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RSA : l’INSEE s’interroge sur l’efficacité des expérimentations et leur évaluation

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Dans le dernier numéro d’Economie et Statistique publié par l’INSEE, un dossier consacré au revenu de solidarité active (RSA) s’interroge notamment sur les conditions des expérimentations menées pour tester l’efficacité du dispositif avant sa généralisation et sur la pertinence de son évaluation (1).

La création du RSA – qui a remplacé le revenu minimum d’insertion (RMI) et l’allocation de parent isolé (API) – a en effet donné lieu à la mise en œuvre d’un « dispositif d’évaluation d’une ampleur inédite », avant même sa généralisation, mais qui « a néanmoins pu faire l’objet de plusieurs critiques », souligne en introduction Florence Thibault, du département des statistiques, des prévisions et des analyses de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), en rappelant que 34 départements ont participé à « un éventail d’expérimentations » qui concernaient près de 15 800 foyers en décembre 2008. Des initiatives qui ont nourri les travaux du comité d’évaluation du RSA créé pour vérifier « différents effets attendus du dispositif », sous la direction de François Bourguignon, chargé par la suite de présider le Comité national d’évaluation (CNE) mis en place par la loi du 1er décembre 2008 instituant le RSA.

Une évaluation soumise à critiques

Les critiques émises sur le processus d’évaluation portaient notamment sur le calendrier de l’expérimentation, qui ne laissait pas le temps au dispositif de produire tous ses effets, conduisant « à s’interroger sur la compatibilité entre le temps du politique et le temps de l’évaluation », mais aussi sur « l’absence de doute sur le recours à la prestation de la part des intéressés », alors que le taux de non-recours est aujourd’hui au cœur du constat, largement partagé, de la nécessité d’une réforme du RSA.

« L’expérimentation ne concernait que les foyers relevant déjà d’un minimum social, ce qui excluait d’emblée de cette phase préparatoire le nouveau public recherché par la mesure : celui des travailleurs pauvres ayant des revenus ne leur ouvrant droit ni au RMI ni à l’API », renchérit Florence Thibault, en ajoutant que « ce choix a largement facilité la mise en œuvre pratique de l’expérimentation puisque le public ciblé était connu des organismes payeurs », mais qu’« il n’a pas permis d’investir les questions de recherche des foyers éligibles au RSA “activité”, de leur instabilité éventuelle dans l’emploi et de leur perception du dispositif ».

Des résultats notables

A l’inverse, la généralisation du dispositif a soulevé des interrogations laissées de côté, comme « l’analyse de la montée en charge d’une réforme de cette envergure, les raisons du non-recours massif à cette prestation et les effets du mode de gouvernance retenue ». Des thèmes abordés par les trois articles qui complètent ce dossier, inédits sous cette forme mais issus de travaux réalisés dans le cadre du CNE et qui, à ce titre, ont déjà fait l’objet d’une publication, dans des versions antérieures, en annexe de son rapport de décembre 2011 (2). Deux de ces études visent ainsi à mettre en évidence les effets du RSA sur l’activité de ses bénéficiaires, la troisième traitant du non-recours, « dont l’ampleur était largement inattendue ».

Sommairement, « plusieurs résultats notables » découlent de ces analyses, qui « suggèrent que la mise en place du RSA a contribué à augmenter le taux de retour en emploi des mères isolées et plus particulièrement celui des mères isolées ayant de jeunes enfants », mais qui ne « mettent pas en évidence de réel effet du RSA sur l’emploi des hommes » tout en confortant « l’idée d’une plus forte reprise d’emploi à temps partiel pour les femmes en couple », soit un constat genré qui demande à être vérifié.

Par ailleurs, ces études n’observent « pas de rupture dans les taux d’emploi à 25 ans pour l’ensemble des jeunes sans enfant, ce qui indique que le RMI et le RSA n’ont pas d’effet désincitatif marqué sur l’emploi des jeunes autour de cet âge ». Elles révèlent enfin que l’impact du non-recours au RSA, en termes d’efficacité dans la lutte contre les inégalités et la pauvreté, est assez faible à l’échelon de la société (macroéconomique), mais non négligeable au niveau individuel, avec des pertes financières de l’ordre de 100 € par mois pour les ménages les plus modestes.

Limites et impact

Quelque « 151 000 individus seraient effectivement sortis de la pauvreté grâce au RSA “activité” seul, mais 645 000 auraient pu être dans ce cas si le recours avait été total », note encore le dossier publié par l’INSEE, tandis que le taux de pauvreté aurait pu diminuer, en 2010, de 1,1 point au lieu de 0,3 point. « En outre, 776 000 foyers supporteraient une perte de revenu mensuel du fait de leur non-recours, et cette perte serait en moyenne de 83 € par mois », ajoute le document.

« En mettant en évidence les limites de ce dispositif, et notamment le fait qu’il n’ait pas atteint tous ses objectifs en termes de nombre de foyers bénéficiaires, d’impact sur la pauvreté et de lisibilité des mécanismes de solidarité et d’intéressement, les travaux d’évaluation ont naturellement conduit à s’interroger sur sa pérennité et à réfléchir à des pistes d’aménagements », souligne Florence Thibault, en évoquant évidemment le rapport « Sirugue » relatif à la réforme des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes qui proposait, en juillet dernier, la création d’une prime d’activité fusionnant le RSA « activité » et la prime pour l’emploi (3).

Au final, « l’évaluation du revenu de solidarité active a bousculé notre perception des expérimentations (de leurs intérêts comme de leurs limites) et a conduit à la plus grande prudence pour ce qui concerne notre capacité à mesurer l’impact d’une réforme de cette envergure en isolant chacune de ses composantes et dans un calendrier très contraint », résume l’analyste de la CNAF, même si elle a « permis de produire des résultats essentiels sur l’effet limité des incitations financières, sur l’ampleur du non-recours ou l’impact a posteriori de la réforme sur la pauvreté ».

Notes

(1) Economie et Statistique n° 467-468 – Avril 2014 – Disp. sur www.insee.fr.

(2) Voir ASH n° 2738 du 23-12-11, p. 5.

(3) Voir ASH n° 2819 du 19-07-13, p. 5.

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