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« Vers la métropole providence ? »

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Julien Damon. Professeur associé à Sciences-Po. Ancien chef du service Questions sociales au Centre d’analyse stratégique.

Le milieu des années 2000 aura été le temps d’éclosion du « département providence » (l’expression est de Robert Lafore). Rappelons que le département était, à l’aube de cette décennie, un peu comme aujourd’hui, appelé à disparaître. Mais, par la magie des discussions de couloirs et des aménagements de textes, il est apparu comme le grand vainqueur de l’Acte II de la décentralisation. Désigné comme « chef de file » de l’action sociale, le département s’est imposé. Alors que les dépenses sociales départementales (30 milliards d’euros) représentent moins de 5 % du montant total des dépenses sociales, il demeure à bien des égards fondé de le qualifier de providence. C’est, en effet, à lui qu’échoient une grande partie de l’assistance et la responsabilité d’adapter les politiques aux territoires.

2014, nouveau coup de semonce. Le département, du moins une bonne part de sa substance et de son contenu, est à nouveau appelé à disparaître. On verra bien ce qui sort cette fois-ci des couloirs et des textes. Mais une nouvelle donne se profile : l’affirmation des métropoles. Celles-ci pénètrent la discussion politique et le droit français. Echelle pertinente de nos vies réelles (selon bien des géographes) et unités compétitives de l’économie globale (selon bien des économistes), les métropoles – qui restent à délimiter – aggloméreraient efficacement les personnes et les activités. Selon de nombreuses perspectives, une révolution métropolitaine serait même à l’œuvre dans le monde entier. En un mot, un crépuscule des nations et des Etats et un nouvel essor des régions et des métropoles. Les villes ainsi labellisées incarnent des territoires bien plus larges que leur seul ressort administratif. Avec une capacité élevée à capter et à gérer des flux (de touristes comme de denrées et de données), elles rayonnent sur des aires géographiques importantes et font l’objet de multiples classements. Car le défi, pour elles, est tout autant celui de l’attractivité que celui de la cohésion sociale.

Des politiques sociales de format et de contenu plus métropolitains que nationaux sont partout envisageables dans le monde. En France, la perspective n’est pas encore claire. Mais le cas lyonnais, qui voit fusionner une communauté urbaine avec une partie du conseil général, doit inspirer. Selon les termes de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, promulguée le 27 janvier 2014, « la métropole de Lyon forme un espace de solidarité ». Ces premiers mots, dans la définition juridique de la métropole de Lyon, ne peuvent que retenir l’attention si l’on se préoccupe de questions et de politiques sociales. Sur les plans de l’aide et de l’action sociales, la métropole lyonnaise, à l’horizon du 1er janvier 2015, doit ainsi réussir la fusion-acquisition (si l’on peut se permettre cette expression) de plusieurs organisations. Le périmètre de ce qui sera strictement réuni dans une unique entité est connu : les services du Grand Lyon et une partie de ceux du conseil général du Rhône. Le périmètre de l’ensemble des institutions concernées est cependant plus large : centres communaux d’action sociale, services de caisses de sécurité sociale, opérateurs associatifs, offices HLM, etc. Ces institutions, ainsi que les politiques qu’elles mènent ou auxquelles elles participent, peuvent connaître de profondes révisions, choisies ou subies, à la suite de la création de la métropole de Lyon.

Les métropoles françaises, à l’instar de l’exemple lyonnais fait de volontarisme et de prospective, deviennent des collectivités territoriales de plein exercice, aux compétences sociales étendues. Il n’est cependant pas certain que l’expression « métropole providence » soit judicieuse. Le vocabulaire européen valorise l’idée de métropoles « inclusives », sans donner de bases juridiques à la désignation. La période est, en tout cas, à la construction concrète de ces nouvelles collectivités publiques en charge d’une partie substantielle du social. La question est de savoir si nous allons vivre un Acte III de la décentralisation (avec, tout de même, quelques parties de recentralisation) ou un Acte I du renforcement des métropoles. La dynamique mondiale et le dynamisme lyonnais montrent que cette comédie nationale, en plusieurs actes, n’a plus forcément grande raison. Les métropoles s’affirment organiquement et dans la vie des gens. Il est probablement aussi vain de vouloir empêcher ce mouvement que d’en rendre les traductions locales toutes obligatoires sur une même formule décidée au niveau national. Ce qui – soit dit en passant – laisse de la place aux départements…

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