Sollicité par le gouvernement sur la problématique de la place des personnes handicapées dans la société, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) formule, dans un avis présenté par la présidente de l’Unapei, Christel Prado, adopté le 25 juin à l’unanimité, une série de préconisations visant à mieux accompagner et à inclure les personnes en situation de handicap (1). Cet avis « s’attache à permettre la naissance d’une nouvelle dynamique sociale et économique, celle de l’inclusion, rendue possible par une société accueillante et accompagnante, une société où l’accès de tous aux biens et services est pensé en amont, comme une évidence ». Cette vision nouvelle permettra, selon le CESE, d’enrichir la prochaine conférence nationale du handicap de 2014. Les préconisations du conseil s’articulent autour de quatre thématiques: un soutien au développement de la conception universelle, une gouvernance plus lisible et le développement d’une recherche prospective, un enrichissement de l’éducation et de la formation tout au long de la vie, et, enfin, une valorisation de la singularité des compétences.
Les personnes handicapées sont à l’origine de nombreuses innovations visant à favoriser la conception universelle et l’accessibilité à tout pour tous, relève le CESE. Afin d’encourager le développement de l’accessibilité aux biens et aux services, il souhaite que soit créé un pôle de compétitivité « accessibilité et conception universelle » dans chaque inter-région en s’appuyant sur les équipes de recherche et les entreprises locales.
Par ailleurs, le CESE est « convaincu que le corpus législatif et réglementaire actuel doit être élargi à toute forme de singularité », en développant notamment l’accès à l’information et à sa compréhension pour que la décision prise soit libre et éclairée. Pour cela, il préconise de lancer un projet de recherche de transcription automatique d’un niveau de langue vers un autre. Ce moteur de transcription devra être conçu en collaboration avec les personnes handicapées intellectuelles et les utilisateurs de cet outil. Il préconise également de développer l’utilisation des technologies de l’information et de la communication à l’école dans le but de faciliter l’apprentissage des élèves handicapés.
Enfin, selon le CESE, la conception universelle des biens et services passe par la construction d’un patrimoine universel qui permettra qu’ils soient accessibles pour tous sans intermédiaire. Ainsi, il préconise le développement des outils permettant le référencement des lieux et services accessibles, quel que soit le type de handicap. En outre, il souhaite que les collectivités territoriales soient incitées à faire un inventaire de l’accessibilité de leur patrimoine selon un référentiel national et unique qui s’étendra dans un second temps à l’ensemble des entreprises et services publics.
Le conseil souhaite par ailleurs enrichir le système des concertations avec les corps intermédiaires par des consultations de personnes handicapées afin de mieux prendre en compte leur parole dans l’élaboration et l’évaluation des politiques publiques.
Il préconise également de regrouper les trois conseils consultatifs (âge, handicap et pauvreté) (2) en une seule entité, un Haut Conseil à l’inclusion. « Ce conseil s’attacherait à traiter les sujets transversaux entre ces trois politiques […], à examiner en amont des projets de lois ou de décrets […] à la lumière des trois problématiques et à apporter sa contribution aux études d’impact ». Toutefois, précise le CESE, les trois conseils existants ne seraient pas supprimés mais ne perdureraient « que sous forme de commissions élargies de travail lorsqu’il s’agit de sujets très spécifiques à chacun des publics ». Ce Haut Conseil ne serait pas composé d’experts, mais d’acteurs des différents champs et de représentants des personnes concernées. Il serait répliqué à l’échelon territorial en l’élargissant à la pauvreté, ce qui permettra de regrouper les Coderpa et les CDCPH (3).
Le CESE recommande aussi que la commune, qui est le lieu d’exercice de la vie quotidienne, développe une politique inclusive dans toutes les prises de décisions, notamment en améliorant l’accueil de tous par les agents des services publics, par l’apposition d’une signalétique favorisant le partage de l’environnement par tous et par la diffusion d’une information facile à lire et à comprendre (FALC) du plus grand nombre. Par ailleurs, les études d’impact qui accompagnent obligatoirement tous les projets de loi et de règlement, devraient, selon lui, être complétées par un volet « impact-inclusion ».
Toujours dans l’objectif de mettre en place une société plus inclusive, le CESE souhaite que les dispositions de l’article 22 de la loi du 11 février 2005 soient rapidement mises en œuvre. Il s’agit d’intégrer à l’enseignement d’éducation civique, à l’école primaire et au collège, une formation consacrée à la connaissance et au respect des problèmes des personnes handicapées et à leur intégration dans la société. Les établissements scolaires devraient aussi, selon le conseil, s’associer avec les centres accueillant des personnes handicapées afin de favoriser les échanges et les rencontres avec les élèves.
Par ailleurs, le CESE préconise de veiller à ce que chaque école supérieure du professorat et de l’éducation et chaque collectivité employeur de personnel technique prennent bien en compte le fait que les enseignants et les personnels d’encadrement, d’accueil, techniques et de services doivent, en application de la loi 2005, recevoir, au cours de leur formation initiale et continue, une formation spécifique concernant l’accueil et l’éducation des élèves et étudiants handicapés. Il souhaite également renforcer l’accompagnement des enseignants pour répondre à la problématique des élèves à « besoins éducatifs particuliers » par le recours aux enseignants référents et inclure, dans chaque projet d’école, un volet sur l’accueil et les stratégies d’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers, faisant intervenir une gouvernance multipartite réunissant représentants de la collectivité, professeurs, directeur d’établissement et parents d’élèves.
En ce qui concerne la formation, le conseil préconise la création d’un groupe national « Formations et handicaps » comprenant les organismes de formation, les partenaires sociaux et les associations représentatives des personnes en situation de handicap, et dont la mission serait d’évaluer et de déterminer les besoins en termes de formation.
Enfin, le CESE propose de scolariser tous les enfants sans solution selon l’orientation qui leur a été proposée et ce, à proximité du lieu de vie de leur famille. En 2008, la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) comptait 13 000 enfants sans solution éducative; à ce jour ils sont encore 20 000 à ne pas avoir accès aux apprentissages scolaires, relève le conseil.
Enfin, le CESE formule plusieurs préconisations afin de promouvoir les actions inclusives. Il s’agit par exemple de créer un numéro vert national permettant l’accès à une cellule de conseil, d’écoute, de soutien, d’entraide et d’information pour les familles de personnes handicapées, ou encore de développer, au travers des financements du FIPHFP et de l’Agefiph, l’emploi accompagné afin d’améliorer l’activité et le parcours professionnels des personnes en situation de handicap.
(1) Avis disponible sur
(2) Il s’agit du Conseil national des retraités et personnes âgées (CNRPA), du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE).
(3) Respectivement les comités départementaux des retraités et personnes âgées et les conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées.