Etre jeune et/ou avoir un parcours délinquant déjà chargé constituent deux « facteurs de risque » de récidive, montre une étude statistique du ministère de la Justice portant sur « le champ des individus condamnés quelle que soit la peine prononcée », soit plus de 500 000 personnes par an (1). Au préalable, son auteur précise que les données du casier judiciaire national ne permettent qu’une « analyse partielle des déterminants du comportement de récidive » (2). Pour être complète, celle-ci devrait en effet tenir compte de facteurs socio-économiques (fait d’avoir ou non un travail, un logement, d’être dépendant à la drogue, de souffrir de pathologies mentales…).
L’étude s’est attachée à suivre, sur une période de huit ans, une cohorte de personnes condamnées en 2004 soumises au risque de récidive, seul moyen en effet « de déterminer les risques de récidive a priori ». Elle révèle que 45 % des membres de cet échantillon ont récidivé entre 2004 et 2011, sachant que un quart l’a fait dans les deux premières années – 14 % dès la première année – et que 63 % des personnes ayant des antécédents judiciaires ont récidivé, contre 32 % des « primo-condamnés » de 2004.
« Toutes les infractions ne présentent pas la même propension à la récidive », relève en outre l’étude, les infractions routières pesant ainsi « fortement sur le taux moyen de récidive ». Raison pour laquelle elles sont écartées dans la suite de l’analyse, à la fois pour les condamnations prononcées en 2004 et pour celles observées ensuite jusqu’en 2011. Une fois ces infractions exclues, « le taux moyen de récidive sur l’ensemble des condamnés de 2004 passe de 45 % à 38 % », en se situant à 59 % pour les condamnés avec antécédents et à 25 % pour les primo-condamnés. Certaines infractions présentent de faibles taux de récidive (atteintes aux mœurs, travail illégal, atteintes d’ordre économique et financier…). « Ces taux faibles pour des contentieux graves et complexes ne signifient pas forcément un domaine peu marqué par la récidive car ils peuvent résulter en partie d’une procédure judiciaire plus longue. » Ainsi, une observation sur une période plus longue (à partir de l’année 2000) révèle des taux de récidive de trois à cinq points supérieurs à ceux observés à partir de 2004 alors que ce n’est pas le cas pour les autres contentieux.
Autre enseignement : la part de la récidive « à l’identique » est très variable selon le type d’infraction. Elle est dominante pour les infractions à la police des étrangers, le trafic et l’usage de stupéfiants, les vols, les recels « aggravés » et les violences volontaires, mais elle est moins fréquente parmi les condamnés pour outrages ou destructions. « Dans certains cas, la récidive marque une aggravation du parcours délinquant », indique encore l’étude.
Par ailleurs, s’agissant des facteurs de risque, « plus le condamné est jeune au moment des faits, plus son risque de récidiver dans les huit ans qui suivent est élevé » : ainsi, un condamné qui était mineur lors de l’infraction initiale a 1,5 fois plus de risques de commettre à nouveau une infraction qu’un condamné âgé de 18 à 25 ans et 2,2 fois plus qu’un autre ayant entre 30 et 39 ans. Inversement, un condamné de 60 ans ou plus a 2,5 fois moins de risques de récidiver qu’un condamné âgé de 30 à 39 ans au moment des faits.
Si l’effet de l’âge sur la délinquance est connu, « le résultat très marqué concernant les mineurs peut avoir d’autres explications », relativise l’auteur, en évoquant notamment la spécificité de la justice des mineurs qui permet de « moduler davantage la réponse de l’institution judiciaire » (mesures d’investigation, de protection, alternatives à la poursuite…) en amont d’une éventuelle condamnation. « La seule utilisation du casier judiciaire dans le cas des mineurs présente donc, plus encore que pour les majeurs, une vision déformée du parcours des mineurs délinquants en faisant débuter l’histoire judiciaire du mineur à sa première condamnation. » Selon l’étude, l’exploitation du panel de mesures applicables aux mineurs « a permis d’appréhender cette période pré-sentencielle et a montré que six mineurs sur dix ne retournent pas devant la justice au terme de ces mesures ».
La présence d’antécédents judiciaires lors de la condamnation de 2004 influence également fortement le risque de récidive, tout comme la gravité de l’infraction constatée en 2004 et le fait d’avoir été condamné à une peine de prison. Enfin, le taux de récidive diminue avec le temps.
(1) « Une approche statistique de la récidive des personnes condamnées » – Infostat Justice n° 127 – Avril 2014 – Disponible sur
(2) La récidive est ici entendue comme la « récidive au sens large », incluant à la fois la « récidive légale » – qui répond à des conditions strictement définies par le code pénal (similitude d’infraction, délai) – et la « réitération » qui se définit comme la recondamnation, hors récidive légale, pour des faits commis après une première condamnation.