Les récits de migrations clandestines ont tendance à se ressembler : la difficile vie au pays, les rêves d’ailleurs, la violence du voyage et ses passeurs sans scrupules, puis le moment tant attendu de poser bagages et craintes, enfin. La bande dessinée Amazigh est de ceux-là… tout en étant très différente. Tout juste majeur, Mohamed Arejdal est un Amazigh, un Berbère, poussé par sa mère vers l’Europe, continent d’opulence. « J’ai 18 ans et je déteste le pays dans lequel j’ai grandi, justifie celui qui rêve d’une grande carrière d’artiste de l’autre côté de la Méditerranée. Là-bas, en Europe, je vais enfin vivre heureux. Et très riche. » Cette histoire, il l’a racontée au bédéiste Cédric Liano, un Français installé au Maroc, qui l’a mise en image pour son premier roman graphique. C’est en noir et blanc qu’il dessine Mohamed dérobant 10 000 dirhams à son père, avant de prendre la route. Passeurs sans états d’âme, bateau qui prend l’eau, moteur qui tombe en panne… Malgré les obstacles, dans les pages d’Amazigh, on le voit parvenir à rallier les Canaries et poursuivre son chemin avec son ami Boufouss – leur troisième compagnon d’infortune, Ali, ayant pris le large à peine foulée la terre européenne. Rapidement arrêté, Mohamed prétexte la minorité pour échapper à l’expulsion. Mais « c’est officiel, mes os m’ont trahi… Je suis majeur », regrette bien vite celui que la barbe?foisonnante avait de toute façon démasqué depuis longtemps. Evasion, nouvelle arrestation, nouvelle détention… Puis la liberté, enfin. Comme dans la plupart des récits de migrations clandestines, Mohamed parvient à réaliser son rêve, à déposer bagages et craintes. Mais pas forcément comme on s’y attend.
Amazigh. Itinéraires d’hommes libres
Mohamed Arejdal et Cédric Liano – Ed. Steinkis – 18 €