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Les CREAI « nouvelle génération » pourront-ils remplir leurs missions ?

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A l’approche de la publication d’une circulaire majeure réformant les CREAI et fixant leurs relations avec l’Etat, l’Ancreai déplore le manque de moyens qui seront alloués à ces structures et dénonce les marges de manœuvre laissées aux ARS.

Deux ans après s’être mobilisés pour leur survie, les centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI) (1) vont-ils enfin voir leur avenir s’éclaircir ? En juin 2012, pour protester contre la baisse drastique des financements de ces structures et la non-reconnaissance de leurs missions, l’Association nationale des CREAI (Ancreai) s’était brutalement retirée de toutes les commissions du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Un coup de force qui avait fini par porter ses fruits, puisque, en janvier 2013, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) lançait un groupe de travail sur « l’évolution des CREAI et leurs relations avec l’Etat » rassemblant la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et l’Ancreai (2).

Poser un socle commun

Après plus de un an de travaux, une circulaire, à paraître dans les semaines à venir, devrait consacrer une série d’évolutions majeures pour ces structures dont le cadre d’exercice date de l’arrêté du 22 janvier 1964 et est unanimement considéré comme obsolète. Créés il y a 50 ans afin de jouer un rôle d’animation et d’observation en matière de prise en charge des enfants et adolescents inadaptés, ils sont aujourd’hui indispensables à l’élaboration, par les institutions compétentes du champ des politiques sociales et médico-sociales, des schémas d’organisation et à l’accompagnement des évolutions de l’offre de service sur un territoire (3). La reconnaissance de ces missions est d’ailleurs inscrite dans le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement (voir ce numéro, page 53).

Dans la circulaire à venir, doit en particulier figurer le cahier des charges de ces structures. Ce document – dont un avant-projet était annexé à l’instruction du 16 mai 2014 précisant le montant des crédits délégués aux CREAI (4) – définit leur rôle et leurs caractéristiques principales, détaille le contenu et les destinataires de leur offre de service, indique leur territoire d’intervention, leur forme juridique et leurs relations avec l’Etat. « Ce projet de cahier des charges décrit de façon très complète les missions des CREAI. Il a l’avantage de poser un socle commun à tous les centres », explique Annie Cadenel, déléguée nationale de l’Ancreai.

Pour Jean-Yves Barreyre, secrétaire général de l’association, ce projet de cahier des charges donne aux CREAI une place essentielle dans les transformations à venir du cadre des politiques sociales. « Aujourd’hui, l’organisation de l’accompagnement des personnes vul­nérables évolue vers une organisation de proximité articulée autour du parcours de la personne. De quels opérateurs les décideurs – ARS, DRJCS et collectivités territoriales – vont-ils avoir besoin afin de mettre en musique cette dynamique au niveau régional ? Ce cahier des charges vient à point nommé pour que les CREAI participent, avec d’autres, à rassembler les acteurs autour d’une même table pour faciliter la fluidité des parcours », se félicite-t-il.

Des financements à sécuriser

Reste que les moyens s’annoncent insuffisants pour assumer l’ensemble des missions énoncées. Au-delà du montant des subventions, c’est l’engagement de l’Etat sur la pérennité du financement qui fait défaut. « Au démarrage des travaux avec la DGCS et la CNSA, il était convenu que les transformations demandées devaient s’accompagner d’un financement sécurisé », explique Alain Laurent, président de l’Ancreai, qui rappelle que, en 2012, le financement du réseau s’était effondré pour atteindre 650 000  € – contre deux millions par an entre 2004 et 2012 (5). Or la subvention des CREAI est fixée chaque année par la loi de finances – pour la partie qui revient à l’Etat –, ce qui, dans le contexte actuel, peut bouger d’une année à l’autre. Au final, « rien n’est inscrit sur l’obligation de l’Etat de nous financer », déplore Alain Laurent. Sans compter que le financement qui émane de la CNSA peut aussi être fluctuant dans la mesure où il provient de la section V – qui soutient des projets de recherche, des études et des actions innovantes – du budget de la caisse. « Nous souhaitions que les centres soient financés sur la section I [qui finance les établissements] dont les crédits sont pérennes, ce qui n’est pas le cas de la section V », déplore Annie Cadenel. « D’un côté, le cahier des charges définit des missions essentielles pour l’Etat et ses agences, de l’autre, les financements ne sont pas pérennisés », s’inquiète Alain Laurent. L’Ancreai souhaite que le texte à venir inscrive « plus clairement des engagements de l’Etat en faveur d’un financement pérenne ».

Pouvoir des ARS

Autre inquiétude : l’instruction du 16 mai 2014 indique que « le montant de la subvention accordée au CREAI pourra être inférieur à celui délégué à l’ARS si le CREAI ne respecte pas les prescriptions du cahier des charges ou si l’ARS estime le coût des actions du CREAI à un niveau inférieur à ce montant ». « Cela signifie que si l’ARS considère que le CREAI de son territoire ne remplit pas le cahier des charges, elle peut ne pas le financer, ce pouvoir discrétionnaire est insup­portable ! », s’indigne Alain Laurent. D’autant que tout le travail d’un CREAI n’est pas toujours quantifiable, notamment son action d’animation. « Il y a tout un travail quotidien de relation avec les partenaires de terrain qui s’inscrit dans la durée. C’est ce qui fait qu’un CREAI est capable, si l’ARS veut construire une réponse pérenne et coordonnée sur un territoire, de mettre en lien une série d’acteurs – associations, usagers, établissements – qui n’ont pas toujours l’habitude de travailler ensemble. »

Concernant la forme juridique et la gouvernance des CREAI, l’Ancreai juge que le projet de cahier des charges va trop loin. Celui-ci précise que la gouvernance « doit permettre la participation des différentes catégories d’acteurs pour assurer son impartialité et la qualité de la valeur de ses travaux » et ajoute que « la diversité des catégories d’adhérents et de la composition des instances dirigeantes, la diversité au sein de chaque catégorie d’adhérents […] sont de nature à favoriser cette indépendance nécessaire ». Pour Alain Laurent, se faisant l’écho de plusieurs présidents de CREAI, « le cahier des charges doit se limiter à indiquer que le CREAI s’engage à respecter une gouvernance démocratique telle que le prévoient le statut associatif et la charte des CREAI et de l’Ancreai, récemment rénovée ».

Au final, « nous avons bien avancé avec la DGCS et la CNSA, nous y avons des interlocuteurs convaincus de l’intérêt de la poursuite de la mission des CREAI et de l’Ancreai, et qui cherchent des moyens de nous soutenir. Mais nous espérons encore faire bouger les choses, en particulier en matière d’engagement de l’Etat sur le volet financier et de pouvoir discrétionnaire des ARS. Il ne faudrait pas que tout ce travail reste au milieu du gué, alors qu’il est proche de son aboutissement », espère Alain Laurent.

Notes

(1) Les CREAI – anciennement centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées – ont changé d’acronyme en juin 2013.

(2) Voir ASH n° 2764 du 25-01-13, p. 16.

(3) Une enquête conduite auprès des ARS, des DRJSCS et des CREAI, lancée par la DGCS en 2012, portait un jugement très positif sur les CREAI qui étaient jugés « indispensables par les ARS, en raison principalement de leur expertise […] et de leur position à l’interface des institutions et des opérateurs » – Voir ASH n° 2774 du 14-09-12, p. 8.

(4) Voir ASH n° 2864 du 13-06-14, p. 42.

(5) A partir de 2013, un financement en provenance de la CNSA a été débloqué et la subvention s’est élevée à 1,2 million d’euros. Elle était de 1,5 million en 2014.

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