Alors que l’objectif du président de la République est d’aboutir à la suppression des conseils généraux en 2020 (1), l’enquête annuelle de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS) – rendue publique le 17 juin sur le financement de l’action sociale (2) – témoigne, de nouveau, de l’asphyxie financière des départements. Ces difficultés ne viennent pas d’une forte augmentation des dépenses – la dépense nette d’action sociale des départements atteint, en 2013, 33,6 milliards d’euros, soit 3,6 % de plus que l’année précédente – mais de la trop faible participation de l’Etat, déplore l’ODAS. Après déduction des apports de l’Etat, la charge nette des départements s’élève à 25,9milliards d’euros, soit 1,1 milliard de plus qu’en 2012. « Cette situation s’explique principalement par la baisse du taux global de couverture des allocations par les concours de l’Etat. Alors que celui-ci avoisinait les deux tiers en 2008, il est désormais plus proche de la moitié », relèvent les auteurs.
« L’impasse financière » que connaissent les départements est « principalement due aux incidences financières du RSA [revenu de solidarité active] », indique l’observatoire. En 2013, la dépense nette d’allocation RSA – 7,9 milliards – a augmenté de près de 10 %, soit une hausse plus de deux fois plus élevée qu’en 2012. Cette croissance s’explique en partie par l’augmentation du nombre de bénéficiaires et par la revalorisation de l’allocation. Après compensation de l’Etat, la charge restant à financer par les départements s’élève à 2,3 milliards en 2013, alors qu’elle était de 1,5 milliard l’année précédente. Face à ce désengagement de l’Etat, les départements, qui ont « accueilli plutôt favorablement en 2004 cette nouvelle compétence […], s’interrogent sur la pertinence de ce transfert », notent les auteurs, qui plaident pour une « renationalisation du financement de l’allocation RSA ».
Concernant les dépenses liées à l’insertion des bénéficiaires du RSA, les auteurs relèvent que les politiques d’insertion mises en œuvre sont très variables d’un département à l’autre. Certains allouent davantage de moyens pour consolider l’insertion socioprofessionnelle et les contrats aidés, alors que d’autres en font une variable d’ajustement face au poids croissant et contraignant de l’allocation.
Les autres postes de dépenses sont relativement stables par rapport aux années précédentes. Ainsi, les coûts liés à la protection de l’enfance s’élèvent à 6,9 milliards en 2013, soit 0,7 % de plus qu’en 2012. Les dépenses nettes de placement augmentent de manière moins soutenue que les années précédentes. Pourtant le nombre de jeunes pris en charge progresse, en particulier les mineurs étrangers isolés. Ces derniers représentent « près de huit nouveaux placements sur dix fin 2013 ». A domicile, les dépenses consacrées au suivi des enfants sont quasiment stables – 430 millions –, alors que les dépenses liées à la prévention sont en baisse par rapport à l’année précédente.
Malgré le vieillissement de la population, la charge nette des départements concernant le soutien aux personnes âgées dépendantes n’augmente pas en 2013. Cela est en partie dû à la stabilisation du nombre de prises en charge en hébergement, mais aussi à « une maîtrise plus effective » des plans d’aide d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile et enfin à l’augmentation du concours de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Pour la première fois, la dépense d’APA à domicile baisse légèrement tandis que le nombre de bénéficiaires augmente de 0,8 % (+ 6 000 personnes). Une tendance qui résulte de la baisse du nombre d’heures d’aide à domicile attribuées et d’importants progrès dans la gestion des services. Enfin, les coûts liés au soutien des personnes handicapées se stabilisent et atteignent 6 milliards d’euros, soit 3,4 % de plus qu’en 2012.
Au final, l’avenir des départements « est doublement menacé » : d’une part, par l’inadéquation des concours de l’Etat, d’autre part, par la réforme territoriale qui veut les supprimer. « Aujourd’hui, ce qui pèse dans le budget des conseils généraux, ce sont les coûts liés aux compétences obligatoires et ceux liés aux personnels. Supprimer les conseils généraux ne permettra pas de faire des économies, sauf à réduire les politiques en direction des plus fragiles », déplore Jean-Louis Sanchez, délégué général de l’ODAS. Par ailleurs, « qui est prêt à reprendre les compétences des conseils généraux ?, s’interroge-t-il. Les communes y sont très réticentes car les élus craignent de devoir gérer seuls les problèmes sociaux. Si ces compétences reviennent aux régions, on ne pourra que constater un déficit de proximité. Il a fallu 30 ans aux départements pour bâtir une action sociale suffisamment proche des gens pour pouvoir les accompagner sans les juger. Et cette réforme viendrait détruire tous ces efforts ? »
(1) Voir ASH n° 2863 du 6-06-14 p. 6.
(2) « Financement de l’action sociale – Les départements dans l’impasse » – Disponible sur