Recevoir la newsletter

Adoption d’une loi accordant plus de droits à la défense dans le cadre des procédures pénales

Article réservé aux abonnés

Le 15 mai, députés et sénateurs ont définitivement adopté un projet de loi portant transposition de la directive européenne 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (1), qui instaure des normes minimales devant être respectées en ce qui concerne le droit des personnes suspectées ou poursuivies à être informées de leurs droits fondamentaux et à avoir accès aux pièces du dossier de la procédure. Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur à compter du 2 juin prochain, sauf exceptions.

Signalons que ce droit à l’information s’appliquera également aux mineurs de 10 à 13 ans faisant l’objet d’une retenue, lorsqu’ils auront commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Pendant l’audition libre

La loi crée un « statut du suspect libre » : elle précise en effet les modalités selon lesquelles les personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction pourront être entendues librement sans être placées en garde à vue, alors que, à ce jour, aucune disposition législative ne garantit les droits de la défense dans ce cadre. Ces dispositions s’appliqueront notamment dans le cadre des enquêtes préliminaires ou de flagrance. Ainsi, la personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne pourra être entendue librement sur ces faits qu’après avoir été informée :

→ de la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ;

→ du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ;

→ le cas échéant, du droit d’être assistée par un interprète (2) ;

→ du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;

→ si l’infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, du droit d’être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation par un avocat (3). En revanche, l’intéressé peut accepter expressément de poursuivre l’audition en dehors de sa présence. Signalons que cette disposition – qui résulte de la volonté du gouvernement d’anticiper la transposition d’une partie de la directive européenne du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat (4) – s’appliquera à compter du 1er janvier 2015 ;

→ de la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit (maison de justice et du droit, par exemple).

Si le déroulement de l’enquête le permet, lorsqu’une convocation écrite est adressée à la personne en vue de son audition, cette convocation doit indiquer l’infraction dont elle est soupçonnée, son droit d’être assistée par un avocat ainsi que les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, les modalités de désignation d’un avocat d’office et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition.

Signalons que l’ensemble de ces dispositions ne sont en revanche pas applicables si la personne a été conduite, sous contrainte, par la force publique, devant un officier de police judiciaire.

La loi distingue désormais clairement l’audition libre d’un témoin, qui peut se transformer en audition d’un suspect libre, et l’audition sous contrainte d’un témoin retenu pendant au plus quatre heures, qui peut se transformer en audition d’un suspect dans le cadre de la garde à vue. Dans tous les cas, la personne concernée doit être informée de ses droits dans les mêmes conditions que le « suspect libre ».

« S’il est évident que la création d’un statut du suspect libre est une avancée dans le cadre du renforcement des droits de la défense, la création d’un droit d’accès à l’avocat comme la transposition de l’ensemble des objectifs de la directive 2013/48/UE d’ici à 2016 aura des conséquences importantes sur l’organisation de l’enquête pénale ainsi que sur les finances publiques » (5), souligne la rapporteure (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, Cécile Untermaier (Rap. A.N. n° 1895, Untermaier, 2014, page 56). Afin d’anticiper ces conséquences, rappelons que la garde des Sceaux a, en février dernier, missionné le procureur général Jacques Beaume pour plancher sur l’architecture de l’enquête pénale, dont les conclusions sont attendues pour le mois de juin prochain.

Lors de la garde à vue

Actuellement, le droit français de la garde à vue est conforme aux exigences communautaires, si bien que les modifications introduites par la loi sont des « améliorations à la marge du droit en vigueur », explique le rapporteur (PS) de la loi au Sénat, Jean-Pierre Michel (Rap. Sén. n° 380, Michel, 2014, page 44). Ainsi, à compter du 2 juin prochain, la personne placée en garde à vue devra être immédiatement informée par un officier de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend :

→ de son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet (sans changement) ;

→ de la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des mêmes droits que le suspect libre décrits ci-dessus ;

→ du droit :

– au besoin, d’être assistée par un interprète,

– de consulter, dans les meilleurs délais, et au plus tard avant l’éventuelle prolongation de la garde à vue, les pièces de son dossier (procès-verbal de notification de placement en garde à vue, procès-verbal d’audition, certificat médical),

– de demander la fin de sa garde à vue au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge des libertés et de la détention lorsqu’il se prononce sur la prolongation de la mesure (6).

L’ensemble de ces droits sera en outre repris dans un document qui sera remis à l’intéressé lors de la notification de sa garde à vue.

En cas de procédure disciplinaire à l’encontre des détenus

La loi précise que le décret devant définir le régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté doit aussi déterminer les conditions dans lesquelles le dossier de la procédure disciplinaire sera mis à leur disposition et celles dans lesquelles l’avocat, ou l’intéressé s’il n’est pas assisté d’un avocat, peut prendre connaissance de tout élément utile à l’exercice des droits de la défense (par exemple, des enregistrements de vidéo-surveillance), sous réserve d’atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes. Pour les députés, en effet, « un procès disciplinaire doit être entouré de garanties aussi importantes que possible, puisque l’administration y cumule les fonctions de poursuite et de jugement. Il importe donc que les détenus puissent faire appel aux éventuelles preuves, afin d’établir précisément les faits et la culpabilité » (Rap. A.N. n° 1895, Untermaier, 2014, pages 99-100).

[Loi à paraître]
Notes

(1) Voir ASH n° 2758 du 4-05-12, p. 14.

(2) Ce droit a été introduit par la loi du 5 août 2013 – Voir en dernier lieu ASH n° 2831 du 1-11-13, p. 35.

(3) L’intéressé doit alors être informé que les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, qui lui sont rappelées par tout moyen.

(4) Transposition qui doit intervenir au plus tard en décembre 2016 – Voir ASH n° 2814 du 14-06-13, p. 43.

(5) Selon l’étude d’impact du projet de loi initial, le surcoût de l’aide juridictionnelle a été évalué entre 13 et 30 millions d’euros et le financement de l’accès gratuit à des conseils juridiques entre 0,5 à 1,3 million d’euros (Rap. A.N. n° 1895, Untermaier, 2014, page 57).

(6) Si l’intéressé n’est pas présenté devant le magistrat, il peut faire connaître oralement ses observations dans un procès-verbal d’audition qui sera communiqué au juge avant qu’il ne prenne sa décision.

Veille juridique

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur