C’est l’une des mesures emblématiques de la dernière réforme des retraites (1) : à partir du 1er janvier 2015, les salariés exposés à certains facteurs de pénibilité pourront accumuler des points sur un compte tout au long de leur carrière, l’idée étant que ces points leur permettent de se former, de travailler à temps partiel ou de partir plus tôt à la retraite. Chargé par le gouvernement de plancher sur la mise en place de ce droit nouveau, Michel de Virville a remis ses préconisations le 10 juin à la ministre des Affaires sociales et à son homologue du Travail (2). Satisfaits du travail accompli, Marisol Touraine et François Rebsamen ont indiqué dans un communiqué que les modalités qu’ils retiendront pour la mise en place du compte – et sur lesquelles ils communiqueront « dans les prochains jours » – « découleront directement » des propositions du conseiller-maître à la Cour des comptes.
Le principe du compte personnel de prévention de la pénibilité est simple : l’exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité dépassant certains seuils – à déterminer – ouvre droit à des points portés à ce compte. Dans le document qu’il a remis au gouvernement, Michel de Virville propose que, pour chacun des dix facteurs de pénibilité inscrits dans le code du travail (bruit, températures extrêmes, travail de nuit, etc.), les seuils soient définis par des « valeurs planchers » d’intensité et de « temporalité » de l’exposition. Pour être au-delà du seuil de chaque facteur, il faudrait un niveau supérieur à ces seuils planchers conjointement sur ces deux dimensions. A titre d’exemple, s’agissant du travail de nuit, Michel de Virville propose que soient pris en compte au titre de la pénibilité les horaires comprenant au moins 1 heure de travail entre 0 heure et 5 heures du matin, sous réserve que cette situation intervienne au moins 120 jours par an.
Pour les salariés employés toute l’année, l’exposition serait appréciée sur l’ensemble de l’année civile « dans la situation habituelle de travail décrite forfaitairement par une moyenne annuelle ». En cas de dépassement du seuil annuel, le compte du salarié serait crédité de quatre points ou de huit points dans l’hypothèse où plusieurs seuils d’exposition seraient dépassés (« polyexposition »). Pour les salariés dont le contrat débute ou se termine en cours d’année civile, Michel de Virville propose que le seuil de la durée d’exposition soit réduit à proportion de la durée du contrat sur cette année. « Si l’exposition du salarié dépasse le seuil ou les seuils ainsi proratisés, chaque période travaillée de trois mois [donnera] droit à l’acquisition d’un point (deux points en cas de polyexposition) », indique-t-il dans son document.
Comme l’avait suggéré le gouvernement « Ayrault » en présentant la réforme des retraites en août 2013, le conseiller-maître à la Cour des comptes préconise lui aussi que le nombre total de points susceptibles d’être acquis par un salarié sur l’ensemble de sa vie professionnelle soit plafonné à 100 points. Dix points permettraient l’acquisition d’un trimestre de retraite supplémentaire ou le financement de la compensation d’une réduction du temps de travail équivalente à un trimestre à mi-temps. Et les 20 premiers points acquis ne pourraient être utilisés que pour le financement d’une formation (2 points permettant de financer 40 heures de formation).
Toutefois, pour les générations « âgées de plus de 59,5 ans au 1er janvier 2015 », cette réserve de points pour la formation ne serait pas appliquée. Michel de Virville propose, en outre, que l’acquisition de points se fasse à un rythme doublé pour ces salariés. Dans son esprit, la réserve pour la formation ne serait pas davantage appliquée aux générations ayant entre 55 et 59,5 ans au 1er janvier 2015. Et, pour celles qui sont âgées entre 52 et 55 ans au 1er janvier 2015, elle serait appliquée mais pour un montant divisé par deux.
On notera encore que, plutôt que de passer par une énième déclaration sociale, Michel de Virville préconise d’intégrer la saisie par l’employeur des expositions via son logiciel de paye.
(1) Voir ASH n° 2839 du 27-12-13, p. 32.
(2) Préconisations disponibles sur