« Le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles est inadapté au traumatisme des victimes, inadapté à une procédure douloureuse et complexe », souligne l’exposé des motifs d’une proposition de loi qui le modifie donc. Adoptée par les sénateurs le 28 mai en première lecture, ce texte, porté par les sénatrices (UDI-UC) Muguette Dini (Rhône) et Chantal Jouanno (Paris), s’inscrit dans le cadre du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes pour 2014-2016 (1). Son objectif, a indiqué Muguette Dini lors des débats au Sénat, est ainsi de « donner aux victimes le temps de conscientiser leur traumatisme, le courage de le révéler et la maturité pour assumer les conséquences de cette révélation ». En effet, les traumatismes immédiats et différés des violences sexuelles « expliquent la faible proportion des dépôts de plainte » (2).
La proposition de loi prévoit de porter de 10 à 20 ans le délai de prescription de l’action publique des délits sexuels sur mineur et de 20 à 30 ans celui des crimes sexuels sur mineurs (viols, par exemple), le délai de prescription ne courant qu’à partir de la majorité de l’intéressé dans les deux cas. Lors des débats parlementaires, le rapporteur (PS) du texte, Philippe Kaltenbach, s’est félicité de cette évolution qui « permettrait de mieux répondre aux difficultés rencontrées par les victimes ayant subi une amnésie traumatique puisque, souvent, les traumatismes se révèlent au-delà de l’âge de 40 ans ». Signalons que le délai de prescription de 30 ans devrait également s’appliquer aux délits suivants :
→ violences exercées sur un mineur de 15 ans ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ;
→ agressions sexuelles autres que le viol imposées à une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur ;
→ atteinte sexuelle sur un mineur de 15 ans exercée par un majeur sans violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise.
La secrétaire d’Etat chargée de la famille, Laurence Rossignol, a toutefois émis une réserve sur les évolutions contenues dans ce texte en soulignant lors des débats qu’« il ne faut pas minorer le fait que plus on allonge le délai de prescription, plus les preuves vont être difficiles à rapporter. Il s’agit alors non plus de trouver des preuves matérielles, mais de s’appuyer essentiellement sur des témoignages. Or plus le temps passe, plus il est difficile de recueillir les témoignages. »
(1) Voir ASH n° 2835 du 29-11-13, p. 5.
(2) Selon le rapporteur (PS) du texte au Sénat, Philippe Kaltenbach, « le nombre de condamnations inscrites au casier judiciaire s’établit de 7 000 à 8 000 par an en moyenne ». Un chiffre « nettement inférieur au nombre de faits constatés par la police et la gendarmerie (de l’ordre de 22 000 à 23 000 faits constatés de violences sexuelles répertoriées chaque année) » (Rap. Sén. n° 549, Kaltenbach, 2014, page 9).