Un hymne aux corps « différents », c’est ce que propose le photographe Jérôme Deya dans l’exposition A mon corps dérangeant, présentée à Paris à la galerie Fait et Cause. Ce travail photographique est l’un des deux lauréats de la quatrième édition du concours Sophot, qui récompense chaque année des reportages sur des thèmes sociaux ou environnementaux. « Les gens qui ne sont pas comme moi m’intéressent, témoigne Jérôme Deya. Mon travail se nourrit de cette différence, de cette dissemblance. J’utilise la photo pour les rencontrer, les connaître et tenter de les faire connaître. » Alors il a rencontré Alex, qui ne se déplace qu’en fauteuil roulant (1), Mickaël, qui souffre de la maladie des os de verre, Aurélie, infirme moteur cérébral, Daniel, atteint de l’ataxie de Friedreich, maladie génétique qui entraîne des pertes de réflexes et une déviation importante de la colonne vertébrale, ou encore François, myopathe. Tous ont confié leur intimité à l’artiste, se laissant photographier déshabillés et dans des moments de tendresse avec leur partenaire. Les poses sont sensuelles, érotiques même. Rencontres passagères ou relations durables, ce reportage montre des corps qui se touchent, unis, amoureux. Parmi les couples immortalisés, un homme handicapé et son assistante sexuelle. Prise aux Pays-Bas, cette image apporte un éclairage distinct « qui n’exclut en rien tendresse et attention ».
L’objectif du photographe était de lutter contre un tabou, celui de la sexualité des personnes handicapées. Alors en montrant des corps tordus, fragiles, souffrant, qui expriment néanmoins des émotions, il veut prouver que l’on peut, quels que soient son apparence, son handicap, vivre « une vie amoureuse tout à fait normale ». Jérôme Deya sait que les visiteurs seront troublés dans un premier temps par ses photos. Il espère néanmoins que, passé outre les modèles établis et les préceptes « vertueux », ceux-ci réalisent qu’ils sont « tellement semblables » à ces personnes aux « corps dérangeants ».
A mon corps dérangeant
Jérôme Deya – Du 4 juin au 19 juillet, à la galerie Fait et Cause – 58, rue Quincampoix, 75004 Paris – Entrée libre
(1) Le reportage Je marcherai jusqu’à la mer de Stéphanie Pillonca-Kervern est consacré à cette femme – Voir ASH n° 2803 du 29-03-13, p. 37.