Plus d’une personne sur deux ne mange pas à sa faim tous les jours parmi les patients interrogés par Médecins du monde dans le cadre d’une enquête dont les résultats ont été dévoilés par l’association le 12 juin, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre la faim (1).
Plus de la moitié des 346 patients, dont 97 % sont des migrants, qui ont été interrogés dans sept centres d’accueil, de soins et d’orientation (CASO) à Bordeaux, Lyon, Marseille, Nice, Paris, Saint-Denis et Strasbourg au printemps dernier, ont déclaré ne pas avoir assez à manger « assez souvent ou parfois ». Au total, 78 % des sondés peuvent être considérés comme « en insécurité alimentaire pour raison financière », ce qui est le cas de la totalité des ménages vivant à la rue, en campement ou en squat. Les principales raisons avancées sont le manque d’argent (77 %) et, dans une moindre proportion, l’absence de place ou d’équipement pour cuisiner (31,5 %).
Selon l’enquête de Médecins du monde, la dépense moyenne pour se nourrir s’élève à 2,50 €par jour et par personne et cette somme est réduite à 2 €par jour pour les personnes à la rue, en squat ou en bidonville. En dessous de 3,50 €par jour, « les risques pour la santé sont patents », s’inquiète l’association. Qui plus est, un enfant sur cinq parmi cette population particulièrement fragile et près d’un adulte sur deux n’ont pas mangé pendant une journée entière au cours du mois précédant l’enquête. Une situation encore plus fréquente parmi les étrangers en situation irrégulière et les demandeurs d’asile. Aucun des jeunes examinés ne présentait cependant de signes de dénutrition, précise l’association.
Par ailleurs, à peine 41 % des foyers concernés ont bénéficié de l’aide alimentaire (repas, colis, épicerie solidaire) sur la période d’enquête, la majorité des autres ignorant même jusqu’à l’existence de ces dispositifs. L’accès à l’eau est également problématique, puisque 30 % des ménages ayant répondu à l’enquête ne sont pas connectés à un réseau de distribution. 12 % s’approvisionnent en eau potable grâce aux bornes fontaines.
L’état de santé des personnes qui sollicitent les centres de soins de Médecins du monde pâtit de ces insuffisances : un tiers d’entre elles témoignent d’une perte de poids au cours des deux semaines précédant l’enquête – de manière plus significative chez les primo-arrivants –, et plus d’un tiers présentent une pathologie, chronique ou aiguë, qui peut avoir un lien avec l’alimentation. Plus spécifiquement, 38 % des patients de plus de 15 ans déclarent avoir des problèmes de santé bucco-dentaire et, chez six personnes sur dix, une dent manque, voire au moins cinq dents chez deux personnes sur cinq.
Cet état des lieux s’appuyant sur des données relativement limitées, Médecins du monde recommande d’améliorer les connaissances sur l’accès à l’alimentation, l’état de santé et les besoins des personnes en situation de grande précarité, et aussi de mieux informer ces dernières sur leurs droits et sur les dispositifs d’aide alimentaire existants.
L’association préconise également de « développer des aides alimentaires adaptées et ciblées », pour permettre aux personnes précaires d’accéder à une alimentation saine et adaptée à leurs besoins, tout au long de l’année, tout en facilitant leur accès à l’eau et à l’hygiène. Elle demande par ailleurs de « mettre fin aux arrêtés anti-glanage et anti-mendicité », ces pratiques pouvant « constituer des ressources de dernier recours pour les plus précaires ».
(1) « L’alimentation des personnes en situation de grande précarité en France » – Disponible sur