Dans son dernier rapport annuel présenté le 6 juin (1), l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (UE) note que des progrès considérables ont été accomplis en matière de respect des droits fondamentaux, mais s’inquiète quand même du décalage entre le droit et la pratique sur le terrain, en particulier s’agissant des politiques d’asile, d’intégration des Roms et des droits des victimes. Elle suggère en conséquence d’élaborer une stratégie interne concernant les droits fondamentaux et d’instaurer un cycle d’action annuel afin que « les efforts déployés en la matière au niveau de l’UE et à l’échelle nationale soient mieux coordonnés et régulièrement évalués ».
Les thèmes abordés par le rapport sont traditionnellement nombreux : l’asile, l’immigration et l’intégration; le contrôle aux frontières et la politique des visas ; la société de l’information, le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel ; les droits de l’enfant et la protection des enfants ; l’égalité et la non-discrimination; le racisme, la xénophobie et l’intolérance y afférente ; l’accès à la justice et la coopération judiciaire; les droits des victimes de la criminalité ; les Etats membres de l’UE et leurs obligations internationales. Cette année, deux nouveaux chapitres font leur apparition : l’un sur l’intégration des Roms à la suite de l’élaboration de stratégies nationales à ce sujet ; l’autre sur l’emploi de la Charte des droits fondamentaux de l’UE devant les cours nationales, cinq ans après son adoption.
En matière d’asile et d’immigration, l’agence observe un décalage factuel et temporel. Elle relève en effet que la législation en matière d’asile est le résultat de larges compromis entre les Etats membres et donc, parfois, de formulations ambiguës destinées à prendre en compte les avis de chacun. En conséquence, affirme-t-elle, les pratiques auxquelles les Etats membres ont recours pour statuer sur des demandes d’asile présentent des divergences considérables. L’agence souligne également un décalage temporel, comme en témoigne l’application de la directive 2008/115/UE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « retour ». « Cinq ans après son adoption et trois ans après l’expiration de la période de transition, un Etat membre de l’Union sur trois doit encore mettre en place un système efficace de contrôle du retour forcé », explique-t-elle. La France fait partie des neuf Etats membres dépourvus d’un tel système.
Le rapport note également que l’instauration de taxes excessives ou disproportionnées pour la délivrance de permis de séjour est un exemple d’obstacles à l’intégration des migrants. Il souligne, par ailleurs, que le risque que des migrants, y compris des enfants, périssent dans leur quête d’une vie meilleure en Europe n’a pas encore été dissipé et que la prévention de ces tragédies doit demeurer dans le futur une priorité absolue.
Pour la première fois, l’Agence des droits fondamentaux a également étudié la situation des Roms. Elle note que les expulsions forcées demeurent un problème de fond. D’après les chiffres recueillis notamment par la Ligue des droits de l’Homme, en France, plus de 21 537 Roms vivant dans 187 camps ont été expulsés par la force en 2013, soit plus du double qu’en 2012. Les agents de la force publique ont ainsi procédé au démantèlement de 165 camps, où vivaient 19 380 personnes, les 22 autres opérations ayant eu lieu à la suite d’incendies, d’inondations ou d’attaques et ont affecté 2 157 Roms. Or, souligne l’agence, « l’expérience a montré que le succès de la mise en œuvre et de la pérennité des mesures d’intégration des Roms dépend de la volonté politique et de l’implication des autorités locales et régionales. Instruites par les expériences passées, lesdites autorités devraient moins compter sur des projets ponctuels, mais plutôt cibler les Roms de manière explicite dans leurs activités principales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. ». En outre, « une surveillance et une évaluation régulières des interventions spécifiques et des stratégies nationales d’intégration plus étendues des Roms s’avèrent indispensables ».
(1) Les droits fondamentaux: défis et réussites en 2013 – Disp. sur