Le rapport de Bernadette Devictor, présidente de la Conférence nationale de santé, sur le service public territorial de santé (SPTS) a été remis le 22 avril à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé (1). Engagés dans le cadre du « pacte de confiance pour l’hôpital », ces travaux visent à préciser les contours du service territorial de santé et du service public hospitalier, « deux notions clés de la future loi de santé ». Ils s’intègrent plus largement dans la stratégie nationale de santé, dont l’objectif est de réorganiser le système de santé autour de l’usager et de son parcours de santé au sein des territoires.
Selon le rapport, le projet de SPTS rencontre « l’assentiment de tous les acteurs » car il répond aux attentes fortement exprimées par les usagers et les professionnels et permet de développer à la fois « un choc de coopération au sein de notre système de santé » et « un choc de responsabilisation des acteurs de santé ».
Le rapport définit le service public territorial de santé comme étant « l’offre de service, portant les principes du service public, et tout particulièrement la continuité et l’accessibilité, résultant d’une organisation contractuelle entre les “offreurs en santé” (sanitaire – terme qui inclut la médecine de ville –, médico-social et social) du territoire, sous la régulation de l’agence régionale de santé (ARS) ». Le SPTS vise à mieux répondre aux besoins de santé sur un territoire et à permettre à tous d’accéder à l’offre en santé dans de bonnes conditions, précise le rapport. Le SPTS est aussi une nouvelle approche de l’offre en santé sur le territoire réunissant l’ensemble des acteurs qui partagent la responsabilité de l’état de santé de la population, « c’est donc avant tout un espace de coopération ». Il doit se développer, en cohérence avec les plans régionaux de santé, sur des thématiques spécifiques en fonction des besoins identifiés à partir « d’un diagnostic territorial partagé ».
Selon Bernadette Devictor, les acteurs de santé doivent s’organiser selon « une approche en responsabilité populationnelle », c’est-à-dire « dans la préoccupation que chaque personne sur le territoire de proximité trouve a minima une orientation vers la réponse adaptée à ses besoins de santé, dans une perspective de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé ».
Le rapport préconise de mettre en place « une gouvernance appropriée » dans le cadre « des conseils territoriaux de santé », à vocation stratégique, sous le pilotage des ARS. Le conseil territorial de santé rassemblerait les représentants de tous les acteurs concernés par le SPTS, dont obligatoirement les usagers et tous les financeurs du territoire. Présidé par l’ARS, le conseil territorial de santé ne serait pas un organe consultatif mais un organe décisionnel. Il aurait en particulier pour missions la validation des projets « SPTS » portés par les acteurs dans les territoires de proximité, leur traduction dans le contrat territorial de santé incluant le financement par les partenaires financeurs, le suivi de leur développement et mise en œuvre, leur évaluation et leur régulation. Le conseil territorial de santé contribuerait également à l’animation de la dynamique « qualité » par le biais de sa commission nommée « comité territorial de relation avec les usagers ». La mission de ce comité serait de développer la représentation des usagers au niveau des territoires, de leur donner la possibilité de contribuer à l’évolution de l’offre en santé, notamment en traitant des plaintes, des réclamations, des dysfonctionnements formulés par les usagers, quelle que soit l’étape de leur parcours de santé au cours de laquelle ils ont rencontré des difficultés. Enfin, les conseils territoriaux de santé se substitueraient aux conférences de territoire. Pour compléter cette gouvernance, une autre instance serait créée : un conseil local de santé qui rassemblerait, au niveau du territoire de proximité, tous les acteurs impliqués dans le SPTS, dont les usagers, et intégrerait le conseil local de santé mentale lorsqu’il existe. Le conseil local de santé définirait le cadre de travail coopératif entre acteurs, de façon transversale, afin de faciliter la coordination effective des acteurs tout au long du parcours de santé des personnes.
En matière de financement, la réforme nécessiterait, selon le rapport :
→ la reconnaissance du temps passé à la coopération ;
→ la sortie d’un mode de rémunération du tout à l’acte ou du tout T2A (tarification à l’activité), levier essentiel au changement culturel que représente le SPTS.
Selon la contribution de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS), il faut aller vers une « mise en place d’un financement différent du paiement à l’acte » pour dépasser la « course à l’acte » qui favorise la concentration des professionnels sur les mêmes territoires, et permettre également une prise en charge globale des usagers. En effet, en privilégiant uniquement l’acte de soins, ce système ne permet pas une démarche de prise en charge d’un « parcours de santé » intégrant à la fois les dimensions préventive et éducative, notamment dans le cas des pathologies chroniques, explique le rapport. Ainsi, selon lui, « le modèle actuel de rémunération a atteint ses limites » et « il est nécessaire de prendre en compte la capacité d’innovation des acteurs et leurs modalités d’action pour s’engager vers des modes de financements radicalement différents ».
Le rapport se prononce également pour la réintroduction du service public hospitalier (SPH) « en bloc sur l’ensemble des activités de l’établissement » dans la future loi de santé publique pour consacrer la spécificité des missions de l’hôpital public. La notion de SPH a en effet été supprimée par la loi « HPST » du 21 juillet 2009 (2).
Le rapport rappelle que l’exigence première de l’offre en santé est de répondre aux besoins des usagers, eux-mêmes souhaitant s’adresser au SPH en toute confiance. Pour répondre à cette exigence, les principes de service public – la continuité, l’adaptabilité, l’égalité, et donc l’accessibilité territoriale et financière, et la neutralité – offrent des modalités de réponse, estime le rapport. Dès lors, la réintroduction dans la loi du SPH doit s’accompagner d’une définition des obligations de service public que doivent respecter les différents acteurs hospitaliers. En complément des obligations de service public, ils devront ainsi respecter d’autres règles sur l’ensemble de leurs activités, afin de mieux répondre aux attentes des usagers et aux exigences liées au développement de la démocratie en santé. Les acteurs du SPH devront s’assurer, notamment, de la permanence des soins, de la maîtrise des délais d’attente, de la transparence des comptes et de la participation des usagers à la gouvernance de l’établissement, précise le rapport.
Selon le rapport, les acteurs du service public hospitalier sont entendus comme étant : les établissements publics, les établissements privés à but non lucratif (dont les centres de lutte contre le cancer) qui respectent toutes les obligations du SPH sauf s’ils ne souhaitent pas en faire partie, les établissements privés commerciaux respectant pour l’ensemble de leur activité les obligations du service public et les règles énoncées et dont la demande de participer aura été validée.
Par ailleurs, le rapport propose de faire disparaître les 14 missions de service public introduites par la loi « HPST » et d’inclure les missions de formation, d’innovation et de recherche dans les activités génériques des établissements de santé.
Enfin, la mission « Devictor » préconise d’introduire une obligation de coopération à plusieurs dimensions pour les acteurs du SPH :
→ les coopérations interétablissements (mutualisation des compétences, optimisation des équipements sanitaires et des plateaux techniques) ;
→ les coopérations le long du parcours de santé des personnes avec les acteurs du soin, du médico-social et du social, en particulier, au sein du SPTS.
(1) Le service public territorial de santé (SPTS) – Le service public hospitalier (SPH)- Développer l’approche territoriale et populationnelle de l’offre en santé – Mars 2014 – Disp. sur
(2) Voir ASH n° 2632 du 13-11-09, p. 37 et n° 2634 du 27-11-09, p. 45.