Quelques semaines après en avoir fait la demande par courrier, le collectif Alerte a été reçu le 22 mai par le Premier ministre, Manuel Valls. Première préoccupation abordée par la délégation, composée de représentants d’ATD quart monde, du Coorace, de la Croix-Rouge, d’Emmaüs France, de la Fondation Abbé-Pierre, de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale), de Médecins du monde, du Secours catholique et de l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) : la mise en œuvre du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.
Dans le cadre du plan d’économies de 50 milliards d’euros, la revalorisation du montant du revenu de solidarité active (RSA) « socle » en octobre prochain avait failli être remise en cause. « Les associations ont noté avec satisfaction l’engagement du Premier ministre d’appliquer l’intégralité du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et de respecter le rythme prévu de sa mise en œuvre », ont-elles fait savoir dans un communiqué diffusé à l’issue de l’audience. Les membres du collectif ont néanmoins rappelé leur souhait de voir rapidement aboutir la réforme du RSA « activité », par la fusion du dispositif avec la prime pour l’emploi, ainsi que l’a préconisée le rapport du député Christophe Sirugue (PS). Une option que ne reprend pas à son compte le groupe de travail sur la fiscalité des ménages, rendu public le 19 mai (1). D’après la réponse du Premier ministre aux représentants associatifs, « la porte n’est pas fermée, mais nous ne savons pas dans quel sens vont aller les arbitrages. Nous avons rappelé que les mesures fiscales et d’allégement de charges en faveur des ménages modestes sont positives, mais qu’elles ne touchent pas les plus précaires », précise Louis Gallois, président de la FNARS.
Reste encore le gel du montant de l’aide personnalisée au logement (APL), « qui va toucher plus de six millions de foyers », souligne le collectif, et la trop lente montée en charge de la « garantie jeunes ». « A la fin de l’année 2014, il y aurait plutôt 10 000 jeunes bénéficiaires du dispositif, au lieu des 30 000 annoncés », précise François Soulage, président du Secours catholique et du collectif Alerte (2). Selon lui, l’atteinte de cet objectif, la réforme du RSA « activité » et le dégel de l’APL nécessiteraient à tout le moins de débloquer « 1,5 milliard d’euros ». Ce qui implique, en période de restrictions, des choix politiques ambitieux en faveur des plus fragiles.
Les associations s’inquiètent également du manque de places d’hébergement et de logements accessibles aux ménages très modestes. Elles ont demandé, de nouveau, une loi de programmation pluriannuelle de logements sociaux et très sociaux. Autre sujet de vigilance : le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, attendu pour la fin juin en conseil des ministres et qui, selon les associations, « organise une suspicion généralisée à l’égard des demandeurs d’asile et place l’hébergement et l’action sociale [liés à] leur accueil sous le contrôle exclusif du ministère de l’Intérieur et des forces de police ». Le texte, dont une version non définitive a commencé à filtrer, encadre en effet strictement les conditions d’hébergement des demandeurs d’asile en renforçant le rôle de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, ainsi que des préfets. Il prévoit aussi l’assignation à résidence, dans des lieux dédiés, des déboutés qui ont fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire.
Le collectif Alerte a, par ailleurs, demandé l’organisation, lors de la conférence sociale de juillet prochain, d’une table ronde sur l’accès à l’emploi des chômeurs de longue durée et des personnes en situation de précarité. Son objectif est de déboucher sur la négociation d’un accord interprofessionnel sur le sujet. Les associations souhaitent, dans cette perspective, être représentées à la conférence sociale pour faire valoir leurs positions en matière d’accès à la formation, de soutien à la création d’emplois et d’intégration des demandeurs d’emploi de longue durée dans les entreprises. Sur ce sujet, « le Premier ministre a enregistré notre demande », indique Louis Gallois. François Soulage prévoit, « en tant que président du collectif Alerte, d’écrire aux cinq organisations syndicales représentatives pour leur demander d’organiser cette table ronde ».
(1) Voir ASH n° 2861 du 23-05-14, p. 5.
(2) Le conseil d’administration de l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) lui a confié, le 14 mai, la présidence de la commission Lutte contre les exclusions de l’organisation, soit du « collectif Alerte ». François Soulage succède à cette fonction à Dominique Balmary, président de l’Uniopss, qui a souhaité passer la main après l’avoir occupée pendant deux ans.