L’Observatoire national de l’enfance en danger vient de publier une étude consacrée aux unités d’accueil médico-judiciaire (UAMJ), qui ont pour objet de prendre en charge les enfants victimes de violences sexuelles et/ou physiques et de recueillir leur parole (1). L’ONED rappelle que ce dispositif est « particulier » à plusieurs titres: il relie de nombreuses institutions (ministères de la Justice, de l’Intérieur, de la Santé, conseils généraux, associations), « voit se côtoyer et travailler de concert de nombreux professionnels » (enquêteurs, médecins, travailleurs sociaux, spécialistes de l’enfant…), fait appel à de nombreuses compétences techniques (maîtrise de l’entretien avec un enfant dans un but probatoire, respect des règles de procédure pénale, évaluation médico-psychologique…) et, enfin, « mêle des notions aussi disparates mais complémentaires que celles d’“enfant victime”, d’“enfant souffrant”, d’“enfant usager” et de “services publics” ».
L’étude met en évidence la très grande diversité des UAMJ, tant sur le plan structurel et organisationnel que sur celui des acteurs et des missions. Cette diversité structurelle se traduit à différents niveaux, des conventions originelles aux fonctionnements des unités en passant par leurs appellations (le terme UAMJ n’a en effet pas d’existence légale). S’il est apparu difficile de dresser un profil type de ces unités « tant les différences locales sont importantes », l’ONED a cependant distingué trois grandes catégories qui, sans recouvrir l’ensemble des possibilités, reflètent celles qui ont été observées le plus souvent :
→ un premier groupe « juridico-judiciaire » constitué d’unités dont « la mission consiste à répondre exclusivement à l’autorité judiciaire » ;
→ un deuxième groupe « intermédiaire » avec des UAMJ dont la mission « va au-delà » (aide à l’audition ou à l’enquête, évaluation, orientation ou soins) ;
→ un troisième groupe « protection de l’enfance » avec des structures qui ont des missions très larges et qui, « de fait, sont devenues un outil au service de la protection de l’enfance en assurant des consultations hors réquisition judiciaire et en participant à l’aide ou au diagnostic de la maltraitance ou à une meilleure connaissance des enfants en danger ».
L’ONED estime que ce dispositif, dont la grande force « semble reposer sur la pluridisciplinarité autour de la prise en charge de l’enfant dans le cadre d’une procédure judiciaire », pourrait être mieux utilisé, mais que « l’absence de réglementations plus directives et le manque de pilotage, tant local que national, ne permettent pas toujours de garantir un maillage équitable du territoire et mettent en danger financièrement des structures qui semblent pourtant faire leurs preuves ».
L’ONED émet donc plusieurs recommandations « dans l’intérêt de l’enfant victime ». Sur le plan juridique d’abord, il préconise de donner une existence légale aux UAMJ, d’étendre leur compétence à l’ensemble des mineurs victimes de maltraitance et de réaffirmer le rôle de pilotage du parquet au niveau local. Sur le plan pratique ensuite, il propose notamment d’intégrer et d’articuler les dispositifs de recueil de la parole de l’enfant à celui de la protection de l’enfance, d’identifier un pilotage national du dispositif, d’assurer une couverture totale du territoire national tout en évitant les doublons, de favoriser l’articulation et la coordination des acteurs ou encore de développer des outils communs à destination des professionnels.
L’ONED recommande par ailleurs d’encourager la formation de l’ensemble des professionnels intervenant au sein des UAMJ, « notamment sur le versant du retentissement psychologique sur l’enfant victime », et de développer des actions de communication auprès des professionnels du champ sanitaire et social sur les dispositifs existants et leurs modes d’accès. L’ONED suggère enfin de développer les travaux de recherche scientifique, en particulier concernant la connaissance du public pris en charge dans ces unités et pour connaître leurs effets sur les parcours des enfants victimes.
(1) Considérer la parole de l’enfant victime: étude des unités d’accueil médico-judiciaire – Mai 2014 – Disponible sur