Après 25 ans de vie politique et des fonctions qui m’ont permis d’installer un projet social structuré et durable à Bordeaux, le moment était venu de passer la main. Alors que je souhaitais m’investir dans la vie associative, le Secours catholique a estimé que mon profil correspondait à ses priorités et m’a demandé d’être pilote du navire pour un mandat de trois ans. Depuis le 23 mars, je suis libérée de mes fonctions politiques, mais mon expérience est un atout pour continuer de porter une parole forte sur la situation des plus démunis.
Je suis marquée par une image centriste, bien qu’il ne s’agisse pas d’en faire état dans mes nouvelles fonctions. La lutte contre l’exclusion transcende les clivages de partis, et porter la préoccupation des plus pauvres dans le débat public est un geste politique au sens large !
Il faut sanctuariser le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, qui comporte de belles avancées. Les associations ont obtenu que l’augmentation du RSA « socle » ne soit pas remise en cause, mais nous devons être mobilisés sur plusieurs points, dont le dégel des aides personnelles au logement, la « garantie jeunes » et la fusion du RSA avec la prime pour l’emploi. Par ailleurs, les plus démunis ne doivent pas rater le train du « pacte de solidarité ». Nous n’avons pas obtenu de table ronde sur l’emploi des personnes les plus en difficulté lors de la conférence sociale de juillet, mais le compromis trouvé est l’intervention d’un représentant du collectif Alerte sur ces enjeux. Que les associations de lutte contre l’exclusion puissent s’exprimer lors de la conférence est déjà un progrès, et il n’est pas exclu que nous puissions faire, en amont, avancer nos propositions auprès des partenaires sociaux.
La suppression des conseils généraux est à mes yeux une hypothèse intéressante, mais il faudra être vigilant sur le transfert de leurs compétences sociales. A l’échelle des grandes villes, concernées par des chevauchements et des conflits de compétences, il est légitime que ce transfert aille vers la métropole. Mais dans les territoires ruraux, qui concentrent moins d’habitants mais autant de précarité, l’entité régionale va-t-elle se mettre en ordre de bataille ?
Le Secours catholique, qui comprend de nombreuses délégations en milieu rural, sera très vigilant sur ce point.
Une réforme profonde est nécessaire pour aller vers plus de travail collectif, associer les usagers en partant de leurs expériences. Les professionnels doivent pour cela modifier leurs pratiques, mais il faut dans le même temps les dégager de leurs charges administratives. Les liens entre travail social et bénévoles, déjà quotidiens, devraient se développer. Des membres du Secours catholique sont d’ailleurs souvent présents dans les conseils d’administration des centres communaux d’action sociale.
Outre l’interpellation des pouvoirs publics, et les actions qui agissent sur les causes de la pauvreté, en favorisant la réussite des enfants à l’école, par exemple, un axe prioritaire est justement de penser les actions et l’avenir de l’association avec les personnes en difficulté, en les intégrant progressivement dans notre gouvernance. C’est le thème des journées de Lourdes qui se déroulaient du 16 au 19 juin, et ce sera le fil rouge du 70e anniversaire du Secours catholique, en 2016. Le conseil d’administration souhaite passer à la vitesse supérieure sur ce sujet, et c’est une conviction que je porte depuis mon engagement auprès d’ATD quart monde [de 1979 à 1989, ndlr], et que j’ai essayé de traduire à Bordeaux.
(1) De 1995 à 2014. Véronique Fayet, membre du bureau du Modem de 2007 à 2014, a également été conseillère régionale d’Aquitaine, vice-présidente de la Communauté urbaine de Bordeaux et vice-présidente du Conseil national des villes entre 2002 et 2006 (elle a, à ce titre, siégé au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale).