Ce chantier est au travail à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, mais nous ne disposons pas encore de calendrier précis. La garde des Sceaux soutient ce projet pour rendre à la justice des mineurs sa cohérence, sa lisibilité, renforcer sa spécialisation dans un souci d’efficacité et sécuriser les réponses éducatives alors que, aujourd’hui, le texte maintes fois modifié fait que l’on peut rendre une justice des mineurs qui ressemble plus à celle des majeurs, en particulier pour les 16-18 ans. Nous avons mené des groupes de travail, la ministre a procédé à des consultations et rendu un certain nombre d’arbitrages. La réforme est à l’écriture, en lien avec la direction des affaires criminelles et des grâces.
Le principe directeur, que l’on retrouve d’ailleurs dans les prochaines orientations de la PJJ, est celui d’une justice pénale des mineurs réactive, notamment pour tenir compte des attentes des victimes – d’où l’idée de la césure du procès pénal – et suffisamment souple pour s’adapter au parcours de chaque adolescent. L’enjeu est d’éviter la standardisation des réponses, de les adapter à chaque trajectoire dans l’objectif d’une socialisation durable et de prévention de la récidive et de les clarifier. Au fil des réformes, l’ordonnance de 1945 est devenue complexe pour les professionnels, peu lisible pour les bénéficiaires et leurs familles, alors que la pédagogie est un levier essentiel de la justice des mineurs. Une réparation pénale, par exemple, peut être aujourd’hui une mesure éducative, une sanction éducative ou une modalité de peine. Le contenu des sanctions éducatives, très peu appliquées parce qu’elles ont été prévues pour les mineurs de dix ans jugés devant le tribunal pour enfants, situation heureusement très rare, peut apparaître dans le cadre d’autres mesures. La réforme devrait répondre à un souci de simplification. Mais la garde des Sceaux s’exprimera sur ces sujets en temps voulu.
La dernière circulaire-cadre d’orientation pour la PJJ est celle qu’avait prise Sylvie Perdriolle, alors directrice de l’administration, en 1999. Il m’est apparu opportun aujourd’hui d’en rédiger une nouvelle afin de définir un cap « nouveau » à la PJJ, en clarifiant et en consolidant l’exercice de ses missions. Les orientations qui feront l’objet d’une note en septembre sont donc indispensables en dehors du cadre législatif, même si, bien sûr, elles sont cohérentes avec les objectifs de la réforme.
La question de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs n’est pas remise en cause, c’est une question de calendrier. Lors des débats sur la réforme pénale à l’Assemblée nationale, le rapporteur Dominique Raimbourg a rappelé que le gouvernement entendait présenter un texte réformant l’ordonnance de 1945 et que c’était une des raisons qui expliquait le retrait de l’amendement supprimant ces juridictions, suppression qui, rappelons-le, est un engagement présidentiel.
La méthode est pour moi très liée au fond. J’ai souhaité engager une démarche participative pour des raisons évidentes : les orientations doivent être adaptées aux besoins des acteurs de la justice des mineurs et ne doivent pas être perçues comme des décisions imposées. La légitimité du poste que j’occupe est liée à mon expérience et je garde constamment à l’esprit la réalité du terrain. Je tiens également compte des forts bouleversements que la PJJ a connus ces dix dernières années, que ce soit dans le cadre de son organisation, de la législation, de ses moyens. Certains de ces changements se sont faits « à marche forcée », expression qui revient souvent parmi les professionnels, au prix d’un sentiment de brutalité. Je souhaitais être en rupture avec cette méthode, d’où la volonté de prendre le temps de préparer un changement de fond. Celui-ci repose tout d’abord sur une confiance affirmée dans une justice spécialisée, une justice éducative, la seule qui fonctionne durablement.
La première étape a consisté en un état des lieux avec, d’une part, le rapport de la mission que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait confiée au sénateur Jean-Pierre Michel et, d’autre part, le diagnostic partagé que j’ai initié rapidement après mon arrivée. Pour le réaliser, des « cahiers de diagnostic » ont été diffusés, dont les questions ont été débattues dans les territoires, au sein des unités éducatives, sous l’égide des directeurs territoriaux et interrégionaux. Les « cahiers de diagnostic » ont également été renseignés par les juridictions spécialisées, le secteur associatif habilité et certains conseils généraux (1). Cette consultation a été conduite de façon différente, avec plus ou moins de dynamisme d’un lieu à l’autre, et a été complétée par un questionnaire individuel et anonyme adressé en parallèle à chaque agent. Les productions issues des services et des territoires ont été riches et ont donné lieu à une synthèse nationale, support à la définition de la note d’orientation. Aussi, l’exercice me semble réussi. Un troisième élément est la constitution d’un état des savoirs sur la justice des mineurs, à partir des travaux conduits par l’administration centrale.
Les arbitrages sur les orientations sont désormais posés, mais la démarche de concertation se poursuit autrement : la note ne sera formalisée qu’au mois de septembre car, jusqu’en juillet, je vais présenter avec l’ensemble de l’équipe de direction de l’administration centrale ces orientations dans chaque interrégion, à l’occasion d’événements qui réunissent les différents professionnels qui exercent les missions de la PJJ. Les débats vont continuer à nous éclairer.
Si je n’ai effectivement pas été surprise par les remontées du terrain, le diagnostic confirme que la PJJ n’est pas unique, les territoires sont soumis à des contraintes et des réalités différentes. Elle bénéficie aussi de ressources, à partir desquelles il convient d’engager le mouvement. Un engagement très fort et des valeurs partagées sur la finalité des missions et l’éducabilité sont un ciment extrêmement solide pour tous.
L’axe central autour duquel la PJJ doit s’organiser pour les prochaines années est la continuité des parcours pour chaque adolescent qui lui est confié. C’est une traduction des principes fondateurs de la justice des mineurs, qui va de pair avec l’individualisation et la modularité des mesures. Cette colonne vertébrale vise à prendre en charge chaque jeune à partir de ses propres besoins, et non des difficultés des institutions et des filières institutionnelles qu’il a pu connaître. Notre priorité est d’engager un travail sur le milieu ouvert comme centre de gravité de l’action éducative, car il est le mieux placé pour assurer la cohérence des trajectoires. Pour y parvenir, nous souhaitons développer, en complémentarité avec le secteur associatif habilité et nos partenaires dans les territoires, l’expérimentation de « plateformes » proposant une diversité de réponses : des solutions d’accueil de jour ou séquentiel, des placements individualisés, contenants ou plus souples selon les besoins éducatifs du jeune. La note va traduire une ambition politique, mais aussi inclure des fiches plus opérationnelles. Certaines décisions pourront être mises en œuvre immédiatement, d’autres nécessiteront d’engager un plan de travail. Je privilégie le mouvement à la rupture et je tiens à apporter des changements par rapport aux orientations des précédents projets stratégiques nationaux (PSN). Ma méthode est de privilégier la définition des orientations, leur élaboration collective et leur partage. La mise en œuvre et le choix des outils de pilotage nationaux et territoriaux viendront dans un deuxième temps.
Travailler sur la continuité implique effectivement pour la PJJ d’embarquer ses partenaires avec elle. Faire du milieu ouvert le socle de l’action éducative ne se décrète pas, nous allons à la fois travailler sur l’exercice de nos missions et être dans la concertation avec l’autorité judiciaire pour défendre cette position. Il faut généraliser les bonnes pratiques, renforcer la dynamique à l’origine de ce qu’est la justice des mineurs : une dynamique qui se noue entre une décision de justice et une action d’éducation. De la même manière, il faut travailler en lien avec les conseils généraux pour assurer la cohérence des parcours. Un aspect des orientations portera sur l’articulation entre la PJJ et les juridictions, la place de la PJJ au sein de la protection de l’enfance et plus généralement l’implication de la PJJ dans les politiques publiques pour l’insertion et la socialisation des jeunes. Bien sûr, la mise en œuvre s’appuiera, dans un deuxième temps, sur des projets régionaux, territoriaux et de service. La note d’orientation aura quasiment la valeur d’une circulaire, et nous allons engager un travail de mise en cohérence et de toilettage des textes de référence, mis en place à la PJJ précédemment, pour qu’il n’y ait pas de contradiction.
Nous allons travailler sur les méthodes éducatives pour que le milieu ouvert soit un soutien aux autres mesures. Travailler en amont la question du placement devrait permettre de préparer davantage ce dernier et de circonscrire les situations de placement d’urgence. Il n’y aura pas de mandat global donné à la PJJ – il faut respecter le rôle du juge des enfants –, mais les projets seront construits en lien avec les juridictions. La PJJ a déjà expérimenté des dispositifs comme le placement intégré, qui mérite d’être développé : il s’agit de confier le jeune à un service qui dispose de plusieurs types d’unités à mobiliser au cours de la prise en charge, en fonction du projet éducatif et de l’évolution du jeune, qui permette de l’accueillir dans un établissement éducatif ou un foyer de jeunes travailleurs, par exemple. Le magistrat sait au départ qu’on ouvre cette possibilité et il est informé des différentes étapes du parcours du mineur et des éventuels changements. Quant au milieu ouvert, il doit lui-même s’adapter à chaque situation, être plus intensif si nécessaire. La socialisation passe par la santé, le projet scolaire ou professionnel. Les unités d’activité de jour doivent, notamment, jouer un rôle important dans l’insertion du jeune qui n’est pas encore en capacité d’accéder au droit commun. Cette ambition doit également être travaillée avec le secteur associatif habilité.
Le renforcement des effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse se poursuit. Il est moins important cette année que l’année dernière (78 créations d’emplois en 2014, 205 en 2013), mais nous restons dans une tendance positive. La PJJ est une politique de l’Etat et nous savons que nous sommes dans une phase de forte contrainte budgétaire, même si la justice fait partie des budgets les plus préservés. Les orientations à venir fixent un cap, quels que soient les moyens, il s’agira ensuite d’organiser ces derniers pour parvenir à nos objectifs. Je porterai les choix nécessaires pour suivre les priorités énoncées, dans le cadre de la procédure budgétaire, qui n’est pas encore finalisée. Celle-ci connaîtra son issue lors de l’arbitrage du Premier ministre entre les demandes de la ministre et celles du ministère du Budget, qui sera formalisé par l’envoi de sa lettre plafond prévue à la fin juin. La direction de la PJJ sera alors fixée sur les moyens dont elle disposera pour les trois prochaines années.
Le cœur de métier de la PJJ est l’intervention auprès des adolescents auteurs d’un délit, même si elle conserve une part de ses missions, en particulier pour l’investigation, dans le civil. Pour certains adolescents délinquants, dans des cas spécifiques qui doivent rester exceptionnels, un temps supplémentaire de prise en charge est nécessaire après l’interruption d’une mesure pénale, pour éviter les ruptures, la remise en cause des acquis et la mise en échec. Dans ces situations, je suis favorable à ce que le secteur public de la PJJ puisse poursuivre une intervention au civil, notamment dans le cadre de la protection des jeunes majeurs. Mais cela ne peut être que circonscrit aux cas de nécessité, quand il n’y a pas d’autre solution pour le jeune. C’est une petite ouverture, qui va supposer beaucoup de concertations avec les magistrats, un des moyens pour la continuité des parcours. Redonner du sens à l’action éducative, c’est en effet chercher de la cohérence dans la prise en charge, même s’il faut aussi tenir compte des moyens dont nous disposons. Ceux-ci ne nous permettent pas de réinvestir totalement les missions au civil. Par ailleurs, il y a un équilibre à tenir sur le sens de nos missions. Nous n’allons pas nous substituer à la protection de l’enfance et aux missions du département.
Le diagnostic partagé apporte sur ce sujet une appréciation ciblée. C’est une mesure intéressante, indispensable, mais elle va être adaptée dès le mois de septembre, dans la logique, là encore, de la continuité des parcours : pour se projeter dans la trajectoire du jeune et éviter de se limiter à la difficulté qui l’a amenée devant le juge, l’évaluation éducative doit être approfondie, et ne pas se dérouler sur un temps trop court pour être véritablement pluridisciplinaire. Il n’y aura donc plus de modularité temporelle : la mesure durera six mois (2), avec la possibilité pour les magistrats d’avoir, s’ils le souhaitent, un retour rapide, comme un point d’étape sollicité dans le cadre de la mesure générale, sans arrêter l’investigation.
Il y a, en effet, des réponses à apporter pour l’hébergement collectif en termes d’immobilier, de ressources humaines, de complémentarité. Le dispositif doit être soutenu, mais cela passe en grande partie par la recherche de la diversité des propositions éducatives, ce qui leur permettra d’avoir un peu de respiration.
Nous travaillons actuellement avec le secteur public et le secteur associatif habilité sur l’actualisation du cahier des charges, qui sera conjoint à ces deux secteurs. Deux arrêtés seront rédigés, l’un à destination du secteur public, l’autre à destination du secteur associatif habilité, avec une circulaire d’application commune. L’ensemble fixera le cadre d’exercice des missions en CEF. S’y ajouteront six fiches techniques relatives aux modalités de sortie, au protocole relatif à la gestion des incidents et des fugues, à la mise en œuvre des aménagements de peines, à l’organisation du service et notamment des réunions, au pilotage et enfin à l’évaluation, au contrôle et à l’audit des CEF.
Un point très important est de travailler la sortie du dispositif : là encore, le milieu ouvert doit jouer un rôle majeur pour ne pas interrompre une dynamique impulsée par une prise en charge intensive. Par ailleurs, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse conduit actuellement un groupe de travail relatif aux ressources humaines en CEF, à l’issue duquel je rendrai mes arbitrages.
Les réductions budgétaires ont forcément eu des conséquences sur les rapports entre le secteur associatif habilité et l’administration. Mais les associations et la PJJ exercent des missions communes, et il est essentiel de continuer à nourrir leurs complémentarités en matière de savoir-faire. Nous ne devons être ni en concurrence, ni en rivalité. C’est ce que je défends, dans le contexte budgétaire qui est le nôtre.
Un rapport des inspections générales des affaires sociales, de l’administration et des services judiciaires sera remis à la fin juin aux ministres signataires du protocole, ainsi qu’à l’Assemblée des départements de France, également signataire. Nous avons contribué à cette évaluation à travers le comité de suivi du dispositif, piloté par la PJJ, les groupes de travail que nous avons mis en place sur l’évaluation de l’âge et de l’isolement et sur le financement, mais aussi les réunions que nous avons organisées sur les modalités de prise en charge des mineurs isolés étrangers. Toutefois, il ne faut pas oublier que la question est interministérielle et concerne notamment les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères. A la suite du rapport des inspections, des décisions politiques seront prises sur la poursuite du dispositif mis en place par la circulaire du 31 mai 2013.
Nommée directrice de la protection judiciaire de la jeunesse le 5 juin 2013, à la suite de Jean-Louis Daumas, Catherine Sultan a été juge des enfants pendant 25 ans. Elle a présidé le tribunal pour enfants de Créteil (Val-de-Marne) entre 2007 et 2013 et a été également à la tête de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF). En 2013, elle a publié Je ne parlerai qu’à ma juge. Voyage au cœur de la justice des enfants, aux éditions du Seuil (voir ASH n° 2807 du 26-04-13, page 28).
Déresponsabilisation, manque de dialogue, perte de sens du travail collectif… Ces dernières années, les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) n’ont eu de cesse d’alerter sur le malaise qui traverse l’institution. L’administration va-t-elle enfin prendre le sujet à bras-le-corps ?
Les services de la direction de la PJJ, interrogés par les ASH, indiquent, en tout cas, qu’« en appui des nouvelles orientations nationales de la PJJ, les projets en termes de ressources humaines sont nombreux et prioritairement dédiés à l’amélioration de la gouvernance à tous les niveaux de l’institution ».
Et que dans ce cadre, « plusieurs plans d’action ont été définis pour une approche des ressources humaines plus pragmatique et personnalisée ».
Parmi eux : « des formations ciblées sur le management et le pilotage territorial vont être développées pour identifier clairement le rôle et l’articulation entre les acteurs des services déconcentrés, et accompagner l’encadrement et les agents dans leur parcours professionnel ».
La direction de la PJJ indique également que « plusieurs actions visent également à améliorer la gestion de l’ensemble des processus RH, et en particulier celui du recrutement », parmi lesquelles figure « l’ambition de favoriser l’accès à la titularisation des agents contractuels qu’elle emploie par le biais des concours ».
En termes de conditions de travail, « un plan pour prévenir les risques psycho-sociaux avec une déclinaison au niveau de chaque interrégion a commencé à être mis en œuvre ». Par ailleurs, « un chantier a été ouvert pour revisiter l’organisation du temps de travail, notamment dans les structures d’hébergement. Et des projets de modification des statuts des métiers spécifiques de la PJJ (éducateurs, chefs de service éducatif, directeurs de service…) ont été élaborés et ont déjà fait l’objet de concertations avec les organisations syndicales. »
(1) De novembre 2013 à janvier 2014, les professionnels ont ainsi été invités à s’exprimer sur des sujets, comme la mesure judiciaire d’investigation éducative, le placement, les activités de jour, les relations avec les juridictions, la complémentarité entre service public et secteur associatif habilité, le management, l’implication dans les politiques publiques. Au total, plus de 1 500 feuillets ont été exploités par la direction de projet « projet de travail national », qui a produit en mars 2014 une synthèse nationale, assortie de propositions.
(2) La MJIE, modulable dans son contenu et sa durée, remplace l’enquête sociale et l’investigation d’orientation éducative depuis le 1er janvier 2012. En matière pénale, son délai d’exécution est fixé par le juge, qui peut ordonner un délai plus court pour exercer la mesure au regard des impératifs de la procédure. A l’inverse, en cas d’éléments nouveaux, il peut, à son initiative ou sur proposition du service, ordonner l’approfondissement d’une problématique spécifique.