…« A tous ceux qui se plaignent que la vie est dure alors qu’ils ont tout pour être heureux, j’aimerais qu’ils passent ne serait-ce qu’une heure à ma place. » La place de Michel Baldy, c’était devant le Monoprix des Champs-Elysées, assis sur le trottoir, à attendre que de bonnes âmes lui donnent de quoi s’acheter un sandwich, quelques bières et nourrir ses deux chiennes. Sans domicile fixe pendant huit ans, il a réussi à sortir de cette rue qui en a consumé tant d’autres, mais le périple fut long et difficile. Son parcours est tristement classique : un père violent, une mère endettée, une rupture douloureuse qui le précipite dans l’errance. « Tout s’est effondré en quelques mois. Je n’avais plus rien », résume-t-il. Vendeur de « shit » à la petite semaine, voleur à l’occasion, c’est lui que ses parents blâment lorsque son petit frère, tombé dans la délinquance, meurt d’une overdose médicamenteuse. Le choc est terrible. Pas question, dans ces conditions, de demander de l’aide à qui que ce soit, d’autant qu’il se sent en partie responsable de sa situation : si sa femme l’a quitté, c’est parce qu’il la trompait. « J’ai décidé d’assumer mes conneries et de tenter de me relever, seul. C’était ma punition. » Michel Baldy refuse catégoriquement d’abandonner ses chiennes, ses seules alliées, s’empêchant ainsi de franchir les portes des centres d’hébergement et de la plupart des hôtels. La rue, il l’a donc « choisie » non par envie, « mais par devoir ». Malgré les difficultés, il livre un témoignage pudique, digne, celui d’un homme qui souhaite s’en sortir. Respectueux de tous les endroits qu’il occupe, il attire la sympathie des riverains, des travailleurs et même de la police. C’est d’ailleurs grâce à la main tendue d’une de ces personnes qu’il s’en sortira.
La rue était mon lit
Michel Baldy, avec Frédéric Veille – Ed. City – 15,50 €