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Une loi renforce les moyens d’action du contrôleur général des lieux de privation de liberté

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Les parlementaires ont définitivement adopté, le 15 mai, une proposition de loi (PS) renforçant les moyens d’action du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), autorité administrative indépendante chargée de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux. Le texte permet ainsi de « conforter et de renforcer cette institution qui, en six ans d’exercice, a apporté la preuve incontestable de son utilité et de sa légitimité en tant qu’autorité indépendante », a indiqué la garde des Sceaux, dans un communiqué du même jour. Le contrôleur est devenu « un partenaire à part entière du ministère la Justice, en conciliant efficacement nécessité de punir et volonté de réintégrer », a souligné Christiane Taubira.

Contrôle des mesures d’éloignement

A l’heure actuelle, il n’existe pas de contrôle indépendant du respect des droits fondamentaux des personnes étrangères pendant les phases de transferts forcés vers le pays de destination, une fois passées les portes du centre de rétention administrative (CRA). La loi remédie à cette lacune en confiant au CGLPL, déjà compétent pour contrôler le respect des droits fondamentaux dans les CRA, le contrôle de l’exécution de l’ensemble de la mesure d’éloignement, jusqu’à la remise de l’intéressé aux autorités de l’Etat de destination. Concrètement, précise la rapporteure (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, Laurence Dumont, cette disposition permettra au contrôleur général de « s’assurer, dans les moyens de transport utilisés pour reconduire les étrangers hors de France, qu’aucune atteinte n’est portée à leurs droits fondamentaux, en particulier à leur intégrité physique et à leur dignité » (Rap. A.N. n° 1832, Dumont, 2014, page 48). Lors de son audition devant les députés, Jean-Marie Delarue, à la tête de l’institution jusqu’à la fin juin, a attiré l’attention sur le fait que « la mise en œuvre concrète de cette nouvelle disposition supposait la définition de modalités pratiques d’information entre le ministère de l’Intérieur et lui-même, afin de lui permettre d’être informé suffisamment à l’avance de l’organisation des retours d’étrangers, tout en garantissant le caractère inopiné du contrôle » (Rap. A.N. n° 1832, Dumont, 2014, page 49) (1).

Clarification des conditions d’exercice

Au-delà, la loi clarifie le cadre juridique des enquêtes menées par le CGLPL et ses contrôleurs délégués, permettant ainsi de consacrer les pratiques qu’ils ont pu développer. Ainsi, lorsqu’une personne physique ou morale porte à la connaissance du contrôleur général des faits ou des situations (2), elle doit lui indiquer, après avoir mentionné ses identité et adresse, les motifs pour lesquels, à ses yeux, une atteinte ou un risque d’atteinte aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté est constitué. Si ces faits relèvent de ses attributions, il peut procéder à des vérifications, éventuellement sur place. A l’issue de ces vérifications, et après avoir recueilli les observations de toute personne intéressée, il peut formuler des recommandations relatives aux faits ou aux situations en cause à la personne responsable du lieu de privation de liberté. Observations et recommandations qui peuvent être rendues publiques, sous réserve de n’y faire figurer aucune information couverte par le secret professionnel ni aucune mention permettant l’identification des personnes concernées.

Dans ce cadre, réaffirme le texte, les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne peuvent s’opposer aux vérifications sur place effectuées par les équipes du contrôleur général que pour des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans le lieu visité, sous réserve de leur fournir les justifications de leur opposition. Elles doivent alors proposer le report de ces vérifications sur place ou de ces visites. Et, dès que les circonstances exceptionnelles ayant motivé le report ont cessé, en informer le CGLPL. Lors de ses visites, le contrôleur général doit pouvoir obtenir des autorités responsables du lieu de privation de liberté ou – c’est nouveau – de toute personne susceptible de l’éclairer toute information ou pièce utile à l’exercice de sa mission. Ce, dans les délais qu’il aura fixés. Il peut aussi s’entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité de leurs échanges, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire et recueillir toute information qui lui paraît utile (3). En l’occurrence, le contrôleur général peut désormais, sauf lorsqu’ils sont relatifs aux auditions des personnes, accéder aux procès-verbaux concernant les conditions dans lesquelles une personne est ou a été retenue, quel qu’en soit le motif, dans des locaux de police, de gendarmerie ou de douane (4).

La loi précise en outre que le caractère secret des informations et pièces dont il demande communication ne peut plus à l’avenir lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l’Etat, au secret de l’enquête et de l’instruction ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client. Dans ce cadre, les informations couvertes par le secret médical peuvent dorénavant être communiquées, avec l’accord de la personne concernée, aux contrôleurs ayant la qualité de médecin. Elles peuvent aussi l’être même sans son consentement lorsque ces informations sont relatives à des privations, sévices et violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou sur une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique. Selon la rapporteure (PS) de la loi au Sénat, Catherine Tasca, cette disposition devrait permettre au contrôleur général d’effectuer sa mission de contrôle plus efficacement, notamment dans les établissements psychiatriques dans lesquels sont hospitalisées des personnes sans leur consentement (Rap. Sén. n° 286, Tasca, 2014, page 32).

Amélioration du dialogue avec les autorités compétentes

A l’issue de chaque visite, le CGLPL fait connaître aux ministres intéressés ses observations concernant en particulier l’état, l’organisation ou le fonctionnement du lieu visité, ainsi que la condition des personnes privées de liberté, « en tenant compte de l’évolution de la situation depuis sa visite », précise désormais la loi. Ce qui « permettra, dans les cas où le délai entre la visite et la transmission des observations aura été relativement long, que les éléments portés à la connaissance des ministres correspondent à la situation actuelle », explique la rapporteure à l’Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 1832, Dumont, 2014, page 70). En outre, le texte impose aux ministres de formuler des observations en réponse au rapport du contrôleur dans le délai qu’il leur impartit et qui ne peut être inférieur à un mois.

Au-delà, la loi prévoit que le procureur de la République – lorsqu’il aura été informé par le contrôleur général de faits pouvant constituer une infraction pénale – et les autorités ou les personnes investies du pouvoir disciplinaire – lorsqu’il les aura saisies de faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires – doivent dorénavant informer le CGLPL des suites données à ses démarches. Une disposition qui permettra à l’institution de « mieux mesurer l’efficacité de son contrôle et la portée des réponses données par [le ministère de] la Justice et l’administration aux manquements constatés », souligne Laurence Dumont (Rap. A.N. n° 1832, Dumont, 2014, page 72).

Sanction en cas d’entrave

La loi punit désormais de 15 000 € d’amende le fait d’entraver la mission du contrôleur général :

→ soit en s’opposant au déroulement des vérifications sur place et des visites ;

→ soit en refusant de lui communiquer les informations ou les pièces nécessaires aux vérifications ou aux visites, en dissimulant ou en faisant disparaître lesdites informations ou pièces ou en altérant leur contenu ;

→ soit en prenant des mesures destinées à faire obstacle, par menace ou voie de fait, aux relations que toute personne peut avoir avec le CGLPL ;

→ soit en prononçant une sanction à l’encontre d’une personne du seul fait des liens qu’elle a établis avec lui ou des informations ou des pièces se rapportant à l’exercice de sa fonction que cette personne lui a données.

En outre, les parlementaires ont adopté une disposition sanctionnant de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait de contrôler les communications téléphoniques, les correspondances et tout autre moyen de communication entre le CGLPL et les détenus.

Avis sur le bâti des lieux de privation de liberté

Enfin, la loi reconnaît expressément au contrôleur général le droit d’adresser aux autorités responsables des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté. En effet, souligne Laurence Dumont, « l’action du CGLPL depuis six ans a permis de mettre en évidence l’inadaptation de certains choix architecturaux, de la dimension ou de la localisation de certains établissements de privation de liberté » (5), mais ses avis ont été « jusqu’à présent peu suivis ». Selon la rapporteure à l’Assemblée nationale, la loi devrait ainsi permettre de « donner davantage de poids aux alertes que celui-ci pourra émettre sur les inconvénients, voire les risques, de certains choix que les autorités responsables des projets immobiliers ont faits ou s’apprêtent à faire » (Rap. A.N. n° 1832, Dumont, 2014, page 76).

[Loi à paraître]
Notes

(1) Lors de son audition par la commission des lois de l’Assemblée nationale, Jean-Marie Delarue a toutefois reconnu que « le contrôle susceptible d’être exercé sur les mesures d’éloignement réalisées par voie terrestre ne pourrait, certes, pas être planifié à l’avance, mais qu’il pourrait néanmoins s’exercer de façon effective par des visites dans les locaux de police dans lesquels sont retenues les personnes avant leur reconduite à la frontière » (Rap. A.N. n° 1832, Dumont, 2014, page 50).

(2) Signalons que l’institution peut aussi désormais être saisie par les représentants du Parlement européen élus en France.

(3) Dans ce cadre, la loi punit de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait de sanctionner toute personne ou de lui porter préjudice pour avoir contacté le contrôleur général ou lui avoir fourni des informations ou pièces utiles à l’exercice de sa fonction.

(4) Il peut, par exemple, réclamer les procès-verbaux de déroulement de garde à vue ou encore ceux de retenue pour vérification du droit au séjour d’un ressortissant étranger.

(5) Par exemple, le contrôleur général a, en 2012, pointé l’éloignement des bassins d’emplois des centres et quartiers de semi-liberté, rendant ainsi difficile la mise en œuvre du droit des détenus à un travail ou une formation – Voir ASH n° 2780 du 26-10-13, p. 13.

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