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Les tarifs sociaux peinent à trouver leur public, déplore le médiateur de l’énergie

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Même si, pour la première fois en 2013, les ménages en situation de précarité énergétique ont bénéficié d’une trêve hivernale des coupures d’électricité ou de gaz (voir encadré, page 8) – une possibilité offerte par la loi « Brottes » du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre (1) –, cela ne règle pas tous les problèmes puisqu’encore près de 4 millions de foyers étaient touchés par la précarité énergétique, regrette Jean Gaubert, le médiateur national de l’énergie. Et, parmi eux, 2,2 millions bénéficiaient des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz. C’est ce qui ressort du rapport d’activité 2013 de l’institution, rendu public le 3 juin (2), dans lequel elle formule des propositions pour éviter que plus de ménages ne basculent dans la précarité énergétique. Des propositions que Jean Gaubert devrait de nouveau soumettre au gouvernement à l’occasion de la discussion, cet automne, du futur projet de loi sur la transition énergétique.

Soutenir les ménages précaires

Entre 2011 et 2013, le nombre de ménages titulaires du tarif social « électricité » est passé de 650 000 à 1,6 million et celui du tarif social « gaz » de 313 000 à 650 000, pour une dette moyenne de 1 858 € l’année dernière. « On est encore loin du compte par rapport à l’objectif [de 4 millions] », relève le médiateur national de l’énergie. Une situation qui, selon le rapport 2013 de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) (3), s’explique par la complexité de l’attribution des tarifs sociaux, en partie responsable du non-recours à ces aides et de la « longue et coûteuse » montée en charge du dispositif. En outre, bien que la loi « Brottes » ait permis à tous les fournisseurs d’électricité d’accorder le tarif social – et non plus seulement EDF –, « aucun opérateur alternatif n’est en mesure de le faire un an après l’entrée en vigueur de la loi, en attente du feu vert de la Commission nationale de l’informatique et des libertés », déplore Stéphane Mialot, directeur général des services du médiateur.

Par ailleurs, afin de protéger les plus vulnérables, l’institution estime qu’il ne faut « pas limiter la précarité énergétique à des questions d’impayés ou de manque de confort », mais adopter une approche plus globale. Aussi préconise-t-elle d’« aller vers la création d’un véritable “bouclier énergétique”, qui intègre un volet curatif [aide à payer les factures] et un volet préventif [amélioration de l’efficacité énergétique du logement] ». Bouclier dont la création était, rappelons-le, prévue dans la loi « Brottes » mais qui a été censurée par le Conseil constitutionnel et que l’ADEME a remis à l’ordre du jour.

Prévenir la précarité énergétique

L’année dernière, le nombre de litiges soumis au médiateur national de l’énergie a augmenté de 25 % par rapport à 2012, année où ils avaient baissé. Le temps moyen de traitement d’un litige recevable était de 68 jours. La plateforme Internet de règlement amiable des litiges (dite « Sollen »), mise en place au dernier trimestre 2013, connaît, elle, des « premiers résultats prometteurs », estime Jean Gaubert : 182 dossiers ont été traités dans un délai moyen de 42 jours (4). Problème: de nombreux consommateurs se sont vu réclamer des rattrapages de factures dont le montant moyen était de 2 300 €, la durée moyenne de ce rattrapage pour les particuliers étant de 25 mois. « Pour les ménages modestes, c’est le risque de rencontrer de grandes difficultés pour boucler leur budget, voire de basculer dans la précarité », pointe le médiateur, qui suggère donc de « limiter le rattrapage des factures d’énergie à un an ».

Autre mesure pour soutenir les ménages modestes, recommandée par Jean Gaubert : « créer un service de fourniture de dernier recours, simple et à un coût maîtrisé pour la collectivité, afin d’assurer une alimentation minimale en énergie pour tous ». En effet, explique le médiateur, lorsque les consommateurs ne paient pas leurs factures, leurs contrats d’électricité ou de gaz peuvent être résiliés à l’initiative du fournisseur, puis coupés. Il leur est alors « très difficile de souscrire un nouveau contrat chez un autre opérateur, ces derniers se montrant peu enclins à recruter des clients en difficulté de paiement ». En outre, souligne le médiateur, « le développement de la concurrence sur le marché de l’énergie, plus soutenu depuis 2013, pourrait conduire à une multiplication de ces situations ».

Soutenu par l’ADEME, Jean Gaubert réitère aussi sa proposition d’instaurer un « chèque énergie », une aide financière qui serait accordée dans toutes les situations où les tarifs sociaux sont structurellement inopérants (par exemple, lorsque le bénéficiaire n’est pas chauffé au gaz naturel) ou présentent des limites opérationnelles (par exemple, lorsque le contrat électricité du titulaire n’est pas retrouvé en cas de déménagement).

Le médiateur revient également dans son rapport sur la création de compteurs prépayés pour l’électricité et le gaz, envisagée dans le cadre de l’examen de la loi sur la consommation du 17 mars 2014 mais rejetée par les députés. Le principe : équiper les ménages de compteurs à carte rechargeable. Lorsque le crédit est épuisé, le fournisseur coupe l’énergie, les foyers ne consommant ainsi que ce qu’ils sont en mesure d’acheter. Nombre d’associations se sont dressées contre la création de ce compteur à prépaiement – aussi appelé « compteur du pauvre » en Belgique –, critiquant le fait que cela « revient à passer d’une gestion des coupures encadrée à une organisation de l’auto-privation », rapporte le médiateur. Pourtant selon lui, ce système pourrait « avoir des vertus pédagogiques, en incitant à mieux maîtriser sa consommation ». Toutefois, prévient-il, il ne doit pas conduire à facturer l’énergie plus chère et à stigmatiser les ménages les plus modestes en leur étant uniquement destiné.

BILAN PLUTÔT POSITIF POUR LA TRÊVE HIVERNALE DE L’ÉNERGIE

Depuis le vote de la loi « Brottes » du 15 avril 2013, les fournisseurs d’énergie ne peuvent plus interrompre la fourniture d’électricité et de gaz des particuliers pour non-paiement des factures entre le 1er novembre et le 15 mars. Une trêve exceptionnellement prolongée, cette année, jusqu’au 31 mars pour les titulaires d’un tarif social d’énergie pour la calquer sur la trêve hivernale des expulsions locatives (5). Si le médiateur national de l’énergie salue cette initiative, il invite le gouvernement, dans sa lettre bimensuelle (6), à instaurer une « cohérence complète, inscrite dans la loi, pour tous les consommateurs ». En tout cas, « le principal est que la trêve hivernale n’a pas engendré d’effet d’aubaine pour les “mauvais payeurs” », souligne Jean Gaubert. Ainsi, dans les jours suivant la fin de la trêve, il y a eu environ 60 000 coupures d’électricité ou de gaz » et 87 000 limitations de puissance d’électricité effectuées. Par comparaison, le médiateur rappelle que 580 000 coupures et réductions de puissance ont été effectuées en 2012 pour plus d’un million de demandes. « La flambée n’est donc pas au rendez-vous. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2802 du 22-03-13, p. 37 et n° 2806 du 19-04-13, p. 29.

(2) Disponible sur www.energie-mediateur.fr.

(3) Voir ASH n° 2821 du 23-08-13, p. 8.

(4) 54 % de ces dossiers ont été relayés à un fournisseur afin de trouver une solution et 36 % ont fait l’objet d’une recommandation.

(5) Voir ASH n° 2852 du 21-03-14, p. 6.

(7) La lettre du médiateur national de l’énergie n° 19 – Mai-juin 2014 – Disponible sur www.energie-mediateur.fr.

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