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La loi « ALUR »Accès à l’hébergement et au logement – Prévention des expulsions (suite et fin)

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Nous achevons la présentation du volet « action sociale » de la loi du 24 mars 2014 avec, notamment, l’amélioration de la prévention des expulsions locatives, la réforme de la domiciliation des personnes sans domicile stable et la participation des usagers au sein des structures d’hébergement.
IV. L’AMÉLIORATION DE LA PRÉVENTION DES EXPULSIONS

Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du 21 janvier 2013 (1) a identifié deux axes d’amélioration de la prévention des expulsions locatives. Il s’agit, d’une part, de traiter les impayés le plus en amont possible et, d’autre part, de renforcer le rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) et d’assurer une meilleure articulation avec les fonds de solidarité pour le logement. La loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové – dite loi « ALUR » – propose plusieurs évolutions législatives en ce sens.

A. Le traitement des impayés plus en amont (art. 27 de la loi)

1. LE SIGNALEMENT DE L’IMPAYÉ À LA CCAPEX

A compter du 1er janvier 2015, l’huissier de justice devra obligatoirement signaler à la CCAPEX les commandements de payer délivrés pour le compte des bailleurs personnes physiques et les sociétés civiles à caractère familial (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, art. 24 modifié).

Afin de ne pas engorger les CCAPEX de l’ensemble des commandements de payer, un seuil sera défini selon un montant minimal d’impayés pour déclencher cette transmission. Le préfet du département fixera, par arrêté, le montant et l’ancienneté de la dette au-delà desquels les commandements de payer sont signalés à la CCAPEX. Ce signalement pourra être fait par simple lettre reprenant les éléments essentiels du commandement ou par voie électronique, selon des modalités fixées par décret. Le préfet ne pourra prendre son arrêté qu’après avis du comité responsable du plan départemental d’action pour l’hébergement et le logement des personnes défavorisées ainsi que de la chambre départementale des huissiers de justice (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, art. 24 modifié).

Par ailleurs, toujours à compter du 1er janvier 2015, les bailleurs personnes morales – à l’exception des sociétés civiles immobilières (SCI) familiales – auront l’obligation de saisir la CCAPEX au moins 2 mois avant de faire délivrer une assignation aux fins de constat de résiliation du bail, sous peine d’irrecevabilité de celle-ci (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, art. 24 modifié). Auparavant, l’obligation de saisine d’une autorité publique avant l’assignation ne concernait que les bailleurs sociaux pour leurs locataires bénéficiaires des aides au logement. La saisine – qui pourra s’effectuer par voie électronique, selon des modalités fixées par décret – sera réputée constituée « lorsque persistera une situation d’impayés, préalablement signalée dans les conditions réglementaires aux organismes payeurs des aides au logement en vue d’assurer le maintien du versement des aides » (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, art. 24 modifié).

Enfin, à peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation du bail devra, à compter du 1er janvier 2015, être notifiée au préfet à la diligence de l’huissier de justice, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au moins 2 mois avant l’audience, afin qu’il saisisse l’organisme compétent désigné par le plan départemental d’action pour l’hébergement et le logement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l’offre globale de services d’accompagnement vers et dans le logement. Cette saisine pourra s’effectuer par voie électronique, selon des modalités fixées par décret. L’organisme saisi réalisera un diagnostic social et financier – lequel se substitue à l’enquête sociale – au cours duquel le locataire et le bailleur seront mis en mesure de présenter leurs observations, et le transmettra au juge avant l’audience, ainsi qu’à la CCAPEX (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, art. 24 modifié). Auparavant, la saisine des services sociaux par le préfet et de la CCAPEX en vue de la réalisation d’une « enquête sociale » au stade de l’assignation pour impayés de loyers n’était pas systématique.

2. LE TRAITEMENT DE L’IMPAYÉ PAR LES ORGANISMES PAYEURS DES AIDES AU LOGEMENT

Pour mieux détecter les situations d’impayés, la loi prévoit désormais que, si l’allocataire d’une aide personnelle au logement ne règle pas la part de la dépense de logement restant à sa charge, le bailleur ou le prêteur auprès duquel l’aide est versée devra signaler cet état de fait à l’organisme payeur dans des conditions qui seront définies par décret. Par ailleurs, dans des délais qui seront également déterminés par décret, le bailleur auprès duquel l’aide est versée devra également signaler le déménagement de l’allocataire et la résiliation de son bail (code de la construction et de l’habitation [CCH], art. L. 351-12 modifié). En cas d’absence de transmission de ces informations, le bailleur s’exposera à une pénalité d’un montant au plus égal à 2 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale (code de la sécurité sociale [CSS], art. L. 553-4 modifié).

Afin, par ailleurs, de prévenir les expulsions en cas d’impayés de loyers, la loi met en place un dispositif visant à maintenir les aides personnelles au logement pour les allocataires qui ne sont pas en mesure de régler la part de la dépense de logement restant à leur charge. La décision appartiendra à l’organisme payeur, qui devra se déterminer suivant des modalités qui seront fixées par décret. Pour les allocataires de bonne foi et dans des conditions qui seront également précisées par décret, cette décision de maintien du versement de l’aide sera réputée favorable (CCH, art. L. 351-14 modifié ; CSS, art. L. 542-2-1 et L. 831-2-1 nouveaux).

3. L’EXTENSION DES DÉLAIS DE PAIEMENT

Par dérogation au délai de 2 ans prévu à l’article 1244-1 du code civil, la loi « ALUR » donne au juge judiciaire saisi d’une demande de résiliation du bail la possibilité d’accorder, même d’office, des délais de paiement dans la limite de 3 années au locataire en situation de régler sa dette locative. Une telle décision suspendra les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, art. 24 modifié).

Le juge peut en outre vérifier d’office tout élément constitutif de la dette locative ainsi que le respect de l’obligation, imposée au bailleur, de « remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation » (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, art. 24 modifié).

B. Le renforcement du rôle des CCAPEX

1. LE RÔLE DES CCAPEX AU STADE DE L’EXPULSION (ART. 28, I)

Jusqu’à présent, l’article L. 412-5 du code des procédures civiles d’exécution prévoyait que, dès le commandement d’avoir à libérer les locaux, l’huissier de justice chargé de l’exécution de la mesure d’expulsion en informait le préfet en vue d’assurer la prise en compte de la demande de relogement de l’occupant dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées.

Afin de tenir compte des modifications apportées par l’article 27 de la loi « ALUR » en matière de traitement des impayés de loyers (voir page 41), et conformément à l’objectif porté par le gouvernement de renforcer le rôle des CCAPEX dans les actions de prévention des expulsions locatives, cet article L. 412-5 du code des procédures civiles d’exécution est modifié : dès le commandement d’avoir à libérer les locaux, l’huissier de justice chargé de l’exécution de la mesure d’expulsion doit dorénavant saisir le préfet de département pour que celui-ci en informe la CCAPEX mais aussi pour qu’il informe le ménage locataire qu’il lui est possible de saisir la commission de médiation en vue d’une demande de relogement au titre du droit au logement opposable. A défaut de saisine du préfet par l’huissier, le délai avant l’expiration duquel l’expulsion ne peut avoir lieu est suspendu.

( A noter ) La saisine du préfet par l’huissier et l’information de la CCAPEX par le préfet pourront s’effectuer par voie électronique, selon des modalités déterminées par décret.

2. LA CONSECRATION DES CCAPEX (ART. 28, II)

La loi « ALUR » modifie la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement afin de préciser et de renforcer le rôle des CCAPEX. Elle définit ainsi leur double mission d’instances de coordination, d’évaluation et de pilotage du dispositif départemental de prévention des expulsions locatives, d’une part, et d’instances d’examen des situations individuelles, d’autre part. Le texte précise par ailleurs les conditions de leur saisine. Enfin, pour faciliter et sécuriser les échanges d’informations, il prévoit que les membres de la commission et les personnes chargées de l’instruction des saisines sont soumises au secret professionnel.

( A noter ) Le législateur a renvoyé à un décret le soin de fixer la composition et les modalités de fonctionnement de la commission, notamment du système d’information qui en permet la gestion.

A Les missions des CCAPEX

Jusqu’à présent prévues par une circulaire du 31 décembre 2009, les missions des CCAPEX sont désormais inscrites dans la loi. Elles sont ainsi chargées (loi n° 90-449 du 31 mai 1990, art. 7-2 nouveau) :

→ de coordonner, d’évaluer et d’orienter le dispositif de prévention des expulsions locatives défini par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées et la charte pour la prévention de l’expulsion ;

→ de délivrer des avis et des recommandations à tout organisme ou personne susceptible de participer à la prévention de l’expulsion, ainsi qu’aux bailleurs et aux locataires concernés par une situation d’impayé ou de menace d’expulsion. Pour l’exercice de cette mission, précise le texte, la CCAPEX est informée par le préfet des situations faisant l’objet d’un commandement d’avoir à libérer les locaux qui lui ont été signalées.

La commission émet également des avis et des recommandations en matière d’attribution d’aides financières sous forme de prêts ou de subventions, et d’accompagnement social lié au logement suivant la répartition des responsabilités prévue par la charte de prévention de l’expulsion. Elle doit par ailleurs être informée par le préfet de toute demande de concours de la force publique en vue de procéder à une expulsion. Et, par la suite, doit encore être informée des décisions prises à la suite de ses avis.

( A noter ) La CCAPEX est destinataire du diagnostic social et financier du locataire réalisé en cas de saisine du juge pour faire résilier le bail (voir page 42). Signalons en outre que, à l’instar du conseil général et de la caisse d’allocations familiales, la CCAPEX désigne désormais un correspondant dans chaque département en vue de favoriser la coordination de ses actions avec la commission de surendettement et, notamment, de faciliter la mise en place des mesures d’accompagnement social ou budgétaire à l’égard de personnes surendettées (code de la consommation, art. L. 331-3 modifié).

B La saisine de la CCAPEX

La CCAPEX peut être saisie par un de ses membres, par le bailleur, par le locataire et par toute institution ou personne y ayant intérêt ou vocation. Elle est par ailleurs alertée (loi n° 90-449 du 31 mai 1990, art. 7-2 nouveau) :

→ par la commission de médiation, pour tout recours amiable au titre du droit au logement opposable fondé sur le motif de la menace d’expulsion sans relogement ;

→ par les organismes payeurs des aides au logement, systématiquement, en vue de prévenir leurs éventuelles suspensions par une mobilisation coordonnée des outils de prévention ;

→ par le fonds de solidarité pour le logement, lorsque son aide ne pourrait pas, à elle seule, permettre le maintien dans les lieux ou le relogement du locataire.

C La CCAPEX et le secret professionnel

La loi « ALUR » prévoit que les membres de la CCAPEX et les personnes chargées de l’instruction des saisines sont soumis au secret professionnel dans les conditions prévues à l’article 226-13 du code pénal (loi n° 90-449 du 31 mai 1990, art. 7-2 nouveau). Un article qui, rappelons-le, punit de 1 an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ».

Toutefois, par dérogation aux dispositions de ce même article, les professionnels de l’action sociale et médico-sociale doivent fournir aux services instructeurs de la commission les informations confidentielles dont ils disposent et qui sont strictement nécessaires à l’évaluation de la situation du ménage au regard de la menace d’expulsion dont il fait l’objet (loi n° 90-449 du 31 mai 1990, art. 7-2 nouveau).

C. Le renforcement de la coordination départementale des actions de prévention (art. 28, I)

Afin de renforcer la coordination départementale des actions de prévention des expulsions, la loi « ALUR » réaffirme le rôle des « chartes pour la prévention de l’expulsion » créées par la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, tout en précisant les modalités de leur adoption et de leur évaluation.

Le texte indique ainsi qu’une charte pour la prévention de l’expulsion doit être élaborée dans chaque département, en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés (associations, services de l’Etat, etc.) « afin d’organiser le traitement coordonné des situations d’expulsions locatives ». Avant publication, cette charte doit être approuvée par le comité responsable du plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées et fait l’objet d’une évaluation annuelle devant ce même comité, ainsi que devant la CCAPEX (loi n° 90-449 du 31 mai 1990, art. 7-1 modifié).

Un décret fixera la liste des dispositions appelées à figurer dans la charte.

V. LES USAGERS PLACÉS AU CŒUR DES DÉCISIONS (ART. 40)

Dans le prolongement de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, qui a initié l’association des personnes prises en charge aux projets des établissements sociaux et médico-sociaux autorisés en créant les conseils de vie sociale, la loi « ALUR » étend cette participation des usagers à l’ensemble du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement des personnes sans domicile.

Concrètement, elle pose, en premier lieu, le principe de la participation des personnes prises en charge ou l’ayant été à la définition, au suivi et à l’évaluation du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement des personnes sans domicile. Il renvoie toutefois à un décret le soin de préciser les instances de concertation retenues pour assurer cette participation ainsi que les modalités d’organisation de ces instances (code de l’action sociale et des familles [CASF], art. L. 115-2-1 nouveau). « Il s’agira de prévoir cette participation au niveau national comme au niveau local, et de s’appuyer sur les outils existants », indique l’exposé des motifs de la loi.

Le texte étend par ailleurs les règles de participation existantes dans les établissements sociaux et médico-sociaux autorisés aux structures du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement ne relevant pas du régime de ces établissements. L’article L. 311-6 du code de l’action sociale et des familles – qui prévoit la mise en place d’un « conseil de la vie sociale », ou d’autres formes de participation, au sein des établissements et services sociaux et médico-sociaux – s’applique ainsi dorénavant aux établissements et services assurant l’accueil, l’évaluation, le soutien, l’hébergement et l’accompagnement des personnes ou familles en difficulté.

VI. LA RÉFORME DE LA DOMICILIATION (ART. 46)

Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale a prévu que les procédures de domiciliation – qui, pour mémoire, permettent aux personnes sans domicile stable d’accéder à des droits et à des prestations sociales – feraient l’objet de mesures de simplification. « Cette simplification est attendue tant pour les bénéficiaires que pour les structures qui leur viennent en aide (centres communaux d’action sociale, associations…) », explique l’exposé des motifs. Car les règles relatives à la domiciliation des personnes sans domicile stable sont diverses : domiciliation de droit commun, domiciliation des demandeurs d’asile, domiciliation liée à la commune de rattachement des gens du voyage, domiciliation dans le cadre de l’aide médicale de l’Etat (AME).

La loi « ALUR » aligne ainsi sur les règles de droit commun – définies à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles – les dispositions relatives aux bénéficiaires de l’AME. En revanche, après que la question a agité les débats, le législateur a finalement décidé de maintenir pour l’instant les règles de domiciliation spécifiques aux demandeurs d’asile. Le sujet devrait revenir sur le devant de la scène dans le cadre de la prochaine reforme du droit d’asile.

Au passage, la loi aligne l’exercice des droits civils sur le droit commun, le lieu d’exercice des droits civils d’une personne sans domicile stable devenant ainsi celui où elle a fait élection de domicile. Rappelons que l’expression « droits civils » désigne l’ensemble des prérogatives attachées à la personne et comprend le droit au respect de la vie privée et de la vie familiale, du domicile et de la correspondance, le droit à l’image, le droit d’aller et venir, le droit à la liberté de pensée, d’expression, de conscience et de religion, le droit à la liberté de réunion ainsi que le droit au mariage et de fonder une famille.

Au final, la nouvelle formulation de l’article L. 264-1 du CASF est la suivante : « pour prétendre au service des prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles » – y compris désormais l’AME (première nouveauté) –, « à l’exercice des droits civils » (deuxième nouveauté), ainsi qu’« à la délivrance d’un titre national d’identité, à l’inscription sur les listes électorales ou à l’aide juridictionnelle » – le terme a remplacé celui d’aide juridique (troisième nouveauté) –, « les personnes sans domicile stable doivent élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet ».

Rappelons que les organismes pouvant être agréés dans ce cadre sont les suivants (CASF, art. D. 264-9 inchangé) :

→ les organismes à but non lucratif qui mènent des actions contre l’exclusion ou pour l’accès aux soins ;

→ les établissements ou services comportant ou non un hébergement, assurant l’accueil, notamment dans les situations d’urgence, le soutien ou l’accompagnement social, l’adaptation à la vie active ou l’insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse ;

→ les organismes d’aide aux personnes âgées mentionnés à l’article L. 232-13 du CASF (centres locaux d’information et de coordination, services d’aide à domicile agréés…) ;

→ les centres d’accueil pour demandeurs d’asile.

Autre nouveauté à signaler : l’article L. 264-2 du CASF est modifié afin de préciser les cas dans lesquels une attestation de domiciliation peut être délivrée à des personnes non ressortissantes d’un Etat membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse en situation irrégulière : si elles sollicitent l’AME, l’aide juridictionnelle ou l’exercice des droits civils qui leur sont reconnus par la loi.

VII. LA SIMPLIFICATION DE LA GESTION DES CRÉDITS LIÉS À L’ASE

A. La participation des publics relevant de l’ASE au coût de leur hébergement (art. 38)

Certains conseils généraux ont décidé, dans le cadre du règlement départemental d’aide sociale, que les ménages hébergés au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE) doivent participer au coût de leur hébergement en fonction de leurs ressources et des dépenses qu’ils doivent nécessairement supporter par ailleurs pour assurer la subsistance et l’entretien de leur famille. Dans certains cas, il arrive que le ménage n’acquitte pas sa participation aux frais d’hébergement en raison de difficultés particulières et ponctuelles, justifiées. Il existe alors une procédure de remise gracieuse totale ou partielle de créance. Jusqu’à présent, celle-ci devait passer par une délibération de l’assemblée de la collectivité territoriale.

S’inspirant des règles en vigueur pour la gestion du revenu de solidarité active, la loi « ALUR » simplifie la procédure en permettant à un président de conseil général d’octroyer, sans avoir à consulter l’assemblée départementale, une réduction ou une remise de créance aux ménages hébergés au titre de l’ASE en cas de précarité de leur situation… sous réserve toutefois que cette créance ne résulte pas d’une manœuvre frauduleuse (CASF, art. L. 121-4 modifié). « Il ne s’agit pas d’ouvrir quelque droit supplémentaire que ce soit, simplement de pouvoir régler plus rapidement certaines situations », a expliqué Annick Lepetit, la député (PS) à l’origine de la disposition, le 24 juillet dernier devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

B. La gestion de deniers publics relatifs à l’ASE confiée à des organismes extérieurs (art. 39)

La loi « ALUR » permet de confier à des organismes habilités la gestion de deniers publics relatifs à l’aide sociale à l’enfance.

Pour bien comprendre cette nouveauté, il convient de rappeler que les conseils généraux sont conduits dans le cadre de l’ASE – en particulier des aides à domicile prévues aux articles L. 222-2 à L. 222-4 du code de l’action sociale et des familles – à prendre en charge l’hébergement de familles à l’hôtel, avec le cas échéant une participation des familles au coût de l’hébergement en fonction des ressources du ménage et des autres dépenses nécessairement exposées par ce dernier pour vivre. Pour assurer cet hébergement dans les meilleures conditions de délai, de qualité et de coût, les conseils généraux peuvent être amenés à recourir à des organismes extérieurs chargés notamment de la réservation hôtelière, du suivi de l’hébergement des familles à l’hôtel et de la relation avec l’hôtelier. Or le Conseil d’Etat a rappelé, dans un arrêt du 6 novembre 2009 (2), la compétence exclusive du comptable public pour procéder au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses publiques.

Autrement dit, concrètement, les organismes gestionnaires de la prise en charge hôtelière n’étaient pas, jusqu’à présent, compétents pour le recouvrement des recettes et le paiement des dépenses relatives à l’hébergement des publics dans le cadre de l’ASE. Ils ne pouvaient pas, pour le compte du département, verser la totalité du prix de l’hébergement à l’hôtelier puis percevoir, le cas échéant, la participation des intéressés à cet hébergement. Cette situation contraignait les services départementaux « à des opérations administratives et comptables complexes et coûteuses », ont expliqué les sénateurs (PS) Claude Dilain et Claude Bérit-Débat (Rap. Sén. n° 65, tome I, Dilain et Bérit-Débat, octobre 2013, page 169).

Dans un souci de simplification, la loi « ALUR » étend donc au domaine de l’aide sociale à l’enfance l’article L. 1611-7 du code général des collectivités territoriales, qui autorise la gestion de deniers publics par des organismes extérieurs dans des domaines restreints (notamment en matière de bourses d’action sanitaire et sociale ou bien encore d’emploi et de formation professionnelle).

Ce qu’il faut retenir

Impayés de loyers. Afin d’améliorer la prévention des expulsions locatives, la loi prévoit notamment la mise en place, en cas d’impayés de loyers, d’un dispositif de maintien du versement des aides personnelles au logement pour les allocataires de bonne foi.

Domiciliation. Les règles de domiciliation des personnes sans domicile stable sont simplifiées avec l’alignement des dispositions relatives aux bénéficiaires de l’aide médicale de l’Etat sur le droit commun.

Participation des usagers. La loi « ALUR » renforce la participation des usagers au sein des structures du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement des personnes sans domicile fixe.

Autres mesures concernant les expulsions

Allongement de la trêve hivernale (art. 25). Les mesures d’expulsion sont dorénavant suspendues du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante – et non plus au 15 mars – à moins, comme auparavant, que le relogement des personnes dont l’expulsion a été ordonnée soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. Nouveauté de taille s’agissant des personnes entrées dans les locaux « par voie de fait » (« squatters »…) : elles sont dorénavant également protégées contre une expulsion durant la trêve hivernale. Plus précisément, l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution – qui, dans son ancienne rédaction, écartait les squatters du champ des dispositions sur la trêve hivernale – a été réécrit afin d’accorder au juge le pouvoir de supprimer pour ces personnes le bénéfice du sursis de la mesure d’expulsion. Autrement dit, les squatters sont désormais également protégés durant l’hiver… à moins que le juge n’en décide autrement.

Expulsions illégales (art. 26). La loi « ALUR » introduit dans le code pénal une nouvelle incrimination pour réprimer les expulsions illégales. L’article L. 226-4-2 punit ainsi de 3 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu’il habite sans avoir obtenu le concours de l’Etat, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes. Selon les parlementaires à l’origine de cette disposition « l’association Droit au logement avait milité en faveur de cette nouvelle incrimination en estimant intolérable que certains bailleurs n’hésitent pas à mettre à la rue leur locataire sans avoir obtenu au préalable de titre exécutoire ordonnant leur expulsion, ou sans avoir obtenu le concours de la force publique » (Rap. Sén. n° 65, tome 1, Dilain et Bérit-Débat, octobre 2013, page 132).

Délais d’expulsion (art. 27). Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.

La durée de ces délais ne peut dorénavant, en aucun cas, être inférieure à 3 mois (au lieu de 1 mois auparavant) ni supérieure à 3 ans (au lieu de 1 an). Autre nouveauté : pour la fixation de ces délais, il est désormais tenu compte, entre autres éléments, « du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés » (code des procédures civiles d’exécution, art. L. 412-4 modifié).

Plan du dossier

Dans notre numéro 2860 du 16 mai 2014, page 47

I. La consécration juridique des SIAO

II. Le renforcement de l’articulation entre logement et hébergement

III. L’amélioration des dispositifs relatifs au DALO

Dans ce numéro

IV. L’amélioration de la prévention des expulsions

A. Le traitement des impayés plus en amont

B. Le renforcement du rôle des CCAPEX

C. Le renforcement de la coordination départementale des actions de prévention

V. Les usagers placés au cœur des décisions

VI. La réforme de la domiciliation

VII. La simplification de la gestion des crédits liés à l’ASE

A. La participation des publics relevant de l’ASE au coût de leur hébergement

B. La gestion de deniers publics relatifs à l’ASE confiée à des organismes extérieurs

A retenir également

Traitement du surendettement (art. 27). La loi « ALUR » précise la portée de l’effacement des dettes en matière de rétablissement personnel, chose qu’aucun texte n’avait fait jusqu’à présent. Elle indique ainsi que, lorsque le juge confère force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, l’effacement des dettes porte sur celles qui sont arrêtées à la date de l’ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation (code de la consommation [C. consom.], art. L. 332-5 modifié). De même, lorsque le juge prononce un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, l’effacement des dettes porte sur celles qui sont arrêtées à la date du jugement prononçant ce rétablissement (C. consom., art. L. 332-5-1 et art. L. 332-5-2 modifiés). Parallèlement, lorsque le juge prononce la clôture pour insuffisance d’actif, l’effacement des dettes porte sur celles qui sont arrêtées à la date du jugement d’ouverture (C. consom., art. L. 332-9). Dernière précision : le jugement par lequel le juge ouvre et clôture la procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif a les mêmes effets que le jugement par lequel le juge prononce la clôture pour insuffisance d’actif (C. consom., art. L. 332-6-1).

Aides personnelles au logement (art. 29).

Le gouvernement doit transmettre au Parlement, avant la fin de l’année 2014, un rapport sur les modalités de calcul du montant des aides personnelles au logement prenant en compte la moyenne des ressources perçues au cours des 3 derniers mois précédant la demande. Le mode de calcul des ressources ainsi suggéré est inspiré du dispositif en vigueur pour le revenu de solidarité active. Aujourd’hui, les ressources prises en compte par la caisse d’allocations familiales pour calculer le montant des aides sont celles de l’avant-dernière année précédant la demande. Or « le calcul ne prend pas en compte la situation réelle et peut mettre en grande difficulté des personnes dont la situation financière s’est détériorée par la suite » (Rap. Sén. n° 65, tome I, Dilain et Bérit-Débat, octobre 2013, page 148).

Foyers de jeunes travailleurs (art. 31). La loi « ALUR » apporte une précision juridique relative à l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation nécessaire à la création, la transformation ou l’extension de foyers de jeunes travailleurs. Elle complète ainsi l’article L. 313-3 du code de l’action sociale et des familles pour désigner formellement, dans la loi, l’Etat comme étant compétent pour délivrer l’autorisation. Ce faisant, elle comble un vide juridique. En effet, alors que les foyers de jeunes travailleurs sont des établissements sociaux inscrits à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) et soumis à ce titre à autorisation, ils étaient, depuis la loi « HPST » du 21 juillet 2009, la seule catégorie d’établissements sociaux à ne pas être mentionnée à l’article L. 313-3 du CASF, qui fixe l’autorité compétente en matière d’autorisation. « L’attribution des financements de fonctionnement spécifiquement attachés à leur objet [était], en conséquence, remise en cause », a expliqué le sénateur (PS) Jean-Jacques Mirassou au cours des débats (J.O. Sén. [C.R.] n° 114S du 25-10-13, page 10154).

Droits des résidents en logements-foyers

Deux articles de la loi « ALUR » concernent plus spécifiquement les personnes vivant dans des logements-foyers. Le premier – l’article 48 – a été pensé pour s’assurer que les gestionnaires de ces structures ne puissent pas arbitrairement imposer, en dehors du cadre fixé par la loi, des restrictions à la jouissance de l’usage privé du domicile principal constitué par la chambre du foyer ou par le studio de résidence sociale. Il prévoit ainsi que les clauses du contrat liant le résident à la structure et du règlement intérieur qui institueraient de telles limitations sont réputées non écrites. Il est par ailleurs précisé que le gestionnaire ne peut accéder au local privatif du résident qu’à la condition d’en avoir fait la demande préalable et dans les conditions prévues par le règlement intérieur. Seules exceptions : en cas d’urgence motivée par la sécurité immédiate de l’immeuble ou de la personne, ou bien encore si le gestionnaire doit accéder au local pour la mise en œuvre de l’accompagnement personnalisé défini dans le contrat de séjour (code de la construction et de l’habitation [CCH], art. L. 633-2 modifié).

Le deuxième article de la loi consacré aux logements-foyers – l’article 49 – prévoit la création d’un comité de résidents dans chaque établissement, en plus du conseil de concertation (CCH, art. L. 633-4 modifié). Ce comité de résidents représente les personnes logées dans le foyer au sein du conseil de concertation, dans leurs relations avec le gestionnaire et le propriétaire de l’établissement s’il est distinct du gestionnaire. Il est élu par l’ensemble des résidents du foyer pour une période définie par le règlement intérieur et maximale de 3 ans. Un décret définira les modalités de fonctionnement et de désignation des membres du comité de résidents. Ces comités de résidents doivent être mis en place dans un délai de 1 an à compter de la publication de la loi, soit d’ici au 26 mars 2015.

Notes

(1) Sur le détail du plan, voir ASH n° 2794 du 25-01-14, p. 39.

(2) Conseil d’Etat, 6 novembre 2009, n° 297877, disp. sur www.legifrance.gouv.fr.

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