C’est le premier reportage que le magazine Struggle lui confie. Jusque-là, Hubert Paris était secrétaire de rédaction. Il compte bien prouver à son rédacteur en chef de quoi il est capable en allant investiguer sur le terrain. Le thème de l’enquête à laquelle il collabore ? Les migrants à travers le monde. Le but est de rechercher des informations dans les zones de flux migratoires, d’en étudier les mécaniques, d’en démasquer les enjeux. A charge pour Hubert Paris de s’occuper de la partie Afrique-Europe. Un sujet sensible, d’autant qu’il sait que son collègue parti enquêter à la frontière mexicaine s’est fait arrêter et que le reporter à la frontière entre les deux Corées ne donne plus signe de vie. Il commence ses recherches en Algérie. Par peur de l’avion, il s’y rend depuis Sète en bateau. A bord, il se rend compte que trois sans-papiers sont confinés dans une cabine, renvoyés de force au pays. Ne tient-il pas là le début d’un scoop ? Dès lors, au fil de la bande dessinée Clandestino, les rencontres fortuites vont s’enchaîner, fournissant à chaque fois à Hubert Paris un peu plus de matière. Alors qu’il fait de l’auto-stop près d’Oran, il rencontre Djamila, dont le frère, surdiplômé mais sans emploi, compte partir clandestinement en Europe. Rachid est un harraga – c’est ainsi qu’on surnomme les « têtes brûlées » qui traversent en barque. Son ami Magyd, quant à lui, a décidé de se cacher sous les essieux d’un camion pour faire la traversée en ferry. Le reporter est également mis en contact avec un certain Gérard, qui se targue d’aider les Algériens à traverser. Hubert Paris se rend ensuite à Almeria, en Espagne, l’une des principales entrées des migrants en Europe. De ce côté de la Méditerranée, il découvre l’exploitation des Maghrébins : des hommes viennent cueillir des poivrons et des fraises pour un salaire de misère ; des femmes alimentent les bordels locaux. Cette fiction-reportage entre le nord de l’Afrique et le sud de l’Espagne donne un coup de projecteur sur des accords internationaux nauséabonds, des fonctionnaires peu scrupuleux. Le dessinateur Aurel travaille notamment pour Le Monde. Loin de ses habituels dessins satiriques, il prête son talent à une bande dessinée politique et sociale fondée sur des faits réels issus de plusieurs reportages qu’il a effectués au côté de journalistes du quotidien. Reste à savoir duquel il s’est inspiré pour dessiner son héros, séducteur quadragénaire toujours au bon endroit au bon moment.
Clandestino. Un reportage d’Hubert Paris, envoyé spécial
Aurel – Ed. Glénat – 17,25 €