En lien avec le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), « l’Etat, avec le programme des investissements d’avenir, et la Caisse des dépôts consacreront sur 2014-2020 une enveloppe de 600 millions d’euros pour lever des investissements privés et co-investir dans des projets structurants comme des pépinières d’entreprises ou des maisons de santé ». C’est ce qu’annonce la nouvelle ministre de la Ville, Najat Vallaud-Belkacem, dans un courrier du 25 avril adressé au millier de maires ayant des zones sensibles sur leur territoire et dans lequel elle trace sa feuille de route en matière de politique de la ville. Une feuille de route qui s’inscrit dans la continuité de celle de son prédécesseur, François Lamy, et qui s’articule autour de quatre priorités.
La première de ces priorités est de « concentrer les efforts de l’Etat ». Najat Vallaud-Belkacem a ainsi réaffirmé qu’elle sera en mesure, à la fin du mois de mai, « de présenter la nouvelle carte des quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui sera établie grâce à une méthodologie objective, transparente et homogène au plan national, avec le critère unique de revenus des habitants » fixé par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février dernier (1). « C’est sur cette base qu’un dialogue devra intervenir entre vos municipalités et les préfets, pour définir avec pragmatisme les contours exacts des quartiers cœurs de cible et ceux qui, bien que ne respectant pas les critères définis par la loi, doivent continuer à faire l’objet d’une veille active. C’est à partir de cette concertation que j’arrêterai à l’automne la liste définitive et le périmètre précis des quartiers prioritaires », a expliqué la ministre. « Pour les outre-mer, la prise en compte des situations propres à chaque territoire induit un travail de définition spécifique qui conduit à décaler de quelques semaines la communication de la liste des quartiers prioritaires par rapport à la métropole », ajoute-t-elle.
Dans chaque agglomération comportant des quartiers prioritaires, des contrats de ville seront signés « pour mobiliser l’action publique en faveur des habitants. Leur préparation sera engagée dès le mois de juin », assure Najat Vallaud-Belkacem. Ces contrats de ville de nouvelle génération « mobiliseront d’abord les moyens de droit commun avant d’engager les crédits spécifiques de la politique de la ville ». En complément, la ministre de la Ville entend proposer aux grandes entreprises nationales de prendre part à ces contrats sous forme de partenariats triangulaires avec les collectivités publiques et les associations. Ces dernières, que la ministre qualifie d’« acteurs incontournables de la démocratie locale et de la solidarité de proximité, seront en effet au cœur de notre projet pour la ville ». Najat Vallaud-Belkacem va pour cela demander aux administrations publiques « de faciliter le développement de leurs initiatives, pour passer d’une culture parfois trop marquée par les procédures multiples et le contrôle à une culture du “faire” ».
La deuxième priorité de la ministre de la Ville est de « veiller à organiser la diversité ». Najat Vallaud-Belkacem en est convaincue : « la politique de la ville ne peut réussir si elle se contente d’être une politique des quartiers. Elle doit être une politique tout entière conçue pour briser les mécanismes de ségrégation qui sont à l’œuvre sur l’ensemble du territoire ». Objectif : réintégrer les quartiers dans les dynamiques d’agglomération. Selon elle, « le quartier doit redevenir un appui pour une remise en mouvement des habitants ». Et le nouveau programme national de renouvellement urbain qu’elle entend présenter avant l’automne « sera le bras armé de cette nouvelle ambition ». Comme Jean-Marc Ayrault l’avait annoncé en juillet 2013, il « mobilisera 5 milliards d’euros de subventions de l’Agence nationale de rénovation urbaine pour financer des opérations de travaux, de réhabilitations, d’aménagement urbain, de traitement de l’habitat insalubre ou informel outre-mer, mais aussi des initiatives créatrices de lien social, telles que les “maisons du projet” prévues par la loi pour associer les habitants à la conception des projets qui les concernent au premier chef ». Le NPNRU sera concentré sur environ 200 quartiers de métropole et d’outre-mer présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants, précise la ministre. Au-delà, une part substantielle de l’enveloppe sera déléguée aux préfets, dans le cadre des contrats de plan Etat-région, pour financer des opérations d’intérêt local et régional dans les autres quartiers prioritaires de la politique de la ville.
« C’est l’engagement des citoyens qui est le premier levier d’une politique de la ville réussie », affirme la ministre dans son courrier en présentant le troisième axe de sa politique : « assurer la participation la plus large de tous ». Mais « mettre en mouvement les habitants d’un quartier autour d’un projet commun exige des outils mais aussi des compétences qui manquent cruellement dans notre pays », regrette Najat Vallaud-Belkacem. Elle souhaite donc créer des centres de ressources pour les promouvoir et assumer une logique d’expérimentation, « c’est-à-dire la conduite de programmes définis à partir des solutions proposées sur le terrain et soutenues par la puissance publique à raison de leur intérêt et en contrepartie d’une évaluation rigoureuse, permettant leur généralisation ».
La loi du 21 février dernier consacre la reconnaissance de l’intervention citoyenne et le principe de la coconstruction des contrats de ville, avec la mise en place de « conseils citoyens » dans chaque quartier prioritaire, rappelle la ministre. Des conseils citoyens qui doivent être mis en place « dans les tout prochains mois ». Dans le même esprit, le Conseil national des villes sera refondé dans les semaines à venir pour accueillir en son sein un collège des habitants et associations de proximité.
Dernier objectif de Najat Vallaud-Belkacem : « créer des emplois ». La ministre veut réduire de moitié en cinq ans l’écart de 18?points qui sépare aujourd’hui le niveau d’emploi entre les zones urbaines sensibles et le reste du territoire. Cela passera donc par une enveloppe de 600 millions d’euros que consacreront l’Etat et la Caisse des dépôts à l’investissement dans les quartiers défavorisés entre 2014 et 2020. Par ailleurs, 75 autres millions seront dégagés « dans les années à venir pour développer le commerce de proximité, vecteur d’emploi autant que de lien social ».
Autre axe d’action : la mobilisation systématique en faveur des quartiers prioritaires des outils de droit commun de la politique de l’emploi (contrats aidés classiques, emplois d’avenir, formation en alternance…). En outre, « la question de l’évolution des emplois francs, dont la montée en charge n’est aujourd’hui pas satisfaisante, sera posée » après un diagnostic précis sur les difficultés de montée en charge du dispositif que le préfet de la région Rhône-Alpes, Jean-François Carenco, a été chargé de réaliser avant la fin du mois de mai. Par ailleurs, la Banque publique d’investissement (BPI France) mettra en place d’ici à l’été un dispositif spécifique pour les créateurs d’entreprise dans les quartiers prioritaires, indique la ministre. Et la présence de Pôle emploi et des missions locales sera renforcée « au regard de la nouvelle géographie prioritaire ». Enfin, pour lutter contre les discriminations à l’embauche et dans l’emploi, Najat Vallaud-Belkacem entend développer « tous les dispositifs de parrainage qui permettent de révéler à des professionnels le talent et les compétences des jeunes de ces quartiers, et facilitent l’accès à l’emploi pour des jeunes qui manquent de réseaux dans les entreprises ».
(1) Voir ASH n° 2848 du 21-02-14, p. 30.