Une séance de rattrapage. C’est ce qu’ont demandé 20 organisations militantes – dont la Fédération nationale solidarités femmes, la Voix de l’enfant ou Elu (es) s contre les violences faites aux femmes – pour la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant (1), à l’occasion de son examen à l’Assemblée nationale, à partir du 19 mai. Dans un manifeste, elles se sont élevées contre le texte initial, partiellement retouché par la commission des lois, au motif qu’il faisait l’impasse sur les situations de violences intrafamiliales, morales ou physiques.
A l’initiative de députés PS et EELV, la proposition de loi poursuit trois objectifs : la reconnaissance de la place du « tiers » (le beau-parent), le renforcement de l’exercice conjoint de l’autorité parentale en cas de séparation des parents et le développement de la médiation familiale. Or, selon les signataires du manifeste, ces deux derniers volets contreviennent à la Convention d’Istanbul (convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique), en passe d’être ratifiée par la France (2), qui préconise une législation protectrice pour les victimes.
La proposition de loi indique que tout acte d’autorité parentale requiert l’accord des deux parents. Elle précise que les changements de résidence ou d’établissement scolaire, qualifiés d’actes « importants », impliquent un accord exprès de l’autre parent en cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale, sauf si l’un des parents a été condamné pour des faits de violence à l’encontre de l’autre. Or cette mesure comme toutes celles qui ont trait à la résidence et à l’organisation de la vie de l’enfant devraient « inclure une exception dans les cas non seulement de violences condamnées, mais aussi de violences avérées, vraisemblables », relevées par des plaintes, des témoignages, des certificats médicaux ou encore une ordonnance de protection, plaident les organisations. De même, les « défaillances manifestes » (abandon matériel ou physique) devraient être prises en compte.
Les signataires ont fait valoir leurs arguments auprès des parlementaires, ainsi qu’au ministère des Droits des femmes, au secrétariat d’Etat à la famille et à la délégation des droits des femmes de l’Assemblée nationale. La présidente de cette dernière, Catherine Coutelle (PS), a relayé les inquiétudes associatives, estimant que s’il « faut développer les accords sur telle ou telle décision des deux parents même s’ils sont séparés », il est nécessaire d’« exempter les femmes victimes de violences » de ce principe. En commission, les députés ont amendé quelques articles en ce sens. Ils ont ainsi précisé que les poursuites pénales prévues pour non représentation de l’enfant ne s’appliqueraient pas en cas de danger encouru par celui-ci, ou que le juge peut enjoindre les parents à participer à des séances de médiation, sauf en cas de violences intrafamiliales.
Les associations, qui attendent une prise en compte globale des situations d’inégalité entre les deux parents, prévoient de manifester le 19 mai devant l’Assemblée nationale. Le Collectif national d’information sur les droits des femmes et des familles a déclaré soutenir la proposition de loi, « à la nécessaire condition que ce projet intègre explicitement toutes les dispositions spécifiques pour protéger les femmes et les enfants victimes de violences sexistes et sexuelles ». Alors que nombre d’acteurs estiment que les droits de l’enfant et de la famille sont maltraités depuis l’abandon par le « gouvernement Ayrault » du projet de loi sur la famille, le sujet n’a pas fini de susciter des polémiques.
(1) Voir ASH n° 2855 du 11-04-14, p. 17.
(2) Voir ASH n° 2859 du 09-05-14, p. 38.