Après le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui avait souscrit en novembre dernier à la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel (1), la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) vient de rendre public un avis (2) également favorable à ce texte, qui a été adopté à l’Assemblée nationale en première lecture en décembre dernier (3) et est actuellement en cours d’examen au Sénat.
Alors qu’elle a été nommée « rapporteur national indépendant sur la traite des êtres humains », dans le cadre du plan d’action gouvernemental 2014-2016 (4), la CNCDH se félicite, en premier lieu, « de l’attention toute particulière portée à la traite des êtres humains » dans cette proposition de loi, dont elle s’est saisie et qu’elle précise avoir examinée « en s’attachant à prendre en compte la complexité et la diversité des phénomènes prostitutionnels, d’exploitation et de traite ». Elle invite d’ailleurs le législateur à faire de même pour « apporter les réponses les plus adéquates ».
Alors qu’elle se dit, dans un communiqué, « convaincue de la pertinence d’une approche abolitionniste », l’instance estime dans son avis, adopté en assemblée plénière le 22 mai, que « la proposition de loi, qui introduit des mesures répressives (interdiction de l’achat d’un acte sexuel, pénalisation des clients de personnes prostituées) et vise la suppression de la prostitution, paraît s’inscrire dans une logique plus prohibitionniste qu’abolitionniste ». Elle adhère en revanche au volet social de la proposition de loi, « qui tend à assurer à toute personne prostituée l’accompagnement adéquat garantissant à chacun la jouissance des droits reconnus à tous », qu’elle distingue donc du volet répressif du texte soumis aux parlementaires.
A cet égard, la CNCDH salue notamment « l’intention du législateur d’adapter le cadre juridique de la lutte contre la traite et l’exploitation aux évolutions récentes que connaît ce type de criminalité », mais regrette qu’il n’aille pas plus loin sur certains points. Elle recommande ainsi, en particulier, « un renforcement de la lutte contre la traite et l’exploitation des mineurs » alors que la proposition de loi reste muette en la matière, et s’interroge sur « la rareté des poursuites et des condamnations dans le cas de recours à la prostitution d’un mineur » alors que, a contrario, lorsque les adolescents concernés « sont appréhendés par la police ou pris en charge par les services sociaux, ils sont souvent traités comme des délinquants par certains enquêteurs », aux dires des associations.
Par ailleurs, si la commission se félicite de l’abrogation du délit de racolage public, qui plaçait les personnes prostituées « dans une situation de délinquance », elle considère toutefois que les dispositions visant à interdire et à sanctionner l’achat d’un acte sexuel « posent problème à plus d’un titre ». « La pénalisation du client aura nécessairement des répercussions sur la personne prostituée », juge en effet la CNCDH, et risque d’être « contre-productive » en reléguant cette activité « vers des lieux plus reculés et donc plus dangereux », avec pour effets, entre autres, des difficultés pour les acteurs médico-sociaux à accéder aux personnes et « une plus grande défiance vis-à-vis des forces de l’ordre et donc un moindre réflexe d’y recourir en cas de violence subie ».
Sur le volet accompagnement social, enfin, un certain nombre de propositions « constituent de réelles avancées », relève l’instance consultative, en évoquant par exemple le droit à indemnisation par la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, les dispositions relatives à l’anonymat, à l’hébergement ou à une identité d’emprunt pour protéger les victimes pendant les procédures judiciaires, ou encore la possibilité d’obtenir un titre de séjour sans condition de dénonciation des exploiteurs. Mais au parcours de sortie de la prostitution prévu dans la proposition de loi, elle préférerait « un projet d’insertion sociale et professionnelle, qui devrait mettre en avant la dimension d’accompagnement individualisé et devrait faire de la personne accompagnée un acteur à part entière de sa construction et de sa mise en œuvre ».
(1) Voir ASH n° 2832 du 8-11-13, p. 8.
(2) Disponible sur
(3) Voir ASH n° 2837 du 13-12-13, p. 5.
(4) Voir ASH n° 2860 du 16-05-14, p. 5.