« Des données inédites qui interrogent sur la santé publique » : l’Institut de veille sanitaire (InVS) souligne l’intérêt des résultats de l’étude Abena (Alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l’aide alimentaire) (1) sur la situation des femmes ayant recours à l’aide alimentaire dans six territoires urbains (2) en 2011-2012. Première donnée majeure : dans la population étudiée, la prévalence du surpoids (72 %), voire de l’obésité (35 %), est non seulement exceptionnellement élevée par rapport à la population générale (17 %), mais elle s’aggrave (seulement 29 % d’obèses recensées lors de l’étude Abena 2004-2005).
Le risque d’obésité est associé au niveau scolaire peu élevé, à l’absence de couverture complémentaire (posséder une mutuelle ou une assurance complémentaire peut signifier avoir des ressources financières permettant un accès plus facile à une alimentation favorable à la santé, analyse l’InVS) ou encore au type d’aide alimentaire (les bénéficiaires de denrées à emporter sont davantage en surpoids que celles à qui l’on distribue des repas). Le surpoids est aussi lié, selon l’InVS, au temps de sommeil (l’obésité est plus élevée chez les femmes qui dorment moins de 5 heures par nuit), au type de logement et à la situation familiale. En effet, comparées aux femmes de la population générale, celles qui ont recours à l’aide alimentaire sont souvent de jeunes mères célibataires (77 % sont âgées de 18 à 24 ans et ont déjà des enfants). Et 40 % de ces bénéficiaires souffrent d’une insécurité alimentaire (3) « sévère », qui implique des arbitrages alimentaires et peut faire, par exemple, que la mère donne la priorité à l’alimentation des enfants.
Enfin, l’étude Abena a également interrogé les femmes sur leur santé bucco-dentaire. 59 % des bénéficiaires de l’aide alimentaire ont au moins une dent manquante non remplacée et il manque entre 5 et 14 dents à 18 % d’entre elles. Or, selon des études antérieures, avoir autant de dents manquantes est significativement associé à des probabilités plus élevées d’obésité.
L’InVS conclut que, compte tenu de la prévalence de ce surpoids, il est nécessaire de poursuivre les efforts de diversification des aliments distribués par l’aide alimentaire. Elle encourage également à « cibler les actions de prévention, de dépistage et de prise en charge de l’obésité dans ce cadre, selon l’âge et la situation socio-économique des femmes » et souligne l’importance d’une amélioration de l’accès aux soins pour les personnes en situation de précarité.
(1) Disponible dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 18-19 sur
(2) Paris, Marseille, Grand-Dijon, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Hauts-de-Seine.
(3) Selon l’InVS, l’insécurité alimentaire existe chaque fois que « la disponibilité d’aliments nutritionnellement adéquats et sûrs, ou que la capacité de les acquérir selon des moyens socialement acceptables sont limitées ou incertaines ».