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Une plongée au cœur des pratiques

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Médecins du monde, AIDES et l’Inserm ont lancé une recherche-action pour évaluer l’intérêt de l’accompagnement et de l’éducation aux risques liés à l’injection. Si les résultats ne sont pas encore publiés, la formule se révèle déjà positive.

Depuis 2011, du lundi au mercredi, de 16 heures à 22 heures, un camion de Médecins du monde s’installe gare du Nord à Paris près de la scène de deal et de l’antenne mobile de l’association Gaïa. A l’intérieur, des soignants, des travailleurs sociaux…, intervenant en duo, accueillent un à un des usagers de drogues venus s’injecter leur produit. Objectif : réduire les risques en intervenant au plus près de leurs pratiques habituelles. Pour cela, le binôme prend le temps ; la rencontre dure souvent une heure. Lors de la première séance, le duo observe, puis un bilan partagé est effectué. « On demande à la personne ce qu’elle pense de sa pratique, si elle estime prendre des risques et on livre notre perception. On part de ses compétences et on relève des points à travailler », explique Marie Debrus, la coordinatrice. Lors des séances suivantes, les échanges et les conseils portent autant sur l’hygiène et les gestes (préparation du produit, trouver la veine, bien piquer, évacuer son matériel…) que sur la gestion des consommations ou les effets recherchés. A Sida Paroles, à Colombes (Hauts-de-Seine), où le dispositif a aussi été mis en place, la formule diffère quelque peu. « Dans ce lieu de vie, la pratique d’injection est très stigmatisée par les usagers, ils en parlent peu. De plus, ils interrogent notre légitimité à leur donner des conseils. Enfin, beaucoup ont des pratiques très chronicisées avec des rituels, résume Marie Debrus. De fait, l’approche éducative est moins mise en avant. On progresse plus doucement et on travaille davantage la dynamique de changement. »

Entre la mi-2011 et la mi-2013, l’initiative a donné lieu à une recherche-action sur cet accompagnement et éducation aux risques liés à l’injection (AERLI), à laquelle ont participé quinze Caarud de AIDES en France (1), dont huit servaient de groupes témoins pour mieux évaluer l’impact sur la santé des injecteurs. « Pour y participer, nous avons suivi une formation interne spécifique et passé un brevet de secourisme », souligne Céline Labbé, déléguée de programme au Caarud de Lille, où trente séances ont été organisées. « Les personnes avaient trois types de motivation : travailler sur la pratique d’injection et réduire les risques ; bénéficier d’un espace plus sécure pour s’injecter ; faire bouger les lignes. »

A AIDES comme à Médecins du monde, l’expérience est jugée positive. « Dans le lien quotidien, les personnes donnent souvent aux intervenants des réponses normatives pour leur faire plaisir. Là, on voit les vraies difficultés d’appropriation du discours de prévention », observe Pierre-Olivier Le Clanche, coor­dinateur de formation AIDES Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Les messages transmis sont alors précis et directs. Aucun incident grave n’est venu émailler les séances. « Beaucoup craignaient les overdoses. Or on voit que, si on travaille dans de bonnes conditions, dans le qualitatif, l’AERLI ne pose pas de problème sanitaire », note Jean-Marie Le Gall, responsable de la mission innovation, recherche, expérimentation (MIRE) à AIDES. « Si ça arrivait, on le gérerait mieux là que dans la rue ou les toilettes d’un Caarud ! », lance Marie Debrus. La formule a d’ailleurs permis d’intéressants rapprochements. « Nous avions contacté les services d’urgence. Tous ont jugé l’initiative bonne car si une overdose se produit dans nos locaux cela réduit leur temps d’intervention et donc les risques de décès », pointe Jean-Marie Le Gall. Sur le plan social aussi l’expérience est riche. « Des personnes lâchent parfois qu’elles en ont assez d’être à la rue ou évoquent d’autres difficultés…, nous pouvons faire des réorientations, témoigne Marie Debrus. Etre dans une posture de non-jugement ouvre vraiment des portes. »

Notes

(1) Avec l’Inserm et le soutien de l’Agence nationale de la recherche sur le sida et l’hépatite.

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