Quelles sont les incidences, pour le secteur social et médico-social, du projet de loi « clarifiant l’organisation territoriale de la République », dont la présentation est prévue en conseil des ministres le 18 juin ? Juste avant que le chef de l’Etat ne clarifie ses intentions sur la réforme des territoires par voie de presse (voir ce numéro, page 6), le Syndicat des employeurs associatifs de l’action sociale et médico-sociale (Syneas) a rendu publique son analyse du texte transmis au Conseil d’Etat.
Le projet de loi, qui représente, selon son exposé des motifs, « une étape complémentaire et ambitieuse » aux mouvements précédents de décentralisation, traduit une partie des orientations définies par le Premier ministre lors de son discours de politique générale du 8 avril dernier. Une fois les régions et les intercommunalités renforcées, « le débat pourra s’engager sereinement sur les modalités de la suppression des départements », est-il précisé. Suppression – désormais annoncée par le chef de l’Etat pour 2020 (1).
En anticipant cette évolution, le texte transfère certaines des compétences du département vers la métropole. A défaut d’une convention signée d’ici à 2017 entre les deux collectivités sur le transfert d’au moins quatre compétences sur neuf proposées par le législateur, celles-ci seraient automatiquement transférées (le Grand Paris est régi par d’autres dispositions). Sont notamment visés, dans la dizaine de départements concernés par des métropoles, l’attribution des aides au titre du fonds de solidarité logement (FSL), les missions du service départemental d’action sociale, le programme départemental d’insertion, les aides aux jeunes en difficulté, la prévention spécialisée ou encore les prestations aux personnes âgées. Mais comment sera assurée, dans ce cadre, la péréquation entre les territoires riches et les autres ?, interroge le Syneas. L’organisation rappelle que les conseils généraux « collectent l’impôt sur l’ensemble du territoire en fonction des richesses de chacun d’entre eux et distribue les allocations et aides en fonction du besoin des personnes sur une zone géographique déterminée ». Et craint, à l’avenir, un renforcement des inégalités territoriales, en fonction des moyens que les métropoles pourront mobiliser pour financer la politique sociale actuelle. « Seule une refonte de la dotation globale de décentralisation favorisant un rééquilibrage pour les territoires les plus fragiles pourrait garantir l’équité », estime le Syneas.
Le texte prévoit également la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements. Or, jusqu’ici, « le secteur social et médico-social a pu bénéficier de financements volontaires des collectivités territoriales souvent utiles aux associations employeurs », pointe l’organisation, selon laquelle les parlementaires « devraient être sensibilisés à la nécessité de prévoir une période transitoire », le temps d’évaluer ces financements et d’organiser des relais, pour éviter de fragiliser certaines interventions. Quid, par ailleurs, des compétences conjointes ? « Sans le cumul de financements de communes, départements et régions, des foyers de jeunes travailleurs ne pourraient pas fonctionner, s’inquiète le Syneas. Idem dans le champ des droits des femmes victimes de violence, en matière de logement des personnes âgées ou handicapées. »
Alors que les régions se voient confortées dans leur rôle de soutien au développement économique, le Syneas souhaite que le « schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation » qu’elles devront adopter inclue explicitement l’économie sociale et solidaire et ses acteurs. Quant au contenu du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, « on cherchera en vain [les orientations] concernant la santé, l’action sociale et médico-sociale et plus – largement les politiques de solidarité », regrette-t-il.
La diminution du nombre de régions (14 au lieu de 22 aujourd’hui) « aurait comme avantage de remettre à plat le niveau de déconcentration des services de l’Etat et de rapprocher les niveaux de décision de l’Etat », estime l’organisation d’employeurs. A certaines conditions néanmoins : il faudrait, selon elle, créer des « relais de proximité à un niveau infrarégional, à l’instar des délégations territoriales des agences régionales de santé (ARS), de façon à conserver une déclinaison opérationnelle dans les territoires ». Cette organisation devrait, par ailleurs, être accompagnée « d’une approche organisationnelle en termes de bassins de vie, croisée avec les territoires existant déjà au niveau des régions » (les territoires de santé par exemple).
Pour le Syneas, une telle réforme, qui met en jeu la définition des politiques de solidarité et le rôle de l’Etat comme garant des politiques nationales, ne pourra éviter de revenir sur des questions de fond comme l’articulation des documents de planification, la clarification des compétences et des financements, sans omettre de mettre fin aux conflits opposant, par exemple, les départements et l’Etat pour le financement de l’accueil des femmes enceintes en centres d’hébergement. L’organisation attire, par ailleurs, « l’attention des pouvoirs publics sur la nécessaire mise en cohérence des services déconcentrés et agences régionales de l’Etat avec le nouveau découpage des régions ». Au final, elle considère qu’une nouvelle organisation territoriale « peut être positive si ce projet produit de la cohérence, renforce ou instaure de l’homogénéité au niveau des échelons déconcentrés et décentralisés, veille à assurer une équité minimale entre les territoires, en particulier les zones rurales, et améliore ainsi la visibilité et la lisibilité, pour tous les acteurs, des politiques publiques de santé et de solidarité ».
(1) La Fédération des services publics-CGT, notamment opposée à la suppression des conseils généraux, synonyme selon elle de « destruction du service public et de la démocratie de proximité », organise une journée nationale d’action professionnelle, le 26 juin, pour s’opposer à la réforme territoriale.