systématiser la mise en place sur tout le territoire d’unités d’accueil médico-judiciaire afin que les enfants concernés puissent être auditionnés, examinés et accompagnés par des professionnels formés à cet effet. Ces unités auraient en outre une fonction de pôle de référence clinique et pourraient ainsi accueillir, conseiller et orienter des enfants et adolescents et leurs familles se présentant hors contrainte judiciaire.

Promouvoir la formation continue

La défenseure des enfants estime par ailleurs nécessaire de rappeler l’importance de rendre effectives les formations communes en matière de protection de l’enfance prévues par la loi du 5 mars 2007. Il s’agirait, précise-t-elle, d’élaborer un enseignement portant sur la maltraitance destiné aux différents professionnels et de mettre en place ces formations continues. Cela permettrait « de faciliter le développement d’échanges d’informations » et d’avoir le plus rapidement possible « une vue globale de la situation d’un enfant qui ne peut être établie que par une approche combinée des différents acteurs de la protection de l’enfance ». Cette formation devrait être rendue obligatoire pour les professionnels exerçant dans les différents lieux susceptibles de recevoir des enfants, des adolescents ou des familles confrontés à la maltraitance.

Il est également proposé de définir un document de référence présentant les modalités des enquêtes préliminaires de police et de gendarmerie, document qui serait enseigné dans les formations initiales et continues.

Améliorer la connaissance en matière de protection de l’enfance

Autre préconisation : réaliser « un référentiel national pour l’évaluation des informations préoccupantes destiné aux personnels en charge de ces évaluations » (4). Ce document présenterait des données concrètes utiles pour le traitement de différentes situations. Il apporterait des précisions sur :

→ le périmètre de l’ingérence dans la vie familiale autorisée par le cadre légal de l’information préoccupante ;

→ ce que les parents et les enfants sont en droit d’attendre comme informations sur le travail réalisé ;

→ les données recueillies dans le cadre de l’information préoccupante auxquelles ils peuvent accéder.

La défenseure des enfants recommande également de développer un centre de ressources sur la maltraitance, qui serait chargé :

→ d’améliorer la connaissance sur les questions de mises en danger et de protection des enfants à travers le recensement et le développement des données chiffrées d’une part, des études et recherches d’autre part ;

→ de recenser, d’analyser et de diffuser les pratiques et outils de prévention et d’intervention en protection de l’enfance.

Le retrait de l’autorité parentale

Marie Derain propose par ailleurs d’ouvrir à la cour d’assises, saisie de faits criminels commis par un parent sur son enfant, « la possibilité de statuer sur un éventuel retrait d’autorité parentale à l’égard d’autres enfants ayant été témoins directs d’actes de violences répétés commis par un ou les parents à l’égard d’un membre de la fratrie et ayant causé la mort de celui-ci ou ayant entraîné pour lui des dommages irréversibles et gravement invalidants ».

Dans un tout autre domaine, elle suggère que tous les conseils généraux organisent « systématiquement » un accompagnement autour des enfants nés « sous le secret » et reconnus ensuite par au moins un de leur parent.

Enfin, la défenseure des enfants préconise « de proposer systématiquement » aux parents ayant égaré le carnet de santé de s’en procurer un nouveau auprès de l’officier de l’état civil ou du service départemental de protection maternelle et infantile, et de rappeler l’importance de ce document aux professionnels de la protection de l’enfance.

Notes

(1) Organisées par le Journal de l’action sociale, en collaboration avec les conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais et l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée.

(2) Disponible sur www.defenseurdesdroits.fr.

(3) Voir ASH n° 2861 du 23-05-14, p. 6.

(4) A l’image du Guide de l’enfant et de l’adolescent protégé réalisé par le ministère de la Santé.

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