Trois petites années en poste, et déjà assez de matière pour en faire un livre. En février 2011, Anne Dulioust a pris ses fonctions de chef de service de médecine à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne), après une carrière dans la lutte contre le VIH. Elle qui ne fait aucune distinction entre les malades se retrouve violemment confrontée à une réalité qui lui échappe : à l’établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF), le malade est souvent considéré comme un criminel avant tout. Autrement dit, un individu qui ne mérite guère d’égards. « Certaines personnes ont commis des actes gravissimes, mais ce n’est pas mon job de les juger », balaie-t-elle. Anne Dulioust remue ciel et terre pour améliorer la prise en charge des détenus malades et se lance à corps perdu dans un combat pour que la « loi Kouchner » du 4 mars 2002, qui permet de faire libérer des prisonniers pour raisons de santé, soit appliquée. « Je me sens isolée, incomprise par mes collègues et par la direction, qui me considèrent comme une insoumise, trop libre », confie-t-elle. L’arrivée d’un nouveau médecin, gestionnaire pur jus, ne fera qu’accentuer les difficultés de celle qui « refuse de pratiquer une médecine au rabais car destinée à des personnes détenues », animée qu’elle est « par la conviction qu’il fallait au contraire leur prodiguer les meilleurs soins possibles, avec humanité, afin de permettre et faciliter une réinsertion ultérieure à ces patients déjà démolis par la vie ». Face à des individus atteints de tuberculose originaires de l’ex-Union soviétique et ne parlant pas un mot de français, elle apprend le russe. Face à la maltraitance des détenus âgés en fin de vie, elle appelle Robert Badinter à l’aide. Bref, Anne Dulioust fait fi de cette incompréhension criante entre le pénitentiaire et le médical, et le revendique : « Les révoltés sont des jusqu’au-boutistes, j’en suis une. Je suis décidée à combattre. » Mais c’est peu dire qu’on ne l’y aide pas beaucoup.
Médecin en prison, avoir la force de s’indigner !
Anne Dulioust – Ed. First Document – 17,95 €