Le « plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes », présenté par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, le 23 avril dernier en conseil des ministres et qui vise essentiellement à empêcher de jeunes Français de quitter le territoire pour basculer dans l’engagement radical violent, prend corps après la diffusion, ces derniers jours, de deux instructions. La première, signée par Bernard Cazeneuve et par la ministre de la Justice, Christiane Taubira, met en place une nouvelle mesure administrative permettant aux titulaires de l’autorité parentale de faire opposition, sans délai, à la sortie de France de leur enfant lorsqu’ils craignent « que celui-ci n’envisage de partir à l’étranger, notamment sous l’influence de mouvements radicaux armés ». Signée par le seul pensionnaire de la Place Beauvau, la seconde instruction s’attache, quant à elle, à mettre en place un dispositif de prévention et d’accompagnement à destination des familles auquel les acteurs sociaux sont appelés à prendre part. Coup de projecteur sur ce texte.
Bernard Cazeneuve entend d’abord permettre aux familles de signaler les comportements de radicalisation, à travers la mise en place d’un numéro national d’assistance et d’orientation (0800 005 696) accessible du lundi au vendredi de 9 heures à 17 heures, mais aussi via une page Web dédiée, accessible depuis le site Internet du ministère de l’Intérieur, sur laquelle les familles peuvent signaler les cas individuels et demander un accompagnement spécifique.
Passé ce filtrage, les signalements avérés sont adressés aux préfets, qui doivent aviser le procureur de la République. « Cet avis lui permettra notamment d’envisager la mise en œuvre de mesures d’assistance éducative lorsqu’il s’agit de mineurs », précise le ministre. Les préfets sont invités ensuite, avec l’accord du procureur, à informer le maire de la commune concernée en vue de la mise en place d’actions d’accompagnement et de prévention à destination des jeunes concernés, « dans une approche qui intègre la cellule familiale ». Une orientation vers un mode de prise en charge adapté des familles et des jeunes repérés devra alors être organisée.
Le ministre demande aux représentants de l’Etat de s’appuyer « sur les compétences locales existantes » – police, gendarmerie, protection judiciaire de la jeunesse, Education nationale, Pôle emploi, mission locale… –, mais aussi sur les collectivités territoriales « qui disposent des compétences et des ressources en matière d’accompagnement social ». « Le réseau associatif – et notamment les associations familiales – est évidemment un acteur essentiel de la démarche », précise l’instruction. De plus, les préfets pourront « utilement » s’appuyer sur les actions prévues par le programme prioritaire en direction des jeunes exposés à la délinquance (1), qui prévoit notamment la mise en place de parcours individualisés de réinsertion incluant la désignation d’un référent issu du travail social.
Des actions concrètes devront être proposées aux jeunes ainsi repérés « afin de les sortir du processus de radicalisation dans lequel ils sont inscrits ». Des outils comme les chantiers et séjours éducatifs, les parcours citoyens ou bien encore l’Etablissement public d’insertion de la Défense pourront être mobilisés à cet effet, précise le ministre.
Bernard Cazeneuve souhaite que, parallèlement, le soutien nécessaire soit apporté aux familles confrontées à ces situations. Et demande aux préfets de se rapprocher notamment des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents de leur département, portés par des associations ou les caisses d’allocations familiales dans le cadre de la politique de soutien à la parentalité. Les intervenants sociaux placés auprès de certains services de police et de gendarmerie ainsi que les associations d’aide aux victimes pourront aussi être sollicités.
L’instruction annonce la mise en place d’un comité de pilotage national du dispositif. Il aura notamment pour tâche de recenser et diffuser les bonnes pratiques. Par ailleurs, des « actions de formation spécialisées » seront prochainement organisées à destination des « acteurs locaux chargés de l’accompagnement des familles et de la réinsertion des jeunes concernés ».