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Bientôt une charte actualisée sur le partage d’informations au sein des CLSPD

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Au terme de travaux avec le Conseil supérieur du travail social et des associations, le Comité interministériel de prévention de la délinquance s’apprête à diffuser un texte qui s’attache à clarifier la notion d’informations « à caractère confidentiel ».

Validée il y a près de un an par une circulaire du Premier ministre, la « stratégie nationale de prévention de la délinquance » 2013-2017 se concentre particulièrement sur les jeunes exposés à la délinquance, dans l’objectif de favoriser « le chaînage des interventions », dans le cadre d’un suivi individualisé. C’est dans cet objectif que le secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance (SG-CIPD) a souhaité actualiser la « charte déontologique type pour l’échange d’informations dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance » (CLSPD) publiée en 2010, avec l’aval du Conseil supérieur du travail social (CSTS). Pourquoi revenir sur un texte, qui avait déjà fait l’objet d’un compromis, dans un contexte po­litique tendu qui avait à l’époque fait craindre une mainmise des maires sur le travail social ? Aux yeux du SG-CIPD, des clarifications juridiques s’imposaient pour rassurer les professionnels et lever leurs réticences. « Pour être en mesure de déployer toute l’énergie nécessaire pour prévenir la délinquance des 12-25 ans, il faut être en capacité de traiter des situations de façon nominative, sachant que la prévention de la délinquance est éminemment partenariale et que le but ultime est d’envisager les actions à entreprendre au bénéfice du jeune, argumente le préfet Pierre N’Gahane, secrétaire général du CIPD. En 2010, la concertation n’avait pas été aussi large et le plan avait privilégié la prévention situationnelle – le travail sur le cadre de vie, la vidéosurveillance –, plutôt que la prévention sociale. Aujourd’hui, l’objectif est de s’occuper en premier lieu des personnes. Nous sommes arrivés à un document consensuel qui encadre et objective la façon de travailler. »

Traitement des données

A partir de septembre 2013, le secrétariat général du CIPD a réuni un grou­pe de travail composé des ministères concernés (Education nationale, Justice, Affaires sociales, Intérieur, Ville), le CSTS (à travers sa commission « Ethique et déontologie »), les associations d’élus et des associations de professionnels – le Comité national de liaison des acteurs de la prévention spécialisée (CNLAPS), la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), France médiation et la fédération Citoyens et justice. La nouvelle charte issue de leurs travaux, assortie d’un guide d’utilisation, sera diffusée aux maires une fois que le CSTS aura, probablement au début juillet, émis son avis. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), également membre du groupe du travail, devrait, elle, délivrer son autorisation le 26 juin.

Car une grande nouveauté de la charte est de prévoir la constitution de traitements de données à caractère personnel « permettant le suivi des actions en direction des personnes ou des familles ». La CNIL doit émettre une autorisation unique (les maires devront lui adresser une déclaration comportant un engagement de conformité avec les conditions posées) portant sur la finalité du traitement, la nature des données traitées, les destinataires, le recueil du consentement des personnes, ou encore la durée de conservation des données. Ces traitements qui, dans la pratique, existent déjà sans vraiment être encadrés, seraient constitués sous la responsabilité du maire et gérés par une personne « délégataire garante du respect des dispositions de la loi “informatique et libertés” ». « Il s’agit d’échanger des informations pour définir un parcours adapté à la situation du jeune, mais en aucun cas d’alimenter un fichier de renseignements sur sa personne et sa famille, un fichier de police, judiciaire ou administratif, ou encore de réunir des informations qui auront pour conséquence de restreindre l’accès aux droits », rassure Pierre N’Gahane.

Quelle ligne de partage ?

Autre nouveauté : la charte tente de circonscrire ce que recouvre la notion d’informations « à caractère confidentiel », jusqu’ici source, selon le secrétariat général du CIPD, de confusion. Celle de 2010 avait déjà pris soin de faire la distinction entre deux dispositions de la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance. D’une part, l’article?8, qui ne concerne que les informations « à caractère secret » entre les professionnels de l’action sociale et l’autorisation donnée à ces derniers de révéler au maire et au président du conseil général les informations confidentielles strictement nécessaires à l’exercice de leurs compétences. D’autre part, l’article?1, qui concerne l’échange des informations à caractère confidentiel entre les participants aux groupes de travail à vocation territoriale ou thématique constitués au sein des CLSPD. La charte s’applique seulement dans le cadre de cet article 1. Comme en 2010, sa version actualisée rappelle les obligations de secret professionnel, de devoir de réserve ou de discrétion inhérentes aux professions concernées et que seules peuvent être échangées au sein des groupes les informations nécessaires « à la réflexion collégiale sur la problé­matique, à l’évaluation de la situation et à la recherche de solutions ». Le texte ajoute qu’un « partage d’informations plus précises sur une situation individuelle (éléments de l’histoire personnelle ou familiale, détail du travail social ou éducatif en cours, éléments sur les éventuelles procédures judiciaires en cours mettant en cause l’intéressé, etc.) est exclu à ce niveau et ne peut s’envisager que dans le cadre de l’article 8 (article L.121-6-2 du code de l’action sociale et des familles) ou au sein d’autres dispositifs (notamment ceux du conseil général en matière de protection de l’enfance ou de l’autorité judiciaire en matière de suivi des mineurs multiréitérants) ». Il précise qu’« il appartient à chacun des membres des groupes de travail de déterminer en conscience, dans les conditions, les objectifs et les limites imposées par la loi, et au cas par cas, si l’information qu’il détient peut être communiquée aux autres membres du groupe ».

Comment placer le curseur ? « Les informations à caractère secret ne doivent être partagées qu’entre pairs, tandis que les informations confidentielles peuvent être mises autour de la table si elles sont nécessaires à l’action. Les partenaires doivent être en position de définir ce qui est partageable dans l’intérêt du jeune », précise le préfet N’Gahane. Une res­ponsabilité que l’ANAS (Association nationale des assistants de service social), qui n’a pas été associée aux travaux, assimile à un « cadeau empoisonné ». Le professionnel « est positionné comme “auto-décideur” de ce qui est une information à caractère secret ou pas, omettant la loi et la jurisprudence en la matière », regrette l’association, qui avait déjà ­soulevé cette difficulté il y a quatre ans. Selon elle, l’application de la charte « posera certes des limites et visera à éviter des excès, mais elle ne pourra pas empêcher des dérives et des interprétations ». Au-delà, l’ANAS continue de déplorer une « confusion entre l’aide aux personnes, mission première des travailleurs sociaux, pouvant parfois amener à demander leur protection, et leur repérage ou surveillance aboutissant, d’une manière de plus en plus contrainte, à leur accompagnement dans le cadre d’un contrat et d’un dispositif ».

Visée éducative

Si elle reconnaît que les distinctions entre les informations à caractère confidentiel et celles à caractère secret restent ténues, la CNAPE se satisfait en revanche de voir les valeurs du travail social respectées, notamment par la reconnaissance de la prévention spécialisée dans le champ de la protection de l’enfance (voir encadré, page 15). Certes, la volonté du CIPD est d’inciter les professionnels de l’action sociale à parti­ciper aux groupes thématiques des CLSPD, et surtout à encourager les échanges d’informations sur les situations individuelles. Mais « la charte éclaircit les paramètres d’échange, elle sécurise et rappelle les missions de chacun », estime Laure Sourmais, conseillère technique à la CNAPE. « Les réflexions se sont inscrites dans une visée sociale et éducative, mais nous serons vigilants sur l’utilisation de la charte et demandons un suivi de ce travail », ajoute-t-elle.

Une évaluation également réclamée par le CNLAPS qui craint, même si la charte a le mérite de préciser que ses dispositions s’imposent aux CLSPD (en clair, elle n’est pas adaptable), que les maires s’en emparent différemment selon les contextes locaux. « J’ai demandé au réseau de faire remonter toutes les pratiques qui ne seraient pas conformes », précise Richard Pierre, président du CNLAPS. Il envisage aussi, avec les autres associations professionnelles concernées, une journée d’étude sur le sujet. « Il n’y a pas de partenariat possible si chaque ­institution fonctionne de façon autocentrée, commente-t-il. Mais on ne peut avancer que dans le cadre d’une réflexion éthique et permanente. » Le président du CNLAPS se réjouit d’ailleurs, outre la reconnaissance de la prévention spé­cialisée dans le champ de la protection de l’enfance, d’avoir obtenu que le guide d’utilisation de la charte prévoie le consentement éclairé du jeune suivi par un éducateur de prévention spécialisée avant l’échange d’informations le concernant (la charte ne prévoit, dans le cas général, que l’information des personnes).

Si le CNLAPS a approuvé la charte, au terme de discussions parfois tendues, il émet tout de même des réserves sur son guide d’utilisation, qui devraient être partagées par le CSTS. Sujet de divergence : le guide indique que, « susceptibles d’identifier les jeunes exposés à la délinquance, les forces de sécurité de l’Etat peuvent être associées aux travaux conduits » par les groupes thématiques du CLSPD. Une formulation, défend le secrétariat général du CIPD, qui induit que la police n’a pas à en être membre en tant que telle. Mais trop imprécise pour éviter les dérives ? Le SG-CIPD indique par ailleurs avoir relayé les remarques du CSTS auprès de la CNIL, afin que son autorisation ne prévoie pas que les forces de police puissent être destinataires des informations échangées.

Autre préoccupation : le guide, qui précise que le programme à l’intention des jeunes exposés à la délinquance vise notamment ceux qui sont « sortis du système scolaire sans qualification, sans solution d’insertion et très éloignés de l’emploi, dont les comportements troublent la tranquillité publique », indique que « la mise en place d’un référent de parcours peut être proposée », afin de définir un accompagnement renforcé et individualisé. Pas question, pour le CNLAPS, « qu’un éducateur de prévention spécialisée assume cette fonction, qui l’amènerait dans une fonction de surveillance ». Autant d’enjeux sur lesquels le CSTS devrait se prononcer. Son avis doit d’ailleurs être annexé à la charte, comme la délibération de la CNIL.

UN GUIDE SUR LE RÔLE DE LA PRÉVENTION SPÉCIALISÉE DANS LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

Un autre groupe de travail réuni par le Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) s’est attelé à la rédaction d’un Guide pratique sur la participation des équipes de prévention spécialisée à la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance, qui doit aussi être prochainement rendu public. « Dès lors que les règles et l’éthique particulière des intervenants éducatifs des associations de prévention spécialisée sont respectées, un travail de partenariat peut être pleinement engagé », souligne-t-il en préambule. Le guide rappelle l’inscription de la mission éducative de la prévention spécialisée dans le champ de la protection de l’enfance, ses principes fondateurs et les conditions de sa participation au CLSPD. En séance plénière, les informations échangées « sont de nature générale, et ne peuvent en aucun cas concerner des informations confidentielles, ni a fortiori des informations à caractère secret », précise le document. Il liste les coopérations possibles (avec l’Education nationale, la médiation sociale, la protection judiciaire de la jeunesse…) et précise que ses activités doivent faire l’objet d’une évaluation « comme toute autre politique publique ou dispositif soutenu par des crédits publics ».

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