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Réforme de l’asile : de fortes inquiétudes sur les missions associatives

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Après la phase de concertation nationale et le rapport de la sénatrice (centriste) Valérie Létard et du député (PS) Jean-Louis Touraine, le gouvernement est en train de mettre la dernière main à son projet de loi relatif à la réforme de l’asile. L’ambition affichée est double : améliorer la procédure et la protection des personnes par la transposition des directives européennes et le raccourcissement des délais d’examen, tout en écartant plus rapidement les demandes jugées infondées.

Problèmes de déontologie ?

D’ores et déjà, les dernières versions de l’avant-projet suscitent des inquiétudes, notamment sur la place des associations dans le dispositif d’accueil. « Le texte est très éloigné de ce qui a été défendu par les associations, déplore Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS). Plusieurs mesures sont inacceptables, car elles poseraient de vrais problèmes de déontologie aux travailleurs sociaux. » Dans une version du 20 mai, le texte prévoit qu’en contrepartie d’une meilleure répartition géographique des demandeurs dans le dispositif d’hébergement, afin de désengorger les régions les plus sollicitées, un refus de la place proposée ou une absence prolongée et sans autorisation entraînerait la perte des droits aux conditions matérielles d’accueil. Dans ce cas, les demandeurs « en situation de détresse » seraient renvoyés vers l’hébergement d’urgence de droit commun. En outre, la personne qui ne respecterait pas l’affectation (décidée après examen de ses besoins) pourrait voir son dossier clos par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). « Il y a confusion entre un système directif et un hébergement sous contrainte », commente Florent Gueguen. Par ailleurs, « ce système ne peut fonctionner que si l’Etat est en capacité de proposer une place à tout le monde. Or il n’y a aucun engagement du gouvernement à lier ce système à une loi de programmation de places, alors que le dispositif explose. Il y a clairement un problème de moyens pour lequel nous n’avons pas de réponse. »

L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) serait chargé de mettre en œuvre le schéma national des places d’hébergement (incluant les places d’urgence dédiées aux demandeurs d’asile) et l’orientation des demandeurs. Il vérifierait le respect de leurs obligations par le biais d’un traitement automatisé des données. « Le dispositif passerait sous la tutelle unique du ministère de l’Intérieur, alors que nous demandions un portage interministériel », ajoute le directeur général de la FNARS. La volonté de généraliser l’assignation à résidence, notamment des demandeurs en procédure « Dublin » dans l’attente de la désignation de l’Etat responsable de leur demande, suscite également des craintes. « Il y a une inadéquation entre les missions d’accueil social et les mesures d’ordre public, que les associations refuseront d’appliquer », poursuit-il. « On assiste à un énième renforcement de l’intervention de la puissance publique et de la fragilisation de l’acteur associatif, ce qui conforte un chemin pris depuis dix ans », analyse pour sa part Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile. Gérard Sadik, responsable de la commission « asile » de la Cimade, partage le même constat : « On re-nationalise le dispositif comme avant 1999, quand le dispositif comptait 3 000 places ! » Selon lui, la réforme s’inscrit dans la suite logique de l’évolution du dispositif depuis la circulaire de 1991, prise sous Michel Rocard, qui a privé les demandeurs d’asile de l’accès au marché du travail : « On donne des moyens à l’OFPRA et à la Cour nationale du droit d’asile pour qu’ils statuent plus vite, on crée des places, mais les personnes sont mises en quarantaine sociale ! »

Vigilance sur les procédures accélérées

Non sans émettre plusieurs réserves, Jean-François Ploquin, directeur général de Forum réfugiés-Cosi, relève en premier lieu les avancées du texte : le droit au maintien sur le territoire de tous les demandeurs, quelle que soit la procédure dont ils relèvent, l’extension du recours suspensif, l’amélioration des procédures à la frontière, la révision des modalités de définition des pays d’origine « sûrs », la prise en compte des vulnérabilités dans la procédure, la mise à plat de l’allocation temporaire d’attente (« familiarisée » et sous la responsabilité de l’OFII), l’amélioration de l’accès à l’aide juridictionnelle, ou encore l’accompagnement dans l’emploi et le logement des bénéficiaires d’une protection subsidiaire (pas seulement des réfugiés). « Unifier et rationaliser le dispositif d’accueil est un progrès, mais le présupposé de l’objectif recherché est d’avoir un nombre de places suffisant », estime-t-il également. De même, la répartition géographique des demandeurs « doit prévoir de la souplesse. L’examen de leurs besoins devra notamment tenir compte des facteurs familiaux ou de leur situation sanitaire. »

Autre sujet de vigilance : l’élargissement des cas de procédure accélérée, qui pourra être décidée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides selon des critères liés au contenu de la demande d’asile. « Ce pouvoir donné à l’OFPRA pourrait devenir dangereux s’il n’est pas encadré, explique Jean-François Ploquin. Il faudrait veiller à l’examen de certains critères, comme les déclarations incohérentes », qui pourraient nuire aux demandeurs qui présentent des fragilités. Idem pour les – clôtures de dossier. « Le fait, pour une femme, de quitter son lieu d’hébergement peut révéler une situation de violence conjugale. »

Le texte, une fois finalisé, doit encore être examiné par le Conseil d’Etat avant d’être présenté en conseil des ministres. Son adoption par le Parlement est prévue pour la fin de l’année, tout comme celle de la réforme de l’entrée et du séjour des étrangers en France.

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